REJET du pourvoi formé par :
- X... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 30 mars 1995, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef de discrimination syndicale et entraves à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 412-20 du Code du travail, de l'article L. 481-2 du même Code, de l'article 30 de l'arrêté du 17 mai 1974 approuvant les dispositions du règlement fixant les conditions d'emploi et de rémunération du personnel des OPAC, de l'article 19 de l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 relative à l'aménagement des conditions de travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives de travail des jeunes et des titres restaurant, et des articles 81-19° et 231 bis F du Code général des impôts :
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'entrave au droit syndical ;
" aux motifs que l'article 30 de l'arrêté du 17 mai 1974 réglementant les conditions d'emploi et de rémunération du personnel des OPAC dont s'est prévalu le trésorier de la section syndicale CFDT lors des absences litigieuses, prévoit que les autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte dans le calcul des congés annuels peuvent être accordées aux représentants dûment mandatés des syndicats à l'occasion de la convocation des congrès professionnels syndicaux, fédéraux, confédéraux et internationaux ainsi que des organismes directeurs dont ils sont élus membres ; qu'en conséquence, ces autorisations spéciales d'absence dont il n'est pas contesté qu'elles se rattachent à l'exercice d'un mandat syndical doivent être considérées comme temps de travail et payées comme tel, et donc bénéficier de l'allocation de chèques-déjeuner, accessoire de la rémunération lié à l'exécution du contrat de travail ; qu'il est établi en l'espèce que, par lettre du 11 mai 1990 adressée au syndicat CFDT Interco, le prévenu a reconnu avoir refusé aux 2 salariés concernés, membres du syndicat CFDT, le bénéfice de chèques-déjeuner en raison de leurs absences pour des activités syndicales extérieures et que, ce faisant, les faits d'entrave au libre exercice sont constitués à son encontre ;
" alors que chaque délégué syndical dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions qui consistent à représenter leur organisation syndicale auprès du chef d'entreprise ; que, si des autorisations spéciales d'absence n'entrant pas en compte dans le calcul des congés annuels peuvent être accordées aux représentants dûment mandatés des syndicats, à l'occasion des congés professionnels syndicaux, fédéraux, confédéraux et internationaux, ainsi que des organismes directeurs dont ils sont élus membres, ces absences exceptionnelles, qui ne sont pas destinées à permettre aux délégués syndicaux de représenter l'organisation syndicale auprès du chef d'entreprise et ne constituent pas des heures de délégation ne peuvent être imputées sur elles et ne sauraient donner lieu à rémunération, ni à l'avantage accessoire que constitue l'allocation des titres-restaurant " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain X... a été poursuivi du chef de discrimination syndicale pour avoir refusé de payer à 2 salariés, dont l'un était délégué syndical et l'autre trésorier d'une section syndicale, des chèques-déjeuner pour la durée d'une autorisation spéciale d'absence accordée en application de l'arrêté du 17 mai 1974 réglementant les conditions d'emploi et de rémunération des salariés des Offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) ; qu'il a été relaxé par les premiers juges ;
Attendu que, saisie de l'appel de la partie civile, la juridiction du second degré retient notamment que les autorisations spéciales d'absence prévues par l'article 30 de cet arrêté, pouvant être accordées aux représentants dûment mandatés des syndicats à l'occasion de la convocation des congrès professionnels syndicaux, fédéraux, confédéraux et internationaux, ainsi que des organismes directeurs dont ils sont élus membres, lesquelles se rattachent à l'exercice d'un mandat syndical, doivent être considérées comme temps de travail, et doivent donc bénéficier de l'allocation de chèques-déjeuner, accessoires de la rémunération ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, en raison du statut particulier des OPAC, établissements publics à caractère industriel et commercial, l'article 30-2° de l'arrêté du 17 mai 1974 a prévu des autorisations spéciales d'absence syndicale donnant lieu à rémunération, analogues à celles en vigueur dans la fonction publique, et distinctes des heures de délégation accordées et réglementées par l'article L. 412-20 du Code du travail ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 481-2 et L. 481-3 du Code du travail, de l'article L. 412-20 du même Code, de l'article 1134 du Code civil, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'infraction à l'exercice du droit syndical ;
" aux motifs qu'au cours d'une réunion du 28 septembre 1989 du comité technique paritaire, le prévenu a décidé que les délégués syndicaux souhaitant s'absenter dans le cadre de leurs heures de délégation en informeraient, 24 heures à l'avance, leur chef de service, et, exceptionnellement en cas d'urgence, le service du personnel pour dérogation et autorisation ; que, lors d'une réunion postérieure du 22 novembre 1989 du même organisme, il est toutefois revenu sur ses exigences au profit d'une simple information préalable du responsable du délégué ; mais que cette rectification ne saurait avoir eu pour effet de faire disparaître l'éventuelle infraction déjà consommée ; qu'aux termes de l'article L. 412-20 du Code du travail, l'utilisation par un délégué syndical du crédit d'heures dont il bénéficie n'est subordonnée à aucun contrôle préalable de l'employeur et que, si elle peut être précédée d'un délai de convenance nécessaire à une bonne gestion de l'entreprise, revendiquée par le prévenu et dont les modalités ne peuvent être mises en place qu'à l'issue d'une procédure de concertation, la décision prise le 22 septembre 1989 de soumettre ces absences à un préavis de 24 heures ou à une autorisation du service du personnel constitue également une entrave à l'exercice du droit syndical ;
" alors, d'une part, que c'est par une dénaturation du procès-verbal de la réunion du comité technique paritaire du 28 septembre 1989 que les juges du fond ont estimé qu'au cours d'une réunion du 28 septembre 1989 du comité technique paritaire le prévenu "a décidé" que les délégués syndicaux souhaitant s'absenter dans le cadre de leurs heures de délégation en informeraient 24 heures à l'avance leur chef de service et exceptionnellement en cas d'urgence le service du personnel pour dérogation et autorisation ; qu'il résulte en effet des mentions claires et précises du procès-verbal qu'Alain X... a seulement affirmé qu'il s'agissait de se mettre d'accord "sur la procédure d'information préalable à chaque absence" ; que, si le procès-verbal porte : "il est décidé que les délégués souhaitant s'absenter informeront 24 heures à l'avance leur chef de service, exceptionnellement, en cas d'urgence, ils s'adresseront au service du personnel pour dérogation et autorisation" il ne résulte pas du procès-verbal que la décision émane d'Alain X..., qui avait demandé un accord au comité technique paritaire ;
" alors, d'autre part, que c'est également par une dénaturation du procès-verbal du 22 novembre 1989 que la décision attaquée a énoncé que "lors d'une réunion postérieure du 22 novembre 1989 du même organisme il est toutefois revenu sur ses exigences au profit d'une simple information préalable du responsable délégué" ; qu'il résulte, en effet, du procès-verbal du comité technique paritaire du 22 novembre 1989 qu'Alain X... a fait savoir qu'il avait reçu des protestations de la CFDT et un courrier de l'inspecteur du Travail suite à la rédaction contestable dans le procès-verbal du 28 septembre 1989 de la procédure décrite sous le titre "heures de délégation syndicale" ; qu'Alain X... a donc tout simplement contesté la rédaction du procès-verbal de la réunion du 28 septembre 1989 et n'est donc pas, comme l'affirme la décision attaquée "revenu sur ses exigences" ;
" alors, enfin, qu'une infraction pénale et en particulier une infraction d'entrave au droit syndical ne peut donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts au profit d'un syndicat que si celui-ci a subi un préjudice direct ou indirect du fait de la prétendue infraction ; qu'en l'espèce actuelle, le demandeur avait fait valoir dans ses conclusions que la CFDT était incapable de produire une autorisation d'absence refusée ou une absence non autorisée sanctionnée ; que la décision attaquée, qui a considéré qu'Alain X... aurait soumis à autorisation le 28 septembre 1989 les absences des délégués syndicaux et qu'il est revenu le 22 novembre 1989 en considérant que "cette rectification ne saurait avoir eu pour effet de faire apparaître l'éventuelle infraction déjà consommée", n'a pas recherché si, entre le 28 septembre 1989, date de la prétendue infraction, et le 22 novembre 1989, date de la rectification, les autorisations auraient été demandées et refusées ou des absences non autorisées sanctionnées ; qu'elle n'a donc pas légalement justifié sa décision ; qu'elle a, en effet, alloué des dommages et intérêts au syndicat sans rechercher si celui-ci avait subi un préjudice direct ou indirect " ;
Sur les première et deuxième branches du moyen :
Attendu qu'il ne résulte d'aucunes énonciations de l'arrêt, ni d'aucunes conclusions régulièrement déposées, qu'Alain X... ait prétendu devant la cour d'appel que la décision incriminée, prise lors de la réunion du comité technique paritaire du 28 septembre 1989, n'émanait pas de lui, ni qu'il s'était contenté, lors de la réunion suivante du 22 novembre 1989, de contester la rédaction du procès-verbal de la première réunion ; d'où il suit que ce moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Sur la troisième branche du moyen :
Attendu que, pour déclarer le syndicat CFDT Interco, partie civile, recevable en son action, les juges, après avoir rappelé que celui-ci tient des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-11 du Code du travail le droit de demander réparation des dommages résultant d'atteintes directes ou indirectes à l'intérêt des membres de la profession qu'il représente, énoncent qu'il résulte des pièces versées aux débats que ce syndicat a subi, en l'espèce, un préjudice du fait des entraves à l'exercice du droit syndical retenues à la charge d'Alain X..., justifiant l'allocation de dommages-intérêts ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'elle a, sans insuffisance, caractérisé la faute du prévenu de nature à porter un préjudice direct ou indirect au syndicat, partie civile, et a souverainement apprécié l'indemnité propre à réparer ce préjudice ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.