Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 22 février 1994), que, dans le cadre d'un projet de restructuration, la société Fisons a envisagé le transfert de son département " matérials management ", d'Ecully (64) à Le Trait, près de Rouen ; qu'elle a convoqué plusieurs salariés à un entretien, le 13 février 1991, et leur a soumis les éléments du plan social à l'égard duquel ils devaient prendre position avant le 22 mars 1991, leur silence, passé ce délai, valant refus du transfert ; que parmi les éléments du plan social figuraient des propositions de convention de conversion ; que, le 19 mars 1991, la société a renoncé à son projet et a annulé ses offres précédentes ; que, le 20 mars 1991, les salariés ont répondu qu'ils refusaient la modification de leurs contrats de travail, qu'ils considéraient la " lettre de licenciement du 13 février 1991 comme valable ", et qu'ils acceptaient la convention de conversion ; que la société leur a fait connaître le 21 mars 1991 qu'aucun licenciement n'avait été prononcé ; que les salariés n'ont pas repris le travail malgré une mise en demeure du 28 mars 1991 et ont considéré qu'ils avaient été licenciés, leur contrat étant rompu de plein droit le 27 mars 1991 ; que la société leur imputant une rupture brutale des contrats de travail sans préavis leur a réclamé le paiement d'indemnités au titre de ce manquement ; que les salariés ont à leur tour, par voie reconventionnelle, réclamé diverses indemnités de rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les salariés de leurs demandes tendant au paiement des indemnités de rupture du contrat de congés payés, de préavis et de dommages-intérêts, pour perte du bénéfice d'une convention de conversion acceptée dans le délai imparti malgré le retrait de la proposition de l'employeur, et de les avoir condamnés à verser des indemnités de préavis, alors selon le moyen, qu'en cas de proposition d'une convention de conversion le contrat de travail est rompu d'un commun accord entre les parties, l'accord de l'employeur résultant de son offre et celui du salarié de son acceptation qu'il est libre de donner à l'intérieur d'un délai fixé ; que l'accord de l'employeur, dont résultera la rupture, est parfait dès la proposition, aucune autre manifestation de volonté de sa part n'étant nécessaire à la rupture ; que dès lors, en affirmant que l'employeur peut retirer unilatéralement son projet de licenciement même dans le délai d'acceptation offert au salarié, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 321-6 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'au cours de l'entretien du 13 février 1991 l'employeur s'était borné à proposer aux salariés une modification de leurs contrats de travail en leur indiquant qu'en cas de refus ils seraient susceptibles d'être licenciés ; qu'elle a pu décider que l'employeur pouvait renoncer à son projet de réorganisation avant toute acceptation des salariés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, qu'à défaut de démission non équivoque le refus par le salarié de poursuivre l'exécution du contrat de travail qui n'a fait l'objet d'aucune modification substantielle de la part de l'employeur n'entraîne pas à lui seul la rupture du contrat même en cas de départ du salarié, mais peut constituer un manquement aux obligations contractuelles que l'employeur a la faculté de sanctionner au besoin en procédant au licenciement de l'intéressé ; que, en qualifiant de démission le fait pour des salariés qui se sont mépris sur l'étendue de leurs droits et se sont considérés comme licenciés de ne pas avoir repris leur travail, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 122-4 et L. 122-5 du Code du travail et 1134 du Code civil ; qu'à tout le moins, en ne caractérisant pas cette volonté non équivoque, elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ;
Mais attendu que les salariés, auxquels il avait été seulement proposé une modification de leurs contrats de travail, ne pouvaient du seul fait que l'employeur avait renoncé à ce projet se considérer comme licenciés ; que la cour d'appel, qui a relevé qu'ils n'avaient pas repris leurs fonctions malgré une mise en demeure de l'employeur, a pu décider que la rupture du contrat de travail n'incombait pas à ce dernier ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.