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02/10/1996 | FRANCE | N°95-85715

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 octobre 1996, 95-85715


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Patrick,
- Y... Solange, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 28 septembre 1995, qui a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction sur les faits qu'ils avaient dénoncés sous la qualification de dénonciation calomnieuse.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575.1° du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 86 du Code de procédure pénale, de l'article

373 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que ...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Patrick,
- Y... Solange, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 28 septembre 1995, qui a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction sur les faits qu'ils avaient dénoncés sous la qualification de dénonciation calomnieuse.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575.1° du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 86 du Code de procédure pénale, de l'article 373 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a confirmé une ordonnance de refus d'informer ;
" aux motifs que c'est à juste titre que par des motifs pertinents et exacts le juge d'instruction a considéré au vu des éléments produits qu'il a estimés suffisants que le document intitulé "rapport concernant un problème d'éthique au service de médecine rédigé et signé par une infirmière surveillante de l'hôpital de Lunel et des infirmières du même établissement et le refus consécutif de 2 médecins dudit hôpital de délivrer le certificat de décès ne pouvait recouvrer de qualification pénale et a fortiori celle de dénonciation calomnieuse ; qu'en effet ledit rapport ne mentionne qu'une demande pressante d'administration de calmants et un désir exprimé d'une issue fatale rapide et ne contient aucune accusation déguisée ; que les faits dénoncés, à les supposer démontrés, n'exposaient aucunement leur auteur à des sanctions précises ; qu'en conséquence la rédaction du rapport incriminé ne relève pas des éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse ; qu'il en est de même du refus du docteur Z... de délivrer le certificat de décès, que le médecin est tenu, comme l'a fort justement rappelé le juge d'instruction, de refuser de délivrer un tel certificat lorsque la cause du décès est inconnue, ou suspecte, au regard d'un médecin vigilant ou prudent sur l'avis à donner : que le refus incriminé par les parties civiles, précisant du reste l'absence de signe clinique évocateur d'un homicide..." relève de l'application stricte des textes et ne saurait être considérée comme l'élément matériel du délit de dénonciation calomnieuse ;
" alors, d'une part, que la dénonciation calomnieuse peut résulter non seulement de la dénonciation de faits expressément présentés comme criminels ou délictueux mais également d'insinuations permettant de penser que des faits criminels ou délictueux ; que les demandeurs avaient fait valoir que le rapport signé par les infirmières ne rappelait pas simplement une demande pressante émanant de la famille de l'administration de morphine mais par sa rédaction tendant à soulever des ambiguïtés et des accusations déguisées à l'encontre des partie civiles ; que les demandeurs avaient souligné dans leur mémoire devant la Cour que le refus de permis d'inhumer indiquait "les raisons de ce refus sont essentiellement celles rapportées par le personnel soignant de l'hôpital Lunel faisaient état de la demande pressante de la famille pour que la mort intervienne rapidement" ; que l'auteur du refus de permis d'inhumer avait donc bien interprété le rapport des infirmières comme impliquant une accusation d'homicide de la part d'un des membres de la famille ; qu'en se contentant d'affirmer que le rapport ne mentionnait qu'une demande pressante d'administration de calmants, un désir exprimé d'une issue fatale rapide et ne contenait aucune accusation déguisée, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision puisqu'aussi bien l'auteur du refus du permis d'inhumer s'était explicitement référé dans sa décision de refus de permis d'inhumer ainsi que l'avaient souligné les demandeurs au rapport du personnel signant de l'hôpital Lunel faisant état de la demande pressante de la famille pour que la mort intervienne rapidement, ce qui impliquait bien l'insinuation qu'un homicide avait pu être commis ;
" alors, d'autre part, que la Cour de Cassation, en droit d'examiner le rapport incriminé qui figure au dossier, ne peut que constater qu'il s'en dégage des insinuations implicites d'homicide à la charge du fils du défunt ;
" alors, de troisième part, que si le médecin est tenu de refuser un certificat d'inhumer, lorsque la cause du décès est inconnue ou suspecte aux yeux d'un médecin vigilant ou prudent sur l'avis à donner, le refus de permis d'inhumer, opposé par un médecin traitant, implique nécessairement l'existence à ses yeux d'un élément extérieur à la maladie qu'il a soignée et de nature à avoir pu causer le décès ; que la décision attaquée, qui n'indique pas quel élément aurait pu pousser le docteur Z... à refuser le permis d'inhumer et pourquoi il pouvait refuser ce permis sans que son refus implique aux yeux des autorités une présomption d'homicide, ou au moins une cause suspecte du décès, présomption de cause étrangère à la maladie soignée, les juges du fond n'ont pas suffisamment motivé leur décision et n'ont pas indiqué pourquoi le refus de permis d'inhumer et sa notification à la brigade de gendarmerie et ne constituait pas une dénonciation calomnieuse " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 86 du Code de procédure pénale que, sous la réserve prévue par le 4e alinéa de ce texte, lorsque les faits dénoncés ne peuvent légalement comporter une poursuite ni admettre aucune qualification pénale, le juge d'instruction, régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; que, toutefois, s'il est saisi d'un réquisitoire de refus d'informer, il ne peut passer outre sans statuer par une ordonnance motivée ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, le 21 juillet 1993, Solange Y..., épouse X..., et Patrick X... ont porté plainte avec constitution de partie civile pour homicide involontaire, non-assistance à personne en danger et dénonciation calomnieuse ;
Que, sur cette plainte régulièrement communiquée après consignation, le procureur de la République, le 11 janvier 1994, a saisi le juge d'instruction de réquisitions tendant à ce qu'il soit informé des chefs d'homicide involontaire et non-assistance à personne en danger mais de non-informer pour le délit de dénonciation calomnieuse ;
Qu'après avoir procédé à divers actes d'information et, notamment, mis en examen 2 personnes, le 16 juin 1994, des chefs d'homicide involontaire et non-assistance à personne en danger, le magistrat instructeur a rendu, le 10 juillet 1995, une ordonnance de " refus partiel d'informer " sur les faits qualifiés par les parties civiles de dénonciation calomnieuse ;
Attendu que, pour confirmer cette dernière décision, l'arrêt attaqué prononce par les motifs, propres et adoptés, repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi sur des éléments de pur fait, sans préciser s'ils avaient été vérifiés par une information préalable ou en étaient résultés, et sans rechercher si, malgré l'absence d'une ordonnance de passer outre aux réquisitions de refus d'informer dont le juge d'instruction avait été saisi, ils ne pouvaient justifier une décision de non-lieu partiel du chef de dénonciation calomnieuse, la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de l'arrêt attaqué, au regard des textes et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, en date du 28 septembre 1995,
Et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes, dont la compétence sera limitée dans les conditions prévues par l'article 609-1, 2e alinéa, du Code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85715
Date de la décision : 02/10/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de refus d'informer - Réquisitoire aux fins de refus d'informer - Obligation pour le juge d'instruction de rendre une ordonnance de passer outre.

INSTRUCTION - Ordonnances - Ordonnance de refus d'informer - Plainte avec constitution de partie civile - Réquisitoire aux fins de refus d'informer - Obligation pour le juge d'instruction de rendre une ordonnance de passer outre

Selon l'article 86 du Code de procédure pénale, sous la réserve prévue par le 4e alinéa de ce texte lorsque les faits dénoncés ne peuvent comporter une poursuite ou admettre aucune qualification pénale, le juge d'instruction, régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire quelles que soient les réquisitions du ministère public ; toutefois, s'il est saisi d'un réquisitoire de refus d'informer, il ne peut passer outre sans statuer par une ordonnance motivée. Ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision la chambre d'accusation qui confirme l'ordonnance de refus " partiel " d'informer, rendue sur réquisitions conformes prises plusieurs mois auparavant, sans préciser si les faits motivant cette décision avaient été vérifiés par l'information suivie des autres chefs dénoncés par la partie civile ou s'ils en étaient résultés, et sans rechercher si, malgré l'absence d'une ordonnance de passer outre aux réquisitions de refus d'informer, ils ne pouvaient, après annulation et évocation, justifier une décision de non-lieu partiel.


Références :

Code de procédure pénale 86, al. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre d'accusation), 28 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 oct. 1996, pourvoi n°95-85715, Bull. crim. criminel 1996 N° 341 p. 1011
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 341 p. 1011

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Massé.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Ryziger et Bouzidi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.85715
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