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05/06/1996 | FRANCE | N°95-81022

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 juin 1996, 95-81022


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION par voie de retranchement sans renvoi et CASSATION PARTIELLE sur l'action civile sur les pourvois formés par :
- Pierre X...,
- Louis-Marie X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 18 janvier 1995, qui, pour défrichement de parcelles boisées sans autorisation, les a condamnés chacun à 2 000 francs d'amende avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison

de la connexité ;
Sur le second moyen de Louis-Marie X..., pris de la violati...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et CASSATION par voie de retranchement sans renvoi et CASSATION PARTIELLE sur l'action civile sur les pourvois formés par :
- Pierre X...,
- Louis-Marie X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 18 janvier 1995, qui, pour défrichement de parcelles boisées sans autorisation, les a condamnés chacun à 2 000 francs d'amende avec sursis, a ordonné la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le second moyen de Louis-Marie X..., pris de la violation des articles L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier, décrets des 16-24 août 1790, articles 7 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 4 du Code pénal, 111-3 du nouveau Code pénal, excès de pouvoirs, violation du principe de la légalité criminelle :
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'enlèvement des apports ayant changé la nature du sol et le reboisement en espèces de bois tendres comparables à ceux existant avant l'infraction dans les 2 ans du prononcé dudit arrêt ;
" aux motifs que, sur le rétablissement des lieux, il s'agit de l'enlèvement des apports ayant changé la nature du sol et du reboisement en espèces de bois tendres comparables à ceux existant avant l'infraction ; que la recevabilité de cette demande n'est pas contestée (arrêt p. 4 et 5) ;
" 1o Alors que, conformément à l'article L. 311-1 du Code forestier, seule l'autorité administrative peut ordonner le rétablissement des lieux, en cas de défrichement illicite ;
" qu'ainsi, en infligeant une telle sanction au prévenu, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ;
" 2o Alors que l'ordre de reboisement prévu à l'article L. 313-1 du Code forestier, simple sanction administrative, ne constitue pas une peine réprimant l'infraction de défrichement illicite ;
" qu'ainsi, en infligeant une telle sanction au prévenu, la cour d'appel a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines " ;
Vu les textes susvisés ;
Attendu que les juges ne peuvent prononcer, sur l'action publique, que les peines et mesures prévues par la loi ;
Attendu qu'aux termes de l'articles L. 313-1, alinéa 1, du Code forestier, en cas d'infraction aux dispositions de l'article L. 311-1 de ce même Code, le propriétaire est condamné à une amende calculée à raison de 2 000 francs à 10 000 000 francs par hectare de bois défriché ; que l'alinéa 3 de cet article ne donne la faculté d'ordonner le rétablissement des lieux en nature de bois, dans le délai par elle fixé, qu'à " l'autorité administrative " ; qu'il s'ensuit qu'en ordonnant elle-même cette mesure au lieu et place du ministre de l'Agriculture, désigné par l'article R. 313-1 comme étant cette autorité, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Attendu que les infractions de défrichement non autorisé constituent des délits passibles uniquement d'une peine d'amende ; que, dès lors, ils sont amnistiés de plein droit par application de l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 3 août 1995 ;
Qu'en vertu de l'article 21 de ladite loi, la Cour de Cassation reste cependant compétente au point de vue des intérêts civils ; qu'il y a lieu, dès lors, de statuer sur le pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation de Louis-Marie X... pris de la violation des articles L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier, 121-1 du nouveau Code pénal, ensemble le principe de la responsabilité personnelle, les articles 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis-Marie X... coupable de défrichement illicite ;
" aux motifs, propres, que les articles L. 311-1 et L. 311-2 du Code forestier n'édictent pas à la charge des propriétaires une interdiction de défricher, mais une obligation positive de veiller, en leur qualité de propriétaire à la conservation de la forêt ;
" qu'il s'agit d'une obligation de faire et non d'une interdiction ;
" qu'elle pèse donc sur toute personne qui, comme propriétaire, nu-propriétaire ou copropriétaire, a la possibilité légale d'intervenir pour éviter un défrichement, c'est-à-dire non une coupe, mode d'usage normal d'une forêt à condition d'être immédiatement suivie de reboisement ou de laisser se faire le reboisement naturel, mais le changement de nature d'une parcelle (arrêt p. 4) ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, que Louis X... et Pierre X... font valoir leur bonne foi ;
" qu'ils expliquent qu'ils ont tout ignoré des agissements de leur frère ;
" qu'ils font notamment valoir qu'ils n'habitent pas la région ;
" que, même si leur bonne foi paraît entière, une décision de relaxe est impossible au regard des termes de l'article L. 313-1 du Code forestier (jugement p. 5) ;
" 1o Alors que conformément au principe selon lequel nul n'est punissable qu'en raison de son fait personnel, l'article L. 311-1 du Code forestier, qui interdit à tout particulier de défricher ses bois sans autorisation administrative, ne peut justifier des poursuites pénales qu'à l'encontre de l'auteur du défrichement illicite ;
" qu'en estimant au contraire que l'article L. 311-1 édicte une obligation pour le propriétaire de veiller à la conservation de la forêt, pour déduire, sur ces bases, la responsabilité pénale de Louis-Marie X..., en sa seule qualité de propriétaire, nonobstant l'ignorance dans laquelle il a été tenu des agissements de Jacques X..., seul chargé de la gestion du domaine, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 121-1 du nouveau Code pénal ;
" 2o Alors que le propriétaire d'un domaine forestier ne saurait être poursuivi du chef de défrichement illicite lorsqu'il n'a pu empêcher le délit, commis à son insu ;
" qu'en l'espèce, il résulte des propres mentions du jugement, confirmé par la Cour, que Louis-Marie X..., dont la bonne foi est entière, a tout ignoré des agissements commis par son frère Jacques X..., seul signataire d'un contrat permettant à la société Y... de déverser des gravats sur le domaine forestier ;
" qu'en retenant toutefois Louis-Marie X... dans les liens de la prévention, la cour d'appel a violé les articles L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Pierre X... pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Pierre X... à une amende de 2 000 francs avec sursis pour défrichement sans autorisation ;
" aux motifs que Pierre X... explique qu'il a tout ignoré des agissements de son frère ; qu'il fait notamment valoir qu'il n'habite pas la région (cf. jugement entrepris, p. 5, 11° alinéa) ; que "même si sa bonne foi paraît entière, une décision de relaxe est impossible au regard des termes de l'article L. 313-1 du Code forestier" (cf. jugement entrepris, p. 5, 12e alinéa) ; qu'"il convient de le déclarer coupable de l'infraction en prononçant contre lui une peine de principe" (cf. jugement entrepris, p. 5, 13e alinéa) ; que "les articles L. 311-1 et L. 311-2 du Code forestier n'édictent pas à la charge des propriétaires une interdiction de défricher, mais une obligation positive de veiller, en leur qualité de propriétaire, à la conservation de la forêt ; qu'il s'agit d'une obligation de faire, et non d'une interdiction" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 3e alinéa) ; qu'"elle pèse donc sur toute personne qui, comme propriétaire, nu-propriétaire ou copropriétaire, a la possibilité légale d'intervenir pour éviter un défrichement, c'est-à-dire, non une coupe, mode d'usage normal d'une forêt à condition d'être immédiatement suivie de reboisement ou de laisser se faire le reboisement naturel, mais le changement de nature d'une parcelle" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 4e alinéa) ; qu'"en fait, il apparaît clairement de la procédure que, dans sa manie de rehaussement des terrains tels que Dieu ou la nature les ont faits, Jacques X... a voulu rehausser de plusieurs mètres l'altitude des terrains en cause dans un but aussi peu clair que constamment poursuivi en faisant fi de toute réglementation, saccageant ainsi délibérément les derniers vestiges de la forêt dite du Grésivaudan, d'un intérêt écologique certain" (cf. arrêt attaqué, p. 4, 5e alinéa) ;
" 1o Alors que la conservation des forêts et des bois incombe personnellement au propriétaire ; qu'en cas de défrichement non autorisé, la loi a fait un délit, à la charge dudit propriétaire, de l'inexécution de cette obligation ; que, par suite, lorsque la matérialité de ce manquement est établie, le propriétaire ne peut s'exonérer qu'en prouvant la force majeure ou l'existence d'un délit auquel il est resté étranger qu'il n'a pu empêcher ; que la cour d'appel, qui constate que le frère de Pierre X..., animé par la manie de remblayer l'héritage dont il est copropriétaire, faisant fi de toute réglementation et saccageant délibérément les derniers vestiges de la forêt du Grésivaudan, a commis le délit de défrichement sans autorisation, sans lui reconnaître la faculté qu'il avait d'établir et qu'il est demeuré étranger au délit commis par son frère et qu'il n'a pu en empêcher la perpétration ; qu'elle a violé par fausse interprétation les articles L. 311-1 et L. 313-1 du Code forestier ;
" 2o Alors que Pierre X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que, comme le premier juge le reconnaissait lorsqu'il a énoncé que sa bonne foi est entière, qu'il est demeuré totalement étranger au délit commis par son frère et qu'il n'a pas pu en empêcher la perpétration ; qu'en s'abstenant de réponse à ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacques X..., Pierre X... et Louis-Marie X... ont été cités pour avoir à Voreppe (Isère), défriché sans autorisation des parcelles de terre incluses dans un espace boisé de plus de 4 hectares dont ils sont copropriétaires indivis ; que les 2 derniers résidant respectivement à Paris et dans le département de la Somme ont fait valoir l'impossibilité dans laquelle ils s'étaient trouvés d'empêcher les faits délictueux commis par leur frère, unique gestionnaire de ce domaine ;
Que, cependant, pour retenir leur culpabilité, les juges du second degré, après avoir retenu que les faits reprochés ont été réalisés par le seul Jacques X..., à l'insu de ses frères, énonce que " même si leur bonne foi paraît entière, une décision de relaxe est impossible au regard des termes de l'article L. 313-1 du Code forestier " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article L. 313-1 précité ne déroge nullement aux dispositions de l'article 121-1 du Code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelé ;
Que, dès lors, la censure est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le 3e moyen de cassation proposé :
I. Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
Et, vu l'article 612-1 du Code de procédure pénale :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 18 janvier 1995, par voie de retranchement et sans renvoi, en ce qu'il a ordonné la remise en état des lieux ;
Et attendu que l'intérêt de l'ordre public et d'une bonne administration de la Justice commande que la cassation soit étendue à Jacques X... ;
DIT que la cassation ainsi prononcée aura effet à l'égard de Jacques X..., qui ne s'est pas pourvu ;
II. Sur l'action civile :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé en ses seules dispositions civiles concernant Pierre et Louis-Marie X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et, pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-81022
Date de la décision : 05/06/1996
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° FORET - Défrichement - Bois particuliers - Autorisation - Absence - Responsabilité pénale - Propriétaire - Exonération - Conditions.

1° Si aucun particulier ne peut user du droit de défricher un bois, hors les exceptions prévues par l'article L. 311-2 du Code forestier, sans avoir obtenu préalablement une autorisation administrative, doit cependant être relaxé le copropriétaire indivis contre lequel sont engagées des poursuites pour défrichement illicite, dès lors qu'il est établi que, résidant dans un autre département et non informé des agissements du coïndivisaire, il est resté étranger à la commission de ce délit(1).

2° FORET - Défrichement - Bois particuliers - Autorisation - Absence - Rétablissement des lieux en nature de bois - Compétence de l'autorité administrative.

2° L'autorité administrative est seule compétente pour ordonner, en application de l'article L. 313-2, alinéa 3, du Code forestier la mesure de rétablissement des lieux en nature de bois prévue par ce texte.


Références :

1° :
2° :
Code forestier L311-2
Code forestier L313-2, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), 18 janvier 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1995-02-01, Bulletin criminel 1995, n° 44, p. 108 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 jui. 1996, pourvoi n°95-81022, Bull. crim. criminel 1996 N° 234 p. 718
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 234 p. 718

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Jean Simon, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Grapinet.
Avocat(s) : Avocats : MM. Bouthors, Delvolvé, Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.81022
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