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13/02/1997 | FRANCE | N°96-81641

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 février 1997, 96-81641


REJET du pourvoi formé par :
- X... Yvon,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 26 février 1996, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef de complicité de présentation de comptes infidèles, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-1, L. 224-1, R. 213-6 à R. 213-10 du Code de l'organisation judiciaire, 485, 510, 592 et 593 du Code de procédure pénale, vice de forme, d

éfaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué se bor...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Yvon,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 26 février 1996, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef de complicité de présentation de comptes infidèles, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 221-1, L. 224-1, R. 213-6 à R. 213-10 du Code de l'organisation judiciaire, 485, 510, 592 et 593 du Code de procédure pénale, vice de forme, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué se borne à énoncer que lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt, ont siégé Mme Favre, conseiller désigné par une ordonnance de Mme le premier président pour présider cette chambre, M. Morel et M. Le Fèvre, ce dernier appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour :
" 1° alors, d'une part, qu'en l'état de ces seules mentions, qui ne font référence à aucun texte et ne précisent ni la date ni la nature de l'ordonnance, qui, au demeurant, ne figure pas même au dossier officiel, la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction ayant statué ;
" 2° alors, d'autre part, qu'en l'état de ces seules mentions, qui ne font référence à aucun texte et ne précisent ni le mode de désignation de M. Le Fèvre ni la date de celle-ci, la Cour de Cassation, de ce chef également, n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction ayant statué " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt, reprises au moyen, permettent à la Cour de Cassation de s'assurer de la régularité, au regard des dispositions de l'article 510 du Code de procédure pénale, de la composition de la juridiction qui a statué ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la banque San Paolo recevable en sa constitution de partie civile à l'encontre d'Yvon X... ;
" aux motifs qu'il ressort de l'information et notamment des déclarations du directeur d'agence de la banque Vernes et Commerciale de Paris, devenue banque San Paolo, ainsi que des documents internes à la banque, que ce banquier, entré en relation avec la société Mapegaz au début de l'année 1988, a subordonné sa décision d'octroyer à cette entreprise des concours financiers à l'examen du bilan de l'exercice clos au 31 décembre 1987 ; qu'au vu du bilan infidèle transmis par Jean-Marie Y... le 19 avril 1988, le comité de direction de la banque, qui n'avait pas les moyens de connaître la situation réelle de l'entreprise, a autorisé l'octroi d'une ligne de découvert de 3 500 000 francs, ainsi que d'une ligne de caution sur marchés de 2 000 000 francs, d'une durée de 6 mois ; que les concours ainsi autorisés ont été mis à disposition de la société Mapegaz le 9 août 1988, soit postérieurement à la présentation du bilan inexact aux actionnaires ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges, après avoir relevé que Jean-Marie Y... avait utilisé le bilan au 31 décembre 1987 pour l'exhiber aux banques et aux organismes de crédit aux fins d'obtenir les facilités de trésorerie indispensables à la survie de son entreprise, ont retenu que ce bilan favorable avait été déterminant dans l'octroi par la banque San Paolo de concours financiers à la société Mapegaz, à une époque où la situation de celle-ci était en réalité irrémédiablement compromise, et donc ne permettait en aucune façon un quelconque remboursement des avances consenties ; qu'il est ainsi établi que les infractions commises à titre principal par Jean-Marie Y..., et en qualité de complice par Yvon X..., ont directement causé à la banque San Paolo un préjudice ; que celle-ci est donc recevable en sa constitution de partie civile ;
" 1° alors, d'une part, que l'action civile n'est recevable qu'autant que l'infraction soit à l'origine directe du préjudice invoqué, et que le commissaire aux comptes qui établit et certifie un bilan inexact ne cause de préjudice direct qu'à la société et aux actionnaires, quelle qu'ait pu être l'utilisation dudit document par un dirigeant social qui, sur présentation de celui-ci, a frauduleusement déterminé un tiers à conclure une convention dans l'exécution de laquelle la société débitrice s'avère ultérieurement défaillante ; qu'en affirmant, en l'espèce, que les fautes pénales retenues à la charge d'Yvon X... pour avoir sciemment établi et certifié le bilan 1987 de la société Mapegaz à partir de données erronées se trouvaient à l'origine directe du préjudice subi par la banque San Paolo, tenant au défaut de remboursement des créances nées de l'utilisation des lignes de découverts et de cautionnement, autorisées dans le cadre de conventions négociées avec le président-directeur général de cette société, motif pris de ce que la banque avait été déterminée à s'engager par la présentation avantageuse de la situation de la cocontractante s'évinçant du bilan falsifié de l'exercice 1987, la cour d'appel a violé les textes et notamment l'article 2 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors, d'autre part, que, à tout le moins, en justifiant du lien de causalité direct par ce seul motif, sans autrement faire apparaître le rôle personnellement joué par Yvon X... au stade de la négociation des concours financiers concernés, en vue d'accréditer la teneur d'un bilan qu'il savait erroné, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des mêmes textes " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Mapegaz, dont Jean-Marie Y... était le président du conseil d'administration et Yvon X... le commissaire aux comptes, a sollicité le concours financier d'une banque, qui a subordonné sa décision à l'examen du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1987 ; qu'au vu du bilan favorable certifié par Yvon X... et transmis par Jean-Marie Y... le 19 avril 1988, le comité de direction de la banque a accordé à la société Mapegaz des facilités de trésorerie qui ont été mises à sa disposition le 9 août 1988 ;
Que, par arrêt de la cour d'appel de Versailles, devenu définitif en ce qui concerne l'action publique, Jean-Marie Y... a été déclaré coupable de présentation de comptes annuels infidèles et Yvon X..., de complicité de ce délit ;
Que, sur renvoi après cassation des dispositions civiles de cette décision, tous 2 ont, par l'arrêt attaqué, été condamnés solidairement à des réparations civiles au profit de la banque ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile, l'arrêt attaqué retient que la présentation des comptes annuels infidèles a été déterminante dans l'octroi de concours financiers par la banque à la société Mapegaz, dont la situation était, dès cette époque, irrémédiablement compromise ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le préjudice invoqué par la partie civile découle directement de l'infraction dont le demandeur a été déclaré complice, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1315 et 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yvon X..., solidairement avec Jean-Marie Y..., à verser à la banque San Paolo 2 346 025, 42 francs à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs que les concours autorisés au vu du faux bilan de 1987 étaient composés d'une ligne de découvert d'un montant de 3 500 000 francs et d'une ligne de caution sur marchés de 2 000 000 francs ; qu'ils n'ont été utilisés qu'à hauteur respectivement de 2 283 782, 42 francs ; que le préjudice particulier subi par la banque San Paolo se confond certes, au moins pour partie, avec la créance qu'elle a déclarée entre les mains du représentant des créanciers de la société Mapegaz, mais que la partie civile n'a jamais déclaré avoir reçu un quelconque dividende dans le cadre de la procédure civile, et qu'il ressort des propres pièces produites par Jean-Marie Y..., et notamment d'un arrêt rendu le 9 février 1995 par la cour d'appel de Versailles, 13e chambre, que l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre des opérations de la procédure collective s'élève à plus de 26 millions de francs ; qu'il s'ensuit que la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 2 346 025, 42 francs le montant des dommages-intérêts dus à la partie civile en réparation de son préjudice personnel et direct et actuel ;
" 1° alors, d'une part, qu'en estimant que la banque San Paolo était bien fondée à solliciter la condamnation d'Yvon X... à lui payer la totalité de la somme correspondant au montant des découverts utilisés par la société Mapegaz, se confondît-elle même, au moins pour partie, avec la créance produite dans le cadre de la procédure collective, motif pris de ce que la partie civile " n'a jamais déclaré avoir reçu un quelconque dividende dans le cadre de la procédure collective ", la cour d'appel a mis à la charge du commissaire aux comptes, tiers à la société débitrice et étranger à la procédure collective, le risque de la preuve de l'existence et l'étendue du préjudice, en violation des textes susvisés ;
" 2° alors, d'autre part, que pour écarter le moyen de défense tiré par Yvon X...de ce que la banque San Paolo était mal fondée à réclamer, à titre de réparation, le remboursement de créances nées de l'utilisation des lignes de découvert en cause, dès lors que demeurait en l'état incertain le point de savoir si ladite banque avait ou non été désintéressée, la cour d'appel, après avoir expressément constaté que cette dernière avait effectivement produit tout ou partie de ses créances, a relevé que, selon un arrêt de la cour de Versailles du 9 février 1995, l'insuffisance d'actif constatée dans le cadre de la procédure collective frappant la société débitrice s'élevait à plus de 26 000 000 francs ; qu'en l'état de ce constat évasif, qui ne précise ni la nature de l'arrêt en cause ni la date à laquelle avait été arrêté le montant de cette insuffisance d'actif, la cour de Paris s'est prononcée par un motif inopérant puisque impuissant à démontrer par lui-même que la banque, partie civile, n'avait pas bénéficié, au cours de la procédure collective, de paiements au moins partiels, et n'a ainsi pas légalement justifié la condamnation prononcée ;
" 3° alors, enfin, que, dans ses conclusions d'appel, Yvon X..., pour conforter la démonstration de l'absence de lien de causalité entre les agissements incriminés et le préjudice invoqué par la partie civile, avait fait valoir qu'après examen approfondi du faux bilan, présenté en avril 1988, la banque San Paolo avait réduit, au mois de septembre de la même année, le montant des crédits octroyés en mai précédent ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen dirimant, puisque l'invitant à prendre en considération la négligence dont avait fait preuve l'organisme financier en accordant hâtivement des lignes de découvert, en toute hypothèse disproportionnées à la situation financière de la société Mapegaz telle qu'avantageusement présentée au bilan erroné, et par voie de conséquence à tenir à tout le moins compte, dans l'évaluation de la réparation, de la faute de la victime, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 485 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que les juges du fond ont souverainement apprécié, dans la limite des conclusions dont ils étaient saisis, le montant de l'indemnité à allouer à la partie civile ;
Qu'ainsi, et dès lors qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d'une négligence de la victime, le montant des réparations civiles dues par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-81641
Date de la décision : 13/02/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Banque - Banque ayant accordé des concours financiers - Présentation de comptes annuels infidèles.

1° Est recevable, dans une poursuite du chef de présentation de comptes annuels infidèles et complicité, la constitution de partie civile d'une banque ayant accordé des concours financiers à une société dont la situation était irrémédiablement compromise, dès lors que les juges constatent que la présentation du bilan inexact, certifié par le commissaire aux comptes, a été déterminante dans la décision d'octroi de ces facilités.

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Partage de responsabilité - Faute de la victime - Victime d'une infraction intentionnelle contre les biens (non).

2° Aucune disposition de la loi ne permettant de réduire, en raison d'une faute de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens, la partie civile est en droit d'obtenir du complice, tenu solidairement avec l'auteur principal, la réparation intégrale de son préjudice, sans que sa prétendue négligence puisse lui être opposée(1).


Références :

2° :
Code civil 1315, 1382
Code de procédure pénale 2, 3, 485

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 février 1996

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-05-16, Bulletin criminel 1991, n° 208, p. 533 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 fév. 1997, pourvoi n°96-81641, Bull. crim. criminel 1997 N° 61 p. 198
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 61 p. 198

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Roman.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:96.81641
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