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14/01/1997 | FRANCE | N°95-10188;95-10214

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 janvier 1997, 95-10188 et suivant


Vu leur connexité, joint le pourvoi n° 95-10.188, formé par la société Montcalm, et le pourvoi n° 95-10.214, formé par la compagnie AXA Assurances et 9 autres assureurs, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en raison du vieillissement d'une partie de son appareil propulsif le chalutier " Montcalm " a subi une avarie de moteur ; qu'après avoir demandé en référé l'organisation d'une expertise son armateur, la société Montcalm, a assigné en responsabilité la Société alsacienne de constructions mécaniques de Mulhouse, aux droits de qui est

venue la société Wartsila SACM Diesel (société Wartsila), qui avait fourni l...

Vu leur connexité, joint le pourvoi n° 95-10.188, formé par la société Montcalm, et le pourvoi n° 95-10.214, formé par la compagnie AXA Assurances et 9 autres assureurs, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en raison du vieillissement d'une partie de son appareil propulsif le chalutier " Montcalm " a subi une avarie de moteur ; qu'après avoir demandé en référé l'organisation d'une expertise son armateur, la société Montcalm, a assigné en responsabilité la Société alsacienne de constructions mécaniques de Mulhouse, aux droits de qui est venue la société Wartsila SACM Diesel (société Wartsila), qui avait fourni l'appareil responsable de l'avarie, et la société Le Pen-Picault (société Le Pen), qui était chargée de sa maintenance ; que, par suite de divers paiements, la compagnie Groupe Drouot, aux droits de qui se trouve la compagnie AXA Assurances, et 9 autres assureurs sur corps (les assureurs) ont été partiellement subrogés dans les droits de la société Montcalm et ont réclamé réparation aux sociétés Le Pen, mise ultérieurement en redressement judiciaire, et Wartsila, tandis que cette dernière qui, au cours des opérations d'expertise, avait effectué des travaux sur le navire sans rapport avec l'avarie, a demandé reconventionnellement paiement de leur prix ;

Sur le premier moyen de chacun des pourvois :

Vu les articles 1147 et 1203 du Code civil ;

Attendu que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ;

Attendu que, pour condamner la société Wartsila à ne payer à la société Montcalm et à ses assureurs qu'une somme correspondant à 70 % du montant de l'indemnité réparatrice du préjudice et fixer aux 30 % restants le montant de la créance de réparation mise à la charge de la société Le Pen, l'arrêt retient que la faute de la société Wartsila, qui n'a pas porté à la connaissance de ses clients ses propres préconisations de remplacement de l'appareil défectueux toutes les 25 000 heures, est plus grave que celle de la société Le Pen qui a aussi manqué à son devoir de conseil en ne s'informant pas auprès d'elle sur les caractéristiques fonctionnelles et l'échéance moyenne de vie de l'appareil ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que chacune des fautes commises avait concouru à la réalisation de l'entier dommage, de sorte que la responsabilité des deux entreprises devait être retenue in solidum envers la victime de celui-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Sur le deuxième moyen de chacun des pourvois, celui des assureurs pris en sa première branche :

Vu les articles 2244 du Code civil et 433 du Code de commerce ;

Attendu que, sauf impossibilité absolue d'agir, il résulte du second de ces textes que l'action en paiement du prix de travaux de réparation exécutés sur un navire se prescrit dans le délai d'un an à compter de leur réception ; qu'aux termes du premier, seul un acte signifié à celui qu'on veut empêcher de prescrire peut interrompre la prescription de l'action, de sorte que l'interruption de la prescription dont bénéficie, le cas échéant, la demande initiale ne s'étend pas à la demande reconventionnelle ;

Attendu que, pour dire que la demande reconventionnelle en paiement du prix de ses travaux formée par la société Wartsila n'était pas prescrite, l'arrêt retient que l'interruption de la prescription de l'action de la société Montcalm et de ses assureurs jusqu'au dépôt, le 6 avril 1987, du rapport de l'expert " doit également bénéficier au réparateur " et que celui-ci ayant réclamé paiement par conclusions signifiées le 6 novembre 1987, n'était pas forclos ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants déduits de l'interruption de la prescription dont profiterait la société Montcalm, sans préciser la date de réception des travaux litigieux, qui n'étaient pas la conséquence de l'avarie, ni, dès lors, donner les motifs pour lesquels la société Wartsila se serait trouvée dans l'impossibilité absolue d'agir en paiement avant le dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen des assureurs, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles 1289 et suivants du Code civil ;

Attendu qu'en cas de subrogation la compensation légale que prétendrait opérer le débiteur cédé entre sa créance sur le subrogeant et celle transmise par celui-ci au subrogé ne joue qu'autant que les conditions en ont été réunies antérieurement à la subrogation ;

Attendu que l'arrêt a dit que la société Wartsila était fondée à opposer aux assureurs subrogés la compensation entre les sommes dues par elle en réparation de l'avarie et celles que devait lui verser la société Montcalm en paiement des travaux effectués sur le navire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que les paiements subrogatoires avaient eu lieu les 28 novembre 1985 et 31 octobre 1986, sans rechercher si la compensation s'était déjà produite à ces dates, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur ce même moyen :

Vu les articles 1289 et suivants du Code civil ;

Attendu que, si les conditions de la compensation légale n'ont pas été réunies antérieurement au transfert de la créance par voie de subrogation, le débiteur cédé ne peut opposer au créancier subrogé qu'une créance connexe à celle transmise ;

Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que " l'assureur subrogé qui exerce l'action de la victime se trouve lié par les règles qui lui sont applicables et qu'il peut, à ce titre, se voir opposer... l'exception de compensation entre dettes connexes ", ce qui serait le cas en l'espèce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors, à supposer que la compensation légale ne se soit pas produite avant la subrogation, qu'il n'existait aucun lien de connexité entre, d'un côté, la créance d'indemnité à la suite de l'avarie imputable à la société Wartsila que la société Montcalm avait transmise aux assureurs, et, d'un autre côté, celle de la société Wartsila pour prix de travaux de réparation navale sans rapport avec cette avarie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Sur le troisième moyen de chacun des pourvois :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

Attendu que l'arrêt a, enfin, " dit que compte tenu de l'exécution provisoire du jugement entrepris, les assureurs devront rembourser à la société Wartsila le trop-perçu avec intérêts de droit à compter du versement effectif des sommes payées au titre de l'exécution provisoire et que la société Montcalm devra les garantir de ce trop-perçu " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts ne pouvaient courir qu'à compter de la notification de son arrêt, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, d'abord, condamné la société Wartsila à ne payer aux Compagnies AXA Assurances et autres qu'une certaine proportion du montant du préjudice direct subi par la société Montcalm et à celle-ci la même proportion de son préjudice d'exploitation, en ce qu'il a, ensuite, dit la demande en paiement du prix de travaux formée reconventionnellement par la société Wartsila non prescrite, en ce qu'il a, en outre, opéré compensation entre les sommes dues respectivement par les parties et en ce qu'il a, enfin, fixé le point de départ des intérêts au taux légal des sommes devant être remboursées à la société Wartsila à la date de leur versement au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, l'arrêt rendu le 26 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-10188;95-10214
Date de la décision : 14/01/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° SOLIDARITE - Effets - Effets à l'égard des créanciers - Obligation pour le tout - Partage de responsabilité entre chacun des responsables - Absence d'influence.

1° RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Pluralité de responsables - Concours de plusieurs fautes - Partage de responsabilité - Condamnation in solidum.

1° Chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

2° DROIT MARITIME - Navire - Réparation - Action en paiement des travaux - Prescription - Délai - Point de départ - Réception des travaux.

2° L'action en paiement du prix de travaux de réparation exécutés sur un navire se prescrit dans le délai d'un an à compter de leur réception.

3° PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Demande reconventionnelle.

3° L'interruption de la prescription dont bénéficie, le cas échéant, la demande initiale ne s'étend pas à la demande reconventionnelle.

4° COMPENSATION - Compensation légale - Exception de compensation - Exception opposée au tiers subrogé au créancier - Compensation antérieure à la subrogation - Nécessité.

4° COMPENSATION - Compensation légale - Exception de compensation - Exception opposée au tiers subrogé au créancier - Compensation postérieure à la subrogation - Connexité de la dette du débiteur et du créancier subrogeant 4° SUBROGATION - Effets - Effet translatif - Créance - Exception de compensation opposée par le débiteur au tiers subrogé au créancier - Compensation antérieure à la subrogation - Nécessité - Exception - Connexité de la dette du débiteur et du créancier subrogeant.

4° En cas de subrogation, la compensation légale que prétendrait opérer le débiteur cédé entre sa créance sur le subrogeant et celle transmise par celui-ci au subrogé ne joue qu'autant que les conditions en ont été réunies antérieurement à la subrogation, sauf s'il existe un lien de connexité.


Références :

1° :
3° :
4° :
Code civil 1147, 1203
Code civil 1289 et suivants, 1153 al. 3
Code civil 2244
Code de commerce 433

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 26 octobre 1994

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 3, 1984-12-05, Bulletin 1984, III, n° 206 (2), p. 161 (cassation partielle) ; Chambre civile 1, 1992-04-22, Bulletin 1992, I, n° 127 (2), p. 85 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1991-10-01, Bulletin 1991, IV, n° 276, p. 192 (cassation) ; Chambre commerciale, 1996-02-06, Bulletin 1996, IV, n° 42, p. 32 (rejet). A RAPPROCHER : (4°). Chambre sociale, 1987-05-07, Bulletin 1987, V, n° 294 (1), p. 188 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 jan. 1997, pourvoi n°95-10188;95-10214, Bull. civ. 1997 IV N° 16 p. 13
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 16 p. 13

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : M. Le Prado, la SCP Rouvière et Boutet, M. Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.10188
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