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07/01/1997 | FRANCE | N°94-12.384

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 07 janvier 1997, 94-12.384


Attendu que, par ordonnance du 14 février 1994, le président du tribunal de grande instance de Draguignan a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux d'habitation de Mme Laurence Y... concubine de M. Laurent X...
... à Saint-Tropez (Var) en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de M. X... ;


Sur le premier moyen :


Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigie

uses alors, selon le pourvoi, qu'une visite domiciliaire par des agents de l'ad...

Attendu que, par ordonnance du 14 février 1994, le président du tribunal de grande instance de Draguignan a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux d'habitation de Mme Laurence Y... concubine de M. Laurent X...
... à Saint-Tropez (Var) en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de M. X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, qu'une visite domiciliaire par des agents de l'administration des Impôts, qui peut comme en l'espèce s'effectuer chez un tiers étranger aux agissements dont la preuve est recherchée, constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance ; qu'en vertu de l'article 8. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, une telle ingérence ne peut être autorisée que pour autant qu'elle est prévue par la loi ; que ce principe de légalité, d'ailleurs conforme au principe de droit interne qui impose l'interprétation restrictive de toute disposition dérogatoire au droit commun ou portant atteinte aux libertés publiques, interdit d'étendre l'application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en dehors des limites expressément fixées par le législateur quant à la définition des cas dans lesquels le juge peut délivrer l'autorisation sollicitée par l'Administration et quant à l'objet des preuves à rechercher ; que la recherche de l'exercice habituel en France par une personne domiciliée à l'étranger d'une activité commerciale non déclarée de banquier, infraction prévue par l'article 10 de la loi du 24 janvier 1984 et réprimée par l'article 75 de ladite loi, n'entre pas au nombre des agissements pour la recherche desquels l'autorité judiciaire est habilitée par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à autoriser l'administration des Impôts, même s'il s'accompagne d'une soustraction éventuelle à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou de la TVA, à procéder à des visites domiciliaires et saisies ; qu'il ressort en effet du paragraphe I de cet article qu'une telle autorisation ne peut être donnée qu'en vue de rechercher la preuve d'agissements consistant soit à se livrer à des achats ou à des ventes sans factures, soit à utiliser ou à délivrer des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, soit à omettre sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou à passer ou faire passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts ; que le caractère limitatif de cette liste exclut la recherche d'agissements consistant à réaliser sur le territoire français de manière habituelle des opérations commerciales bancaires non déclarées, de sorte qu'en outrepassant l'objet légal de l'autorisation donnée, le juge a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que le président du tribunal a autorisé la recherche de la preuve de la fraude à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu (catégorie BIC) et de la taxe sur la valeur ajoutée au moyen d'opérations commerciales de banque faites de manière habituelle non déclarées en France, tout en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des Impôts (articles 286. 3° TVA et 54 BIC) et non la recherche de la preuve de l'infraction pénale visée au moyen ; que la recherche ainsi autorisée entre dans les prévisions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme Y... fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, qu'aux termes du paragraphe II du second alinéa de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, la demande d'autorisation soumise au juge et dont celui-ci doit vérifier de manière concrète le bien-fondé " doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'Administration de nature à justifier la visite " ; qu'en l'espèce la demande de mise en oeuvre de l'article L. 16 B présentée le 8 février 1994 par trois agents des Impôts au président du tribunal de grande instance de Draguignan ne comportait aucun des éléments d'information en possession de l'Administration, de nature à justifier la visite, se bornant à énoncer que " des renseignements collectés et de l'enquête effectuée par nos services ", il ressortait que M. Laurent X... se prétendant domicilié à Saint-Domingue exercerait en France une activité non déclarée de banquier (collecte de fonds et octroi de prêts) sous couvert de diverses sociétés offshore et se soustrairait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu et de la TVA en réalisant des opérations commerciales de manière habituelle non déclarées et en omettant sciemment de passer des écritures dans les documents comptables obligatoires ; que ces seules énonciations qui ne comportent pas tous les éléments d'information en possession de l'Administration entachent la demande d'autorisation d'une irrégularité substantielle de sorte que l'ordonnance qui accueille néanmoins cette requête viole l'article L. 16 B-II du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'ordonnance vise les pièces constituant les éléments d'information fournis à l'appui de la demande ; que le moyen manque en fait ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme Y... fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en constatant que M. Z..., ancien salarié de M. X..., n'était plus son collaborateur et en se bornant à énoncer que c'était dans le cadre des anciennes relations de travail qu'il avait eu communication ou connaissance des documents par lui communiqués à l'administration fiscale, le juge s'est non seulement abstenu de constater l'origine apparemment licite des pièces ainsi communiquées mais a laissé au contraire apparaître leur origine illicite puisqu'un collaborateur qui, après rupture de ses relations de travail, conserve les documents auxquels il a eu accès (a fortiori pour en faire un usage manifestement malveillant) commet un délit de détournement ; que l'ordonnance attaquée procède donc de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, et alors, d'autre part, que le juge ne pouvait conférer une quelconque force probante aux courriers et attestations susvisées sans constater et pour cause puisqu'ils figurent au dossier transmis à la Cour de Cassation qui peut elle-même s'en assurer qu'ils sont rédigés conformément aux prescriptions de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en retenant de tels documents irréguliers, l'ordonnance attaquée procède une nouvelle fois d'une violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, que les formalités de l'article 202 du nouveau Code de procédure civile relatives à la production en justice d'attestations dans le cadre d'un procès civil ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement si l'attestation non conforme présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des mentions de l'ordonnance que les documents produits par l'Administration aient été obtenus par elle de manière illicite ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique
Numéro d'arrêt : 94-12.384
Date de la décision : 07/01/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

Entre dans les prévisions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales la recherche de la preuve de la fraude à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu (catégorie BIC) et de la taxe sur la valeur ajoutée, au moyen d'opérations commerciales de banque, faites de manière habituelle, non déclarées en France, tout en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 286.3° TVA et 54 BIC).

impots et taxes - visites domiciliaires - champ d'application - banque - opérations commerciales - non - déclaration en france - ordonnance autorisant la visite - vérification du bien - fondé de la demande - eléments d'information - attestation - mentions exigées par l'article 202 du nouveau code de procédure civile - inobservation - valeur de la preuve - appréciation souveraine - preuve (règles générales) - pouvoirs des juges - valeur des preuves - attestations - obtention - illicéité - preuve résultant de l'ordonnance - nécessité.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Draguignan, 1994-02-14


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique, 07 jan. 1997, pourvoi n°94-12.384, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Mourier.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Geerssen.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lesourd et Baudin, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:94.12.384
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