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07/01/1997 | FRANCE | N°95-10099

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 janvier 1997, 95-10099


Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Sanders Aliments (la société Sanders) a assigné le directeur des services fiscaux de l'Essonne pour obtenir remboursement de sommes qu'elle avait payées durant les campagnes céréalières de 1986-1987 et 1987-1988 au titre de la taxe de stockage des céréales, taxe selon elle instituée de façon illégale et incompatible ave le droit communautaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sanders reproche au jugement d'avoir rejeté sa

demande, alors, selon le pourvoi, que la procédure de contrôle des aides publiques pr...

Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Sanders Aliments (la société Sanders) a assigné le directeur des services fiscaux de l'Essonne pour obtenir remboursement de sommes qu'elle avait payées durant les campagnes céréalières de 1986-1987 et 1987-1988 au titre de la taxe de stockage des céréales, taxe selon elle instituée de façon illégale et incompatible ave le droit communautaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Sanders reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, que la procédure de contrôle des aides publiques prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE, dont l'effet direct a été reconnu, impose aux Etats une obligation d'information de la Commission préalablement à la mise en oeuvre de toute aide ; que la méconnaissance de cette obligation affecte la validité des actes comportant mise à exécution de mesures d'aide ; que l'intervention ultérieure d'une décision finale de la Commission déclarant ces mesures compatibles avec le Marché commun n'a pas pour conséquence de régulariser a posteriori les actes invalides ; qu'une aide publique ne peut être mise à exécution sans notification préalable à la Commission et que la taxe de stockage comporte précisément un mécanisme d'aide publique mis en oeuvre sans information ni autorisation de la Commission de sorte que la perception de la taxe apparaît prématurée ; qu'en refusant de sanctionner le caractère prématuré de la mise en oeuvre de la taxe parafiscale au motif qu'il n'est pas établi que la Commission ait mis en oeuvre la procédure prévue au paragraphe 2 de l'article 93, le Tribunal a violé l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase du Traité ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des conclusions de la société Sanders qu'elle a exposé en quoi la taxe de stockage perçue durant les campagnes 1986-1987 et 1987-1988 constituait une " aide nouvelle " par rapport à celle qui était perçue depuis 1953 ; que n'ayant pas justifié que l'article 93, paragraphe 3, du traité de Rome lui était applicable, elle n'est pas fondée à reprocher au tribunal de n'avoir pas apprécié sa régularité au regard de ce texte ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sanders reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'arrêt rendu par la CJCE le 19 novembre 1991 (point 12) méconnaît les mécanismes de la politique agricole commune la taxe qui frappe un nombre restreint de produits agricoles sur une longue période, dès lors qu'elle est susceptible d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ; qu'ainsi la potentialité et l'éventualité d'une modification du comportement économique des opérateurs suffit à caractériser l'incompatibilité de la taxe avec le droit communautaire, sans qu'une certitude de la modification des comportements soit exigée ; qu'il résulte du rapport fait au nom de la Commission des finances devant l'Assemblée nationale que la taxe perçue au profit du financement du secteur céréalier pour 312,6 millions de francs est un facteur de complexité et de rigidité des prix agricoles et aggrave les contraintes de revenus qui s'imposent aux agriculteurs ; qu'il résulte du projet de loi de finances pour 1990 que, de manière à limiter les charges pesant sur les céréaliers, le taux de la taxe de stockage a été ramené à 1,50 franc la tonne pour la campagne 1989-1990 ; qu'ainsi, faute de s'être expliqué sur la potentialité de l'incidence de la taxe sur le comportement des opérateurs économiques, potentialité pourtant reconnue par le Gouvernement français lui-même, le Tribunal a entaché sa décision de défaut de base légale au regard du règlement CEE 2727-75 du Conseil des Communautés européennes en date du 29 octobre 1975 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ;

Mais attendu que, dans l'arrêt visé au moyen, ayant rappelé (point 11) que, selon l'arrêt du 10 mars 1981 (Irish Creamery), les buts de l'organisation commune des marchés pourraient être compromis par des mesures nationales qui " ont une influence sensible sur les prix du marché " et qu'ainsi une taxe qui " incite les producteurs à remplacer partiellement les produits imposés par des produits non imposés risque d'engendrer des distorsions sur plusieurs marchés ", la Cour de justice des communautés européennes dit pour droit que les mécanismes de la politique agricole commune " s'opposent à la perception d'une taxe, par un Etat membre, frappant un nombre restreint de produits agricoles pendant une longue période dès lors que cette taxe est susceptible d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation " et que " il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si la taxe sur laquelle porte un litige dont elle est saisie a eu de tels effets " ; qu'il suit de là que la mission du juge national, chargé d'apprécier la compatibilité d'une taxe de la nature de celle examinée avec le droit communautaire, consiste à vérifier si elle a, dans la réalité, produit les effets de perturbations des marchés qu'elle recelait en puissance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu l'article 2 du Code civil ;

Attendu qu'en déclarant régulière la taxe litigieuse, alors que le décret du 17 août 1987 et son arrêté d'application du 14 mars 1988, organisant sa perception pour la campagne 1987-1988 et pris alors qu'elle avait déjà commencé, étaient illégaux en ce que, s'appliquant à des faits générateurs d'impôt antérieurs à leur entrée en vigueur, ils étaient rétroactifs, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Sanders en remboursement de sommes versées au titre d'opérations antérieures à l'entrée en vigueur des textes organisant la campagne céréalière 1987-1988, le jugement rendu le 3 novembre 1994, entre les parties, par le tribunal de grande instance d'Evry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Toulouse.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-10099
Date de la décision : 07/01/1997
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Articles 92 à 94 du traité de Rome - Aide nouvelle - Exposé de l'importateur - Insuffisance - Effets - Aide - Régularité - Appréciation (non).

1° Dès lors qu'il ne résulte pas des conclusions d'un importateur qu'il a exposé en quoi la taxe de stockage sur les céréales perçue durant les campagnes 1986-1987 et 1987-1988 constituait une aide nouvelle par rapport à celle perçue depuis 1953, il n'est pas fondé à reprocher au tribunal de n'avoir pas apprécié la régularité de la taxe au regard de l'article 93, paragraphe 3, du traité de Rome.

2° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Agriculture - Céréales - Taxe nationale de stockage - Effets - Opérateurs économiques - Structure - Modification - Vérification dans la réalité - Nécessité.

2° Les mécanismes de la politique agricole commune s'opposent à la perception d'une taxe, par un Etat membre, frappant un nombre restreint de produits agricoles pendant une longue période dès lors que cette taxe est susceptible d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation. Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si la taxe sur laquelle porte un litige dont elle est saisie a eu de tels effets ; il s'ensuit que la mission du juge national, chargé d'apprécier la compatibilité d'une taxe de la nature de celle examinée avec le droit communautaire, consiste à vérifier si elle a, dans la réalité, produit les effets de perturbation des marchés qu'elle recelait en puissance.

3° IMPOTS ET TAXES - Contributions indirectes - Taxes assimilées - Taxe de stockage des céréales - Décret du 17 août 1987 - Arrêté du 14 mars 1988 - Rétroactivité - Illégalité.

3° LOIS ET REGLEMENTS - Application - Application à des faits antérieurs - Impôts et taxes - Contributions indirectes - Taxe de stockage des céréales - Décret du 17 août 1987 - Arrêté du 14 mars 1988 - Illégalité.

3° Viole l'article 2 du Code civil le Tribunal qui déclare régulière la taxe de stockage des céréales alors que le décret du 17 août 1987 et son arrêté d'application du 14 mars 1988 organisant sa perception pour la campagne 1987-1988, et pris alors qu'elle avait déjà commencé, étaient illégaux en ce que, s'appliquant à des faits générateurs d'impôt antérieurs à leur entrée en vigueur, ils étaient rétroactifs.


Références :

1° :
3° :
3° :
Arrêté du 14 mars 1988
Code civil 2
Décret du 17 août 1987
Traité de Rome du 25 mars 1957 art. 93, par. 3

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Evry, 03 novembre 1994

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1995-05-16, Bulletin 1995, IV, n° 142 (2), p. 127 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jan. 1997, pourvoi n°95-10099, Bull. civ. 1997 IV N° 5 p. 3
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 IV N° 5 p. 3

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Poullain.
Avocat(s) : Avocats : Mme Baraduc-Bénabent, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.10099
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