Attendu qu'Ali X... est né en 1902 à Constantine (Algérie) ; que, d'une première union, il a eu trois enfants, Saïd, Abdelmajid et Mourad, décédé le 9 juillet 1992, et d'une seconde union deux autres enfants, Tewfik et Sélim ; que, le 13 juillet 1971, M. Tewfik X... a acquis un appartement à Paris (16e), moyennant le prix de 470 000 francs payé comptant ; que, le 9 février 1981, M. Sélim X... a acheté un autre appartement à Paris (16e), moyennant le prix d'un million de francs également réglé comptant ; qu'Ali X... est décédé en 1986 à Constantine, en laissant divers biens mobiliers et des immeubles, tous situés en Algérie ; que, le 15 septembre 1992, les enfants du premier lit (les consorts X...) ont assigné la veuve et les deux enfants du second lit en liquidation-partage et en rapport à la succession des deux immeubles acquis par ces derniers ; qu'ils ont soutenu que la juridiction française est compétente, en raison d'une part, de la situation en France de ces deux immeubles, d'autre part, de la domiciliation du défunt en France, la succession mobilière étant régie par la loi du domicile du de cujus ; que, le 2 avril 1993, les enfants du second lit ont opposé l'incompétence de la juridiction française, en faisant valoir que le défunt était en réalité domicilié en Algérie, lieu de son décès, et que le rapport des deux immeubles donnés ne pouvait être effectué qu'en valeur et en moins-prenant ; que l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, a accueilli cette exception d'incompétence ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, qu'une acquisition d'immeuble effectuée à l'aide de deniers fournis par le défunt s'analysant, dans les relations entre cohéritiers, comme une donation immobilière, l'action en rapport des deux immeubles situés à Paris obéissait à la loi du lieu de leur situation, et relevait donc de la compétence de la juridiction française ; et alors, d'autre part, qu'à supposer qu'il s'agisse d'une donation de deniers, donc d'une donation mobilière, celle-ci devait être rapportée à la masse immobilière, constituée par les deux immeubles situés en France, qui aurait dû conduire à la compétence du juge français ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles 3, 860 et 869 du Code civil ;
Mais attendu que, selon la loi française de qualification du for, au cas où les deniers litigieux ont servi à l'acquisition d'un bien, le rapport n'est dû que de la valeur de ce bien ; qu'il s'agit, non pas d'une restitution en nature, mais d'une dette de valeur qui présente un caractère mobilier ; que, par ce motif, qui doit être appliqué à la seule compétence juridictionnelle, la cour d'appel a, sur ce point, légalement justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 14 du Code civil ;
Attendu que, pour écarter l'application de ce texte, l'arrêt attaqué énonce que, si quatre des demandeurs sont de nationalité française, les trois autres sont de nationalité algérienne ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le privilège de juridiction instauré par l'article 14 du Code civil peut être invoqué par celui dont la nationalité française est établie, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la nationalité des autres parties demanderesses, dès lors que le demandeur français justifie d'un intérêt à exercer en son nom propre l'action en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur les deux autres branches du même moyen :
Vu l'article 14 du Code civil ;
Attendu que, pour accueillir l'exception d'incompétence, l'arrêt attaqué relève que les demandeurs français ne sauraient prétendre à davantage de droits que leur auteur Mourad X... lequel, en introduisant en 1991 en Algérie une action en partage, avait, implicitement mais nécessairement, renoncé au privilège de juridiction conféré par l'article 14 du Code civil ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que Mourad X... est décédé le 9 juillet 1992, tandis que ses trois filles du premier lit, de nationalité française, n'ont assigné que le 15 septembre 1992 en partage et en rapport à la succession des deux immeubles situés en France, de telle sorte que ces trois demandeurs exerçaient, non pas l'action de leur auteur, mais une action propre, qu'elles avaient donc qualité pour invoquer l'article 14 du Code civil, et que la prétendue renonciation implicite de leur auteur au bénéfice de ce texte leur était inopposable, l'arrêt attaqué a, de nouveau, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.