Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ensemble l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que, le 7 juin 1989, plusieurs salariés de la société Sormae, affectés à un chantier situé à Verdun-sur-le-Doubs, ont refusé de s'y rendre et ont réclamé soit la mise à leur disposition d'un moyen de transport, soit le paiement des indemnités de grand déplacement ; que, le 15 juin 1989, la société Sormae les a licenciés pour faute grave au motif que leur refus de se rendre sur le chantier désorganisait l'entreprise ;
Attendu que, pour débouter les salariés de leurs demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt infirmatif attaqué retient qu'il résulte des pièces du dossier que le refus de se rendre sur le chantier de Verdun-sur-le-Doubs n'avait pas été décidé pour appuyer des revendications non satisfaites, mais était motivé par l'impossibilité alléguée dans laquelle se trouvaient les salariés de se rendre à leur lieu de travail faute de moyens de transport, et à laquelle il était demandé à la direction de remédier par la mise à disposition d'un véhicule ou le versement d'indemnités de grand déplacement ; qu'aucun des éléments soumis aux débats ne fait apparaître chez les salariés concernés la volonté non équivoque de cesser le travail et de faire grève ; que la suspension de l'exécution du contrat de travail par les salariés, qui n'était ni dans les faits ni dans la volonté des intéressés la réponse à des revendications non satisfaites, ne présentait pas les caractères d'une grève ;
Attendu, cependant, que l'exercice du droit de grève résulte objectivement d'un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les salariés avaient demandé à la direction la fourniture d'un moyen de transport ou l'octroi des indemnités de grand déplacement, ce qui constituait une revendication professionnelle et cessé leur travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ces énonciations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.