Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-17 du Code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bureau, engagé le 8 octobre 1985 en qualité de chauffeur routier par la société Transports Louis X... a saisi le 6 février 1991 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, d'une indemnité de repos compensateur et d'une indemnité compensatrice de congés payés ; qu'ayant été licencié le 24 avril 1991 il a signé le 25 avril un reçu pour solde de tout compte portant sur les salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature, dues au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail, reçu qu'il a dénoncé le 3 mai suivant sans énoncer les points sur lesquels portait sa réclamation ; qu'il a ensuite, plus de 2 mois après la signature du reçu, sollicité la condamnation de son employeur à lui payer, outre les sommes déjà demandées, diverses sommes à titre d'indemnité de repas, prime d'ancienneté, manque à gagner, annulation de mise à pied conservatoire, indemnité de préavis, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement abusif ;
Attendu que, pour déclarer recevables les demandes de M. Bureau présentées postérieurement à la signature du reçu pour solde de tout compte, la cour d'appel énonce que la signature d'un reçu pour solde de tout compte n'est pas de nature à caractériser un désistement d'instance, lequel ne saurait se présumer et ne peut résulter que d'une volonté non équivoque de renoncer à l'instance préalablement introduite, le caractère équivoque résultant en l'espèce de la lettre de dénonciation du 3 mai 1991 même si elle ne remplit pas les formalités de l'article L. 122-17 du Code du travail, en l'absence de motivation, exigence requise pour donner force libératoire au reçu pour solde de tout compte ;
Attendu, cependant, que si le reçu pour solde de tout compte n'a aucun effet libératoire à l'égard des sommes déjà demandées au conseil de prud'hommes, il conserve, en l'absence de dénonciation motivée, un effet en ce qui concerne les droits envisagés par les parties lors de son établissement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait relevé que la lettre de dénonciation du reçu ne comportait aucun motif, et que les chefs de demande présentés postérieurement à la signature du reçu portaient sur des sommes relatives à des droits envisagés lors de l'établissement de ce reçu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les demandes en paiement d'indemnité de repas, prime d'ancienneté, manque à gagner, annulation de mise à pied conservatoire, indemnité de préavis, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 16 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.