REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes et Droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 28 février 1995, qui, dans la procédure suivie contre Jean-Louis, Eusèbe, Robert, Christian et Pascal X... pour infractions à la législation des contributions indirectes, après annulation de pièces, a renvoyé les susnommés des fins de la poursuite.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu que, sur rapport du directeur des services fiscaux faisant état de la présence de travailleurs clandestins et invoquant l'existence d'un stock de sucre irrégulier dans l'exploitation viticole des consorts X..., le procureur de la République d'Angers, ouvrant une enquête préliminaire pour travail clandestin, a obtenu du président du tribunal de grande instance, suivant ordonnance du 30 septembre 1992, l'autorisation, limitée aux seules infractions au Code du travail, de faire procéder par la police de l'air et des frontières à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans tous les lieux de travail du GAEC X... ; que, le 9 octobre 1992, 16 officiers de police judiciaire, assistés de 15 fonctionnaires des Impôts, dont 4 avaient été requis par eux en tant que personnes qualifiées, notamment en matière fiscale et viticole, se sont présentés au siège de l'entreprise où ils ont constaté la présence de 72 salariés non déclarés, et découvert 2 150 kg de sucre dans le chais, 5 650 kg de sucre dans un camion stationné dans une cour et 14 700 kg dissimulés dans un hangar ;
Attendu que cette visite domiciliaire a été suivie, d'une part, de l'ouverture d'une information du chef de recours aux services de travailleurs clandestins, d'autre part, d'une citation directe, par l'administration des Douanes, des consorts X... devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de défaut de déclaration de détention de sucre, défaut d'inscription sur les registres viticoles, réception sans titre de mouvement, délits prévus notamment par les articles 422 et suivants du Code général des impôts ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 26, L. 28 et L. 38 du Livre des procédures fiscales, des articles 60, 591 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré nulle la réquisition du 9 octobre 1992 permettant la visite domiciliaire des agents des Impôts ;
" aux motifs que les conditions de forme exigées par l'article 60 du Code de procédure pénale n'ont pas été respectées ; que cette mesure a abouti à un détournement de procédure visant à écarter l'application des articles L. 26, L. 28 et L. 38 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, premièrement, les agents des Impôts, agissant dans le cadre de leurs fonctions comme personnes qualifiées au sens de l'article 60 du Code de procédure pénale, n'ont pas besoin de se soumettre à la prestation de serment exigée par le 2e alinéa de ce même texte ;
" alors que, deuxièmement, les agents des Impôts peuvent intervenir sans formalités préalables dans les locaux professionnels chez les assujettis et qu'il ne peut en être déduit un détournement de procédure " ;
Attendu que, pour déclarer irrégulières la réquisition adressée le 9 octobre 1992 par les officiers de police judiciaire aux fonctionnaires des services fiscaux ainsi que la visite domiciliaire effectuée par eux, l'arrêt confirmatif attaqué relève que, si rien ne s'oppose à ce que ces fonctionnaires soient requis en tant que " personnes qualifiées " au titre de l'article 60, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, ils n'ont pas, en l'espèce, prêté le serment prévu au second alinéa dudit article, formalité substantielle dont ne sont dispensés que les experts inscrits sur les listes ; qu'en outre, loin d'apporter une simple assistance technique aux officiers de police judiciaire requérants, dans le cadre strict de l'infraction de travail clandestin, seule visée par l'ordonnance présidentielle du 30 septembre 1992, les agents des Impôts se sont comportés comme des enquêteurs actifs, en nombre d'ailleurs supérieur à celui figurant dans la réquisition ;
Attendu que la cour d'appel en déduit que celle-ci a objectivement abouti à un détournement de procédure, qui a eu pour résultat d'écarter l'application de textes plus restrictifs, à savoir les articles L. 26 à L. 28 du Livre des procédures fiscales, limitant les interventions des agents des Impôts aux locaux affectés à l'exercice de la profession ou aux chais des viticulteurs, et L. 38 du même Livre subordonnant les visites domiciliaires, en matière de contributions indirectes, à une autorisation du président du tribunal, hormis le cas de flagrant délit ;
Attendu que les juges ajoutent que la flagrance n'était pas caractérisée, en l'absence d'indices apparents d'un comportement délictueux, et que la découverte, incidente à une enquête de droit du travail, d'une infraction flagrante en matière fiscale ne peut non plus être admise, puisque la présence des fonctionnaires des Impôts n'avait pas été valablement requise et que la découverte du sucre n'était ni spontanée ni inopinée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait l'exacte application ;
Qu'en effet le recours à des fonctionnaires des Impôts, à titre de personnes qualifiées, est subordonné par les articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale à la double condition que les constatations qu'entend leur confier l'officier de police judiciaire ne puissent être différées et que les personnes ainsi appelées prêtent par écrit le serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et conscience ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 101 et L. 213 du Livre des procédures fiscales, des articles 107, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé le procès-verbal du 23 décembre 1992 ;
" aux motifs que le formalisme attaché à la rédaction des procès-verbaux n'a pas été respecté, car il manquait la signature des 2 fonctionnaires de la police de l'air et des frontières ; qu'un procès-verbal non signé doit être considéré comme inexistant ;
" alors que, premièrement, la cour d'appel n'a pas statué sur la validité des procès-verbaux de droit commun, ainsi que cela lui était demandé, et n'a donc pas répondu aux conclusions de l'Administration sur la validité de la procédure judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance d'Angers ;
" alors que, deuxièmement, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions développées par l'Administration relatives à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales ;
" alors que, troisièmement, s'il est exact que les procès-verbaux doivent être signés par le ou les agents verbalisateurs, la cour d'appel a méconnu les règles qui président à la rédaction des procès-verbaux en matière de contribution indirecte et a ainsi privé sa décision de base légale ;
" alors que, quatrièmement, les dispositions de l'article 107 du Code de procédure pénale, selon lesquelles un procès-verbal non signé doit être considéré comme inexistant, ne concernent que les procès-verbaux d'audition de témoins que le juge d'instruction peut être amené à citer ; que ce texte a été violé par fausse application " ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de nullité du procès-verbal en date du 23 décembre 1992, rédigé, après communication de pièces par le juge d'instruction en vertu de l'article L. 101 du Livre des procédures fiscales et relatant les constatations effectuées le 9 octobre 1992 dans les locaux du GAEC X..., l'arrêt attaqué retient, par motifs propres ou adoptés des premiers juges, que l'infraction de droit commun recherchée par l'autorité judiciaire était sans rapport avec les infractions fiscales relevées au cours de visites domiciliaires irrégulières ; qu'au surplus la cour d'appel observe que le procès-verbal litigieux, rédigé sur papier à en-tête de la Direction générale des Impôts, par 2 officiers de police judiciaire en fonction à la sous-direction de la maîtrise des flux migratoires, se disant " accompagnés " de 3 inspecteurs des impôts, n'est signé que de ces derniers ; que, dès lors, il doit être considéré comme inexistant au moins en ce qui concerne les constatations relatives à la découverte du sucre ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la nullité d'un acte subséquent à une visite domiciliaire déclarée irrégulière et ayant pour seul objet d'en rapporter la substance, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.