Attendu que la société libérienne Latreefers Inc. a commandé à la société polonaise Stocznia Gdanska 6 navires frigorifiques ; que, des difficultés de paiement étant intervenues, la société Stocznia Gdanska a agi devant la Haute Cour de justice de Londres contre la société Latreefers et la société lettonne Latvian Shipping Company, et a obtenu la condamnation de la société Latreefers à lui payer la somme de 11 993 052 dollars américains ; que la société Stocznia Gdanska a fait procéder, dans un port français, à la saisie conservatoire de deux navires appartenant aux sociétés libériennes Tarangora Shipping Corporation et Razna Shipping Corporation ; qu'elle a alors intenté une action tendant à faire reconnaître une communauté d'intérêts entre les diverses sociétés concernées, et leur fictivité, à l'exception de la seule société Latvian, afin d'être autorisée à exécuter sur les navires saisis tout jugement rendu à l'encontre de la société Latreefers ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Latvian, Latreefers, Tarangora et Razna font grief à l'arrêt attaqué (Pau, 21 mars 1996) d'avoir rejeté l'exception d'incompétence de la juridiction française au profit de la Haute Cour de Londres, alors que si les juridictions françaises sont seules compétentes pour statuer sur une mesure d'exécution pratiquée en France et apprécier, à cette occasion, le principe de la créance, elles ne peuvent se prononcer sur le fond de la créance, ce qu'a fait en l'espèce la cour d'appel, que si leur compétence est fondée sur une autre règle ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué retient que l'action de la société Stocznia Gdanska tend à l'exécution du jugement prononcé à Londres contre la société Latreefers sur des navires appartenant aux sociétés Taganroga et Razna, en raison de la fictivité de ces sociétés ; que cette action, relative à la saisie conservatoire ne concerne pas le fond de la créance et, partant, relève de la compétence des juridictions de l'Etat sur le territoire duquel la saisie a été pratiquée ;
Que la décision attaquée est donc légalement justifiée sur ce point ;
Sur le deuxième moyen, pris de l'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal de grande instance, juge de l'exécution :
Attendu que la cour d'appel a exactement retenu que la saisie des navires, régie par des dispositions réglementaires particulières prévues par la loi du 3 janvier 1967, relevait de la compétence du tribunal de commerce, conformément à l'article 29 du décret du 27 novembre 1967, s'agissant de saisies conservatoires ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches, concernant l'exception de litispendance internationale au profit de la juridiction de Londres :
Attendu que les juges du fond ont relevé que l'action intentée à Londres avait pour objet la résiliation des contrats, alors que l'instance engagée en France tendait à l'exécution de la condamnation prononcée en Grande-Bretagne, que les causes de ces deux actions étaient différentes, celle conduite à l'étranger étant fondée sur la responsabilité de la société Latreefers, et celle conduite en France ayant pour fondement la condamnation obtenue à l'étranger et son exécution ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de rejet de l'exception de litispendance ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.