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13/05/1997 | FRANCE | N°95-30141

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 mai 1997, 95-30141


Attendu que, par ordonnance du 6 février 1995, le président du tribunal de grande instance de Lille a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes (la DGCCRF), en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de sept sociétés de signalisation routière dont ceux de la Société d'applications routières (la société SAR) en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 1, 2 et 4 de l'article 7

de l'ordonnance précitée, relativement à l'attribution des march...

Attendu que, par ordonnance du 6 février 1995, le président du tribunal de grande instance de Lille a autorisé des agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes (la DGCCRF), en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de sept sociétés de signalisation routière dont ceux de la Société d'applications routières (la société SAR) en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 1, 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée, relativement à l'attribution des marchés soumis à appels d'offres en 1992 par le Conseil général du Nord et celui du Pas-de-Calais et en 1994 par la direction départementale de l'Equipement du Nord et la communauté urbaine de Lille dans le secteur de la signalisation routière horizontale ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société SAR fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la demande d'enquête du ministre de l'Economie du 20 janvier 1995, la requête présentée par M. Maisonhaute au président du tribunal de grande instance de Lille aux fins d'être autorisé à pratiquer des perquisitions et saisies dans les locaux de la société SAR et, enfin, les pièces annexées à ladite requête ne figurent pas au dossier de la Cour de Cassation ; que la Cour de Cassation n'est, dès lors, pas en mesure de s'assurer de l'étendue de l'enquête demandée par le ministre, ni de l'objet des perquisitions requises par M. Maisonhaute ni de la recevabilité des pièces annexées à la requête, ni de la conformité du contrôle exercé par le président du tribunal de grande instance de Lille en application des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée se trouve privée de base légale au regard du texte susvisé et des articles 586 et 587 du Code de procédure pénale ; alors, d'autre part, que la protection des droits de l'homme au sens de la Convention européenne du 4 novembre 1950 est assurée en matière de visite domiciliaire dans le cadre de la législation économique, non seulement par le juge qui autorise la visite mais aussi par la Cour de Cassation qui, dans une procédure où le contradictoire se trouve rétabli, exerce son contrôle sur les vérifications opérées par ce dernier ; que la demande d'enquête du ministre de l'Economie du 20 janvier 1995, la requête présentée par M. Jean Maisonhaute, ainsi que les pièces jointes à ladite requête ne figurant pas au dossier officiel, et la société SAR n'étant pas mise en demeure de contester la violation de son domicile dans le cadre d'un procès équitable, les termes de l'ordonnance doivent lui être déclarés inopposables en application des articles 16 du nouveau Code de procédure civile et 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; alors, qu'à tout le moins, il incombe à la Cour de Cassation de faire respecter le principe exprimé dans les articles 586 et 587 du Code de procédure pénale et 727 et 729 du nouveau Code de procédure civile en vertu desquels le greffe de toute juridiction, qui a rendu une décision soumise au contrôle de la Cour de Cassation, doit transmettre le dossier officiel, à défaut de quoi l'ordonnance doit être censurée par l'application de ce dernier texte ;

et, alors, enfin, que si l'autorité judiciaire peut, en application des dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autoriser la violation d'un domicile au vu des seuls éléments présentés par l'Administration requérante à raison de la nécessité de réprimer des infractions à la libre concurrence, l'atteinte qui est ainsi portée aux libertés individuelles cesserait d'être proportionnée à l'objectif poursuivi au cas où l'Administration aurait la faculté de conserver le dossier qu'elle a présenté au juge de façon à éluder le débat contradictoire que l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 rétablit au niveau de la procédure de cassation, de sorte que devrait être annulée, par application des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'ordonnance rendue dans des conditions supprimant toute possibilité de débats, dans les étapes ultérieures de la procédure ;

Mais attendu que l'ordonnance attaquée échappe en elle-même aux griefs formulés aux moyens susvisés, lesquels ne concernent que la communication ultérieure des pièces produites par l'Administration ; qu'en effet, d'un côté, en ce qu'ils sont relatifs à la " constitution du dossier officiel " destiné à être " adressé à la Cour de Cassation " les griefs concernent des diligences administratives qui relèvent de l'organisation du service judiciaire ; que, d'un autre côté, s'agissant des critiques émises quant à l'absence de communication des pièces, il appartient aux parties demanderesses au pourvoi, si les pièces litigieuses ne se trouvent pas au greffe de la juridiction, de mettre en demeure l'Administration, qui avait obtenu l'autorisation de visite en cause, de leur communiquer lesdites pièces de manière à permettre l'exercice de leurs droits et en particulier d'élaborer les moyens à l'appui de leur pourvoi ; que les moyens pris en leurs diverses branches ne sont pas fondés ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société SAR fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'en ne vérifiant pas si M. Maisonhaute était expressément et nominativement habilité à procéder lui-même aux enquêtes nécessaires à l'application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal de grande instance de Lille qui lui délivre personnellement cette autorisation, dans le dispositif de son ordonnance, viole l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que, si, afin de satisfaire aux prescriptions de l'article 45 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les fonctionnaires désignés pour procéder aux visites domiciliaires doivent être choisis parmi les enquêteurs habilités, une telle exigence ne concerne pas le chef de service sous l'autorité administrative duquel ils sont placés et dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite susvisées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SAR fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des quinze relevés de soumissionnaires faits aux pages 7 et 14 de l'ordonnance que la société SAR a participé à quatorze d'entre eux, de sorte qu'en se déterminant par une considération qui manque en fait le président du tribunal de grande instance de Lille a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en retenant à titre d'indice le fait que l'entreprise SAR, seule ou en groupement, ait été retenue dans plusieurs marchés négociés directement avec les collectivités locales, ne saurait en aucun cas être retenu comme une présomption d'entente dans les marchés donnant lieu à appel d'offres, de sorte qu'en se déterminant également par cette considération le juge a violé les articles 7, 8 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que les faits relevés par l'ordonnance permettaient au juge de considérer dans l'exercice de son pouvoir souverain qu'il existait à l'encontre de diverses entreprises au nombre desquelles se trouvait la société SAR des présomptions de pratiques anticoncurrentielles au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dont la preuve doit être recherchée au moyen de visites domiciliaires dans les locaux desdites entreprises ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen additionnel, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SAR fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit légalement reconnu des parties à avoir accès a posteriori aux pièces du dossier présenté par l'Administration demanderesse à une autorisation de saisie suppose une production des originaux soumis au juge et que ne satisfait pas à cette exigence la transmission, effectuée 23 mois après l'autorisation, par la DGCCRF de simples photocopies ; de sorte qu'à défaut de la production de pièces susceptibles d'être discutées et vérifiées dans leur état matériel et leur teneur, ce qui est consubstantiel aux droits de la défense, l'ordonnance du 6 février 1995 manque, au regard des articles 16 du nouveau Code de procédure civile, 586 et 587 du Code de procédure pénale ainsi que 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, d'une base légale dont l'absence doit entraîner la cassation ; alors, d'autre part, que la requête communiquée en cours d'instance par la DGCCRF à la société SAR porte la date du 3 février 1995 et non celle du 30 janvier 1995 comme mentionnée dans l'ordonnance qui fait foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en cet état la société SAR n'est pas en mesure d'exercer a posteriori les droits de la défense et que la Cour de Cassation elle-même n'est pas en mesure de vérifier la régularité de la procédure, ce dont il résulte que l'ordonnance attaquée se trouve de plus fort privée de base légale au regard des articles 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 604 du nouveau Code de procédure civile, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge a pris et motivé sa décision au vu des pièces dont il a fourni l'énumération et analysé ceux des éléments qu'il a estimé devoir retenir au soutien de ladite décision ; qu'ainsi, quoi qu'il en soit des difficultés, étant seulement observé que la production dont fait état le demandeur répond à sa finalité quand elle est faite en photocopie, difficultés qui sont postérieures au prononcé de l'ordonnance, laquelle a dessaisi le juge, l'autorisation donnée est légalement justifiée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu qu'en fixant un délai maximum de 6 mois pour la présentation des requêtes tendant à l'annulation des opérations achevées, alors qu'il ne résulte pas de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qu'un tel recours soit enfermé dans un délai légal ou dans un délai à la discrétion du juge, le président du Tribunal a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sans renvoi mais seulement en ce qu'elle a fixé un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires, l'ordonnance rendue le 6 février 1995, par le président du tribunal de grande instance de Lille ;

REJETTE le pourvoi pour le surplus.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-30141
Date de la décision : 13/05/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE (ordonnance du 1er décembre 1986) - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Requête - Pièces - Communication - Photocopie .

Il résulte des énonciations de l'ordonnance ayant autorisé des visites et saisies domiciliaires que le président du tribunal a pris et motivé sa décision au vu des pièces dont il a fourni l'énumération et analysé ceux des éléments qu'il a estimé devoir retenir au soutien de ladite décision ; qu'ainsi, quoi qu'il en soit des difficultés, étant seulement observé que la communication dont fait état le demandeur répond à sa finalité quand elle est faite en photocopie, difficultés qui sont postérieures au prononcé de l'ordonnance, lequel a dessaisi le juge, l'autorisation donnée est légalement justifiée.


Références :

ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lille, 06 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 mai. 1997, pourvoi n°95-30141, Bull. civ. 1997 IV N° 134 p. 120
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 134 p. 120

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Geerssen.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice et Blancpain, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.30141
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