Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-32-1 et L. 122-32-2 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le contrat de travail du salarié, victime d'un accident du travail, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident et qu'au cours de cette période de suspension l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident, de maintenir le contrat ;
Attendu que M. Y..., employé depuis le 4 juin 1984 par M. X... en qualité de vendeur de voitures, a été victime d'un accident du travail le 17 décembre 1986 ; que l'employeur l'a licencié le 26 mars 1988, alors qu'il se trouvait en période de suspension du contrat de travail consécutive à l'accident dont il avait été victime, en invoquant les dispositions de la convention collective applicables aux absences pour maladie ; que le salarié a, le 5 mai 1988, attrait son employeur devant la juridiction prud'homale pour obtenir sa réintégration outre diverses indemnités ; qu'à l'issue de l'audience du bureau de conciliation l'employeur a fait connaître au salarié qu'il annulait son licenciement ; qu'après radiation de la procédure, le salarié a sollicité sa remise au rôle le 28 novembre 1990 pour demander, dans le dernier état de ses prétentions, la condamnation de son employeur au paiement de dommages-intérêts pour nullité de son licenciement intervenu en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, outre des sommes à titre de complément de l'indemnité de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de régularisation de prime d'ancienneté ;
Attendu que pour rejeter les demandes du salarié fondées sur l'article L. 122-32-2 du Code du travail, la cour d'appel énonce, après avoir constaté que le licenciement était intervenu pendant la période de suspension de son contrat de travail, qu'il appartient au salarié victime de la violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail de prouver et de qualifier le préjudice spécifique dont il se prévaut et qu'en l'espèce aucune preuve en ce sens n'est apportée, d'autant qu'est établi le paiement de tous les salaires pendant l'arrêt de travail et des indemnisations consécutives à l'accident dont le salarié a été victime ;
Attendu cependant que le licenciement, prononcé au cours d'une suspension du contrat de travail provoqué par un accident du travail en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, est nul et cause nécessairement au salarié, qui ne demande pas sa réintégration, un préjudice dont il appartient aux juges du fond d'apprécier l'étendue ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il concerne le rejet de la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 11 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.