Sur le moyen unique :
Vu les articles 1208, 1351, 2021 du Code civil et 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la chose jugée par l'admission définitive d'une créance à la procédure collective d'un débiteur, la caution solidaire du paiement de cette créance peut opposer au créancier toutes les exceptions qui lui sont personnelles ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, que par acte sous seing privé du 20 avril 1983 le Crédit agricole mutuel de la Manche (la banque) a consenti à la société Saint James Distribution (la société) une ouverture de crédit en compte courant tandis que M. et Mme X... se sont portés cautions solidaires au profit de la banque du remboursement des sommes dues à ce titre par la société, qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la société, le 12 février 1989, la créance de la banque a été admise au passif de la procédure collective pour un montant de 117 986,99 francs ; que la banque ayant demandé que M. et Mme X... soient condamnés à payer ce montant, ceux-ci, invoquant la déchéance encourue en application de l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, ont fait valoir qu'il y avait lieu de déduire de la somme de 117 986,99 francs le montant des intérêts perçus par la banque ;
Attendu que pour condamner M. et Mme X... à payer la somme de 117 986,99 francs, sans déduction des intérêts du prêt, l'arrêt énonce que la décision d'admission au passif étant " définitive ", la chose ainsi jugée s'impose à M. et Mme X... dès lors qu'ils avaient cautionné solidairement, à concurrence de 200 000 francs, les sommes dues par la société à raison de l'ouverture de crédit accordée par la banque et qu'ils ne peuvent prétendre ne pas être tenus des intérêts compris dans la somme admise ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la décision d'admission de la créance, passée en force de chose jugée, n'interdisait pas à M. et Mme X..., cautions solidaires, d'invoquer l'exception personnelle tirée de l'inobservation par la banque des obligations dont elle était tenue à leur égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.