CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens, en date du 30 janvier 1996, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentatives d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant prolongé sa détention provisoire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 114, 145 et 145-2 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'ordonnance prolongeant pour 1 an la détention provisoire de Guy X..., détenu depuis le 19 janvier 1993 ;
" aux motifs que il ressort de l'examen du procès-verbal de débat contradictoire du 10 janvier 1995 que Guy X..., qui était présent et assisté de son conseil à 10 h 15, avait dissimulé une lame de rasoir sur lui ; qu'il s'est pratiqué une légère coupure à l'avant-bras gauche, qui a nécessité son transfert temporaire à l'hôpital ; que le débat contradictoire a été suspendu alors que le magistrat instructeur et son greffier accompagnaient Guy X... à l'hôpital, son conseil prévenant le juge qu'elle ne pourrait assister à la suite de la procédure ; que Guy X..., qui a été examiné par le docteur Y... au service des urgences à l'hôpital, a constaté une plaie cutanée superficielle sans incapacité totale de travail personnel et a autorisé la sortie du plaignant ; que Guy X... a ainsi regagné le cabinet du magistrat instructeur où le débat contradictoire a été repris à 11 h 15 ; que Guy X... a refusé de signer le procès-verbal ; qu'il apparaît que le débat contradictoire, bien que perturbé par les agissements de Guy X..., a eu lieu régulièrement " ;
" alors que l'ordonnance prolongeant la détention provisoire pour une durée d'1 an doit être rendue après débat contradictoire, qui suppose que le conseil du mis en examen soit présent lors de la totalité du débat, sauf renonciation expresse et préalable par l'inculpé " ;
Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen, la chambre d'accusation a justifié sa décision au regard des articles 145-2 et 145, alinéa 1, et 4 du Code de procédure pénale, dont les dispositions n'exigent pas la présence aux débats contradictoires, de l'avocat de la personne mise en examen, dès lors que celui-ci a été convoqué conformément aux dispositions de l'article 114 du Code de procédure pénale ;
Que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 145-2 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de prolongation pour un an de la détention provisoire de Guy X..., détenu depuis le 19 janvier 1993 ;
" alors que la chambre d'accusation ne pouvait s'abstenir de s'expliquer sur le moyen, invoqué par Guy X..., tiré de l'article 5, alinéa 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fondé sur le droit d'être remis en liberté si l'affaire n'était pas jugée dans un délai raisonnable " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant prolongé, en application de l'article 145-2 du Code de procédure pénale, la détention provisoire de Guy X..., la chambre d'accusation énonce que son maintien en détention est nécessaire pour empêcher une pression sur les témoins, prévenir le renouvellement de l'infraction, s'assurer de sa représentation et préserver l'ordre public du trouble profond et durable causé par l'infraction ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, sans répondre au mémoire régulièrement déposé par l'intéressé, qui invoquait la violation des dispositions de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens en date du 30 janvier 1996 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai.