Sur les premier et second moyens, qui sont réunis :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 mai 1994), que la société Carboxyde française (le chargeur) a confié à la Compagnie algérienne de navigation (CNAN) le transport entre Marseille et Alger de deux remorques citernes contenant un produit chimique ; que la CNAN a chargé les remorques sur le pont du navire " Teleghma " ; qu'au cours de la traversée les véhicules se sont désarrimés, le transport devant être interrompu et le navire devant revenir au port d'embarquement ; que la compagnie Union européenne et plusieurs autres compagnies d'assurances (les assureurs), subrogées dans les droits du chargeur pour l'avoir indemnisé, ont assigné la CNAN en réparation du dommage ; que la CNAN s'est notamment prévalue d'une clause contractuelle de non-responsabilité et subsidiairement de la limitation de responsabilité prévue à l'article 28 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats de transport maritime ;
Attendu que la CNAN reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée, en tant que transporteur maritime des deux remorques endommagées à la suite de leur désarrimage, à verser aux assureurs la somme principale de 637 493,20 francs, et de lui avoir refusé le bénéfice de l'exonération conventionnelle de responsabilité, en cas de transport en pontée, prévue par l'article 9 des conditions générales du connaissement, ainsi que le bénéfice de la limitation légale responsabilité, alors, d'une part, que seul le dol peut faire perdre au transporteur maritime le bénéfice d'une exonération conventionnelle de responsabilité en cas de transport en pontée ; qu'en prenant en compte, pour écarter la stipulation invoquée par elle, une faute qu'elle tenait pour inexcusable la cour d'appel a violé l'article 30 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966, et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas caractérisé la faute inexcusable retenue par elle à la charge du transporteur maritime ; que la connaissance de l'éventuelle insuffisance de l'arrimage requérait des calculs complexes ; que la cour d'appel n'a constaté ni qu'elle sût en mettant en place l'arrimage litigieux que celui-ci était insuffisant pour résister à des vents de force 11 ni qu'elle eût commis, à cet égard, une grossière erreur d'appréciation ; que, sans doute fautive, une erreur d'appréciation ne peut, à moins d'être évidemment grossière, ce qui ne résulte nullement des constatations des juges du fond, être qualifiée de faute inexcusable ; que la cour d'appel a donc entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 30 (en supposant que celui-ci puisse être compris comme privant le transporteur d'une exonération conventionnelle de responsabilité en cas de faute inexcusable) et 4, paragraphe 5, de la convention de Bruxelles du 15 août 1924 et de l'article 28 de la loi du 18 juin 1966 ;
Mais attendu, d'une part, que si, par application de l'article 30 de la loi du 18 juin 1966, toutes clauses relatives à la responsabilité sont autorisées dans les transports de marchandises chargées sur le pont conformément à l'article 22 de la même loi, le transporteur maritime ne peut invoquer le bénéfice d'une pareille clause s'il est prouvé que le dommage provient de son fait ou de son omission personnels avec l'intention de provoquer un tel dommage, ou témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ; que la cour d'appel, en retenant la circonstance de l'exécution du contrat de transport maritime entrepris par la CNAN dans des conditions qui " engendraient nécessairement le dommage ", dès lors " témérairement et avec conscience qu'un préjudice en résulterait ", a pu estimer que le comportement du transporteur maritime ainsi qualifié ne lui permettait pas d'invoquer le bénéfice de la clause litigieuse ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate, à partir des conclusions du rapport de l'expertise judiciaire, que la tempête essuyée par le navire était prévue, puisque les services météorologiques faisaient état de risques de vents de force 11 (48 à 58 noeuds) sur la Provence et donc de risques pouvant être localement supérieurs en mer, que le matériel de " saisissage ", même correctement utilisé, n'excluait la possibilité d'un désarrimage que pour des vents de force 8 et 9, " et encore ", à condition de faire des choix parfaitement judicieux de route et de vitesse en fonction des circonstances ; qu'ainsi, ayant en outre retenu que le transporteur maritime ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles il avait décidé d'exécuter le contrat, la cour d'appel a suffisamment caractérisé, au regard des critères légaux, la faute ne permettant audit transporteur d'invoquer ni la clause contractuelle exonératoire ni la limitation de responsabilité prévue par l'article 28 de la loi du 18 juin 1966 ;
D'où il suit que ni l'un ni l'autre des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.