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11/06/1996 | FRANCE | N°95-82778

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 1996, 95-82778


REJET du pourvoi formé par :
- X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 21 mars 1995 qui, sur la plainte avec constitution de partie civile de Y..., l'a condamnée pour vol, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 230 et suivants et 310 du Code civil, 379 et 380 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de vol au préjudice de Y... ;
...

REJET du pourvoi formé par :
- X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, du 21 mars 1995 qui, sur la plainte avec constitution de partie civile de Y..., l'a condamnée pour vol, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 230 et suivants et 310 du Code civil, 379 et 380 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de vol au préjudice de Y... ;
" aux motifs que X... a tenté d'échapper à sa responsabilité pénale, d'une part, en ratiocinant sur les circonstances du prononcé du divorce en Thaïlande, sur les conventions de partage qui lui avaient été selon elle imposées par la violence et, d'autre part, en invoquant le bénéfice de l'article 380 du Code pénal ; que sa thèse ne résiste pas à l'examen ; qu'en effet, force est de constater qu'aucun élément de la procédure ne révèle une quelconque violence ou contrainte morale exercée sur la prévenue qui s'est rendue librement de Birmanie en Thaïlande afin d'obtenir plus rapidement, tant pour ses convenances personnelles que pour celles de son mari, un divorce par consentement mutuel prononcé conformément à la loi de ce pays le 19 juillet 1984 et qui a été ultérieurement transcrit en France à la requête du Parquet le 26 novembre 1984 soit antérieurement à l'enlèvement des meubles appartenant au plaignant ; que, dès lors, X... ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour dénuer tout effet, notamment quant à ses conséquences sur leurs biens à ce divorce intervenu à l'étranger ; que les effets de ce divorce relativement au sort des biens du ménage tel qu'il avait été fixé par la convention qu'elle avait acceptée étant immédiats, la prévenue ne saurait sérieusement soutenir qu'elle n'avait appris la transcription que postérieurement aux faits qui lui sont reprochés ; que son intention de s'approprier frauduleusement des biens qu'elle savait ne pas lui appartenir (du fait de la convention passée, quand bien même aurait-elle été homologuée en France bien plus tard) résulte suffisamment des éléments du dossier, notamment du fait qu'elle a procédé à une effraction d'un local où ils étaient entreposés et qu'elle a tenté de les soustraire aux investigations des enquêteurs, tout en essayant de suborner divers témoins de ses agissements coupables ; que, par ailleurs, Mme X... est d'autant moins fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 380 du Code pénal qu'elle n'a intenté en France aucune action en inopposabilité du divorce survenu à l'étranger ;
" alors, d'une part, que le contrôle de la régularité internationale d'un jugement étranger peut être opéré par tout juge devant lequel ce jugement est invoqué à l'appui d'une exception ou d'une fin de non-recevoir ; que la transcription d'un jugement de divorce étranger sur les actes d'état civil des époux ne fait pas obstacle à l'exercice de ce contrôle ; qu'en l'espèce, en donnant effet au jugement de divorce des époux Y...-X..., prononcé à Bangkok et transcrit sur leurs actes d'état civil, et en refusant de rechercher, motif pris de l'absence d'action en inopposabilité de ce jugement, si, comme le soutenait X... et comme l'avaient retenu les premiers juges, le divorce "à l'amiable" prononcé à Bangkok par un simple officier d'état civil, et non un juge, sans vérification de la réalité du consentement des époux, ni de leur intérêt et de celui des enfants, et en l'absence de délai de réflexion, bien que, selon l'article 310 du Code civil, les époux étant tous 2 de nationalité française, la loi française ait été applicable, ne contrevenait pas à l'ordre public français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
" alors, d'autre part, que ne peut recevoir effet en France, le jugement de divorce prononcé dans un pays étranger où ne réside aucun des époux si le choix de l'autorité ayant rendu le jugement a été opéré par fraude ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que les époux Y...-X... se sont rendus de Birmanie en Thaïlande, pour obtenir plus rapidement, pour des convenances personnelles, un divorce par consentement mutuel prononcé conformément à la loi thaïlandaise ; qu'en ne déduisant pas de ces circonstances l'irrégularité internationale du jugement litigieux que X... était en droit d'invoquer malgré sa prétendue propre turpitude et que la cour d'appel devait, en tout état de cause, relever d'office, l'arrêt attaqué a violé les textes précités " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X..., divorcée Y..., est poursuivie devant la juridiction correctionnelle pour vol d'objets mobiliers appartenant à son ex-mari ;
Attendu que, pour lui refuser le bénéfice de l'immunité de l'article 380 ancien du Code pénal, et rejeter l'exception tirée de l'inopposabilité de la décision du divorce prononcée entre les époux à Bangkok (Thaïlande) le 19 juillet 1984 et transcrit ultérieurement sur les registres de l'état civil en France, les juges d'appel énoncent que la prévenue, qui s'est rendue de son plein gré de Birmanie en Thaïlande afin d'obtenir plus rapidement, tant pour ses convenances personnelles que pour celles de son mari, un divorce par consentement mutuel, ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges du second degré ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, un prévenu n'est pas recevable à invoquer l'inopposabilité, en France, d'une décision étrangère qui a prononcé le divorce sur sa propre demande ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 379 du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à verser à Y... la somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs qu'en l'état des éléments d'appréciation qui lui sont fournis, la Cour est en mesure de fixer à 100 000 francs le préjudice (toutes causes confondues) subi par Y... découlant directement de l'infraction poursuivie ;
" alors, d'une part, qu'en statuant ainsi sans caractériser ni l'existence ni l'importance respective des préjudices matériel, professionnel, affectif et moral dont Y... sollicitait la réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
" alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas aux conclusions de X..., qui, se fondant notamment sur la convention de partage que l'arrêt considère comme opposable à celle-ci, contestait tant le nombre d'objets que la partie civile prétendait lui avoir été volés que la valeur de ces objets, la cour d'appel a privé sa décision de motif en violation des textes précités " ;
Attendu que, pour fixer à 100 000 francs l'indemnité compensatrice ayant résulté, pour la victime, de l'infraction poursuivie, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'a fait qu'user, sans insuffisance ni contradiction, de son pouvoir souverain d'apprécier, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer, en ses divers aspects, le dommage né de l'infraction, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-82778
Date de la décision : 11/06/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMMUNITE DE L'ARTICLE 380 DU CODE PENAL - Domaine d'application - Personnes protégées - Epoux - Divorce par consentement mutuel prononcé à l'étranger - Inopposabilité en France - Partie pouvant l'invoquer.

VOL - Immunité de l'article 380 du Code pénal - Domaine d'application - Personnes protégées - Epoux - Divorce par consentement mutuel prononcé à l'étranger - Inopposabilité en France - Partie pouvant l'invoquer

Le prévenu qui, pour obtenir le bénéfice de l'immunité de l'article 380 ancien du Code pénal, soutient que son divorce, acquis à l'étranger, aurait été prononcé dans des conditions contraires à l'ordre public français et ne pourrait donc être reconnu en France, est irrecevable à invoquer cette exception d'inopposabilité, dès lors que la décision étrangère a été rendue sur sa propre demande. (1).


Références :

Code pénal 380

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 mars 1995

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre civile 1, 1983-01-19, Bulletin civ. I, 1983, n° 27, p. 24 (rejet) ;

Chambre civile 1, 1990-02-14, Bulletin civ. I, 1990, n° 43, p. 32 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 1996, pourvoi n°95-82778, Bull. crim. criminel 1996 N° 245 p. 743
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 245 p. 743

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pibouleau.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Monod, M. Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.82778
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