REJET ET IRRECEVABILITE des pourvois de :
- X... Michel, partie civile,
contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble qui, dans l'information suivie contre Bernard Y... et Yannick Z... des chefs de dénonciation calomnieuse, faux et usage, infraction à la loi du 6 janvier 1978, ont le premier, en date du 19 octobre 1994, déclaré irrecevable sa demande d'actes d'instruction ; le second, en date du 26 avril 1995, dit n'y avoir lieu à suivre.
LA COUR,
Vu les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de Cassation portant désignation de juridiction, en date du 2 juillet 1992 ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 19 octobre 1994 :
Sur le moyen unique de cassation pris de violation des articles 81, 82-1, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que, l'arrêt attaqué (19 octobre 1994) a déclaré irrecevables les demandes en date des 27 juillet et 24 août 1994 faites par l'avocat de la partie civile et tendant à ce qu'il soit procédé à des actes d'instruction ;
" aux motifs que, les demandes formulées avaient été faites par lettres recommandées adressées au président de la chambre d'accusation et qu'en vertu de l'article 81, alinéa 10, du Code de procédure pénale, ces demandes auraient dû être faites par déclaration au greffier de la juridiction d'instruction, en l'espèce au greffier de la chambre d'accusation ; que seul pouvait user de la faculté d'adresser cette demande par lettre recommandée Michel X..., qui était domicilié dans la Côte-d'Or, mais que son avocat, inscrit au barreau de Grenoble, devait se présenter au greffier pour faire la déclaration ; qu'en toute hypothèse, la demande par lettre recommandée avec accusé de réception était irrecevable pour avoir été adressée au président de la chambre d'accusation et non au greffier ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 81, alinéa 10, du Code de procédure pénale, qui ne distingue pas entre la partie civile ou son avocat, " lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ; qu'il suffit, pour que ce texte trouve application, que la partie civile ou son avocat ne réside pas dans le ressort, de la juridiction ; qu'ainsi, la faculté de demander l'accomplissement de nouveaux actes d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception était ouverte aussi bien à la partie civile qu'à son avocat, dès lors qu'il était établi que l'un d'eux, en l'espèce la partie civile, ne résidait pas dans le ressort de la juridiction ; qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé l'article 82, alinéa 10, du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'en décidant que l'avocat qui résidait dans le ressort de la juridiction ne pouvait pas utiliser le moyen de la lettre recommandée avec accusé de réception pour demander les actes d'instruction prévus par l'article 82-1 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation a ajouté à l'article 81, alinéa 10, une condition qu'il ne comporte pas et l'a violé par fausse application ;
" alors, enfin, que l'article 81, alinéa 10, n'impose pas d'adresser au greffier la lettre recommandée avec accusé de réception demandant l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires ; que, dès lors qu'elle est adressée au président de la chambre d'accusation, cette demande est en tout état de cause recevable qu'en déclarant irrecevables les demandes d'actes d'instruction complémentaires formulées dans des lettres recommandées avec accusé de réception adressées au président de la chambre d'accusation, l'arrêt attaqué a violé ce texte par fausse application " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d'actes adressée par lettre recommandée au président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Grenoble, par l'avocat de Michel X..., inscrit au barreau de ladite ville, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont fait l'exacte application de l'article 81, alinéa 10, du Code de procédure pénale ; qu'en effet, d'une part, la faculté de saisir la juridiction d'instruction d'une demande d'actes, par déclaration au greffier, au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'est accordée qu'à la partie, ou à son avocat, qui réside hors du ressort de la juridiction compétente ; que d'autre part, il ne peut être suppléé aux formalités essentielles prévues audit article, par l'envoi d'une lettre au président de la juridiction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 26 avril 1995 :
Sur le premier moyen de cassation pris de violation des articles 373 ancien, 226-10 à 226-12 nouveaux du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué (26 avril 1995) a déclaré n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Michel X... du chef de dénonciation calomnieuse concernant les dénonciations de Daniel A... et de Jean B... ;
" aux motifs que, l'autorité compétente avait estimé fondées les accusations portées par ces personnes puisque, par décision du 27 avril 1987, elle lui avait infligé un avertissement sanctionnant la mauvaise qualité de son travail et un blâme sanctionnant un refus d'obéissance envers un supérieur hiérarchique ; que les décisions disciplinaires n'avaient pas été remises en question puisque, par arrêt (sic) du 20 décembre 1989, le tribunal administratif avait décidé qu'il n'y avait pas lieu, en raison des effets de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988, de statuer sur le recours intenté par Michel X... ;
" alors que, l'intervention d'une loi d'amnistie n'implique nullement que les faits dénoncés à l'autorité compétente, qui les a sanctionnés, eussent été vrais ; que, même si le tribunal administratif n'avait pas statué sur le recours de Michel X... en raison de l'amnistie, il appartenait à la juridiction d'instruction de rechercher si les faits au titre desquels Michel X... avait fait l'objet d'une sanction disciplinaire étaient faux et, le cas échéant, de renvoyer les auteurs des dénonciations devant la juridiction du jugement du chef de dénonciation calomnieuse ; qu'en se déterminant par ce motif inopérant, la chambre d'accusation a, en réalité, entaché sa décision d'un défaut total de motifs qui la prive, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de violation des articles 373 ancien, 226-10 nouveau du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Michel X... du chef de dénonciation calomnieuse concernant les dénonciations de MM. C..., D..., E..., Z..., du directeur des sports de la commune de Saint-Egrève, et des inspecteurs départementaux de l'Education nationale, dans leurs différents courriers ;
" aux motifs que, les écrits d'un fonctionnaire public, ayant une mission de surveillance et de contrôle, ne pouvaient relever que de la procédure de la prise à partie ; qu'il en était ainsi des courriers du maire de Saint-Martin-le-Vinioux, de celui du directeur des sports de la commune de Saint-Egrève, de ceux des inspecteurs départementaux de l'Education nationale ; que le courrier de Yannick Z... du 17 juin 1987 ne visait aucun fait répréhensible ;
" alors, d'une part, que la procédure de la prise à partie définie par l'article 505 du Code de procédure civile ancien ne s'applique qu'aux juges dans les cas limitativement énumérés par ce texte ; qu'ainsi, ce motif inopérant prive, en la forme, l'arrêt attaqué des conditions essentielles à son existence légale ;
" alors, d'autre part, qu'il est établi que la mesure de licenciement prise à l'encontre de Michel X... le 6 juillet 1987 a été annulée par le tribunal administratif par jugement du 15 décembre 1989 ; que la seconde mesure de licenciement prise le 11 juillet 1991 a été annulée par jugement du tribunal administratif du 24 juin 1993 ; qu'il n'est pas contesté que ces 2 mesures étaient fondées sur les écrits et les rapports de MM. C..., D..., E..., Z..., du directeur des sports de la commune de Saint-Egrève, et de ceux des inspecteurs départementaux de l'Education nationale qui, tous, ont dénoncé des insuffisances professionnelles qui étaient nécessairement fausses qu'ainsi le délit de dénonciation calomnieuse était constitué ; qu'en décidant n'y avoir lieu à suivre par le motif inopérant que ces écrits relevaient de la procédure de la prise à partie, la chambre d'accusation a privé, en la forme, l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale ;
" alors, enfin, qu'en se bornant à énoncer que le courrier de Yannick Z... du 17 juin 1987 ne visait aucun fait répréhensible sans préciser les termes de ce courrier, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un défaut total de motifs qui la prive, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale " ;
Sur le troisième moyen pris de la violation des articles 41 et suivants de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré n'y avoir lieu à suivre sur la plainte avec constitution de partie civile de Michel X... du chef de faux et usage concernant les trois arrêtés du maire des 2 janvier 1986, 10 septembre 1986 et 5 décembre 1986 qui, tous, visaient un retrait de l'agrément de Michel X... par l'inspecteur d'académie ;
" aux motifs que, le tribunal administratif, par jugement du 14 mai 1992, avait annulé la décision de retrait d'agrément du 14 septembre 1985 prise par l'inspecteur départemental de l'Education nationale, au motif qu'une telle décision relevait de la seule compétence de l'inspecteur d'académie ; que, pour autant, le visa de la décision de l'inspecteur d'académie dans 3 arrêtés pris plusieurs années auparavant ne relevait pas de l'intention d'altérer la vérité, les décisions de retrait signées par l'inspecteur départemental étant établies sur du papier à l'en-tête général de l'académie de Grenoble ; que la mention d'un visa erroné ne traduisait qu'une erreur purement matérielle ;
" alors que, dans son mémoire, la partie civile faisait valoir que le visa, dans les 3 arrêtés, de décisions de l'inspecteur d'académie qui n'existaient pas avait eu nécessairement pour but de donner une apparente légalité à son licenciement, dont, sans ces décisions, l'illégalité aurait été manifeste ; qu'en se bornant à énoncer, pour nier l'intention frauduleuse, que le visa d'une décision de l'inspecteur d'académie dans les 3 arrêtés ne relevait pas d'une intention d'altérer la vérité et ne constituait qu'une erreur matérielle parce que les décisions signées de l'inspecteur départemental de l'Education nationale étaient établies sur du papier à l'en-tête de l'académie, sans rechercher pour quelles raisons la décision d'un fonctionnaire radicalement incompétent pour prendre la décision de retrait d'agrément avait été rédigée sur du papier à en-tête de l'académie à l'usage duquel ce fonctionnaire, qui commettait un excès de pouvoir, n'avait aucun droit, ni s'il y avait eu collusion entre ce fonctionnaire et le maire pour donner un fondement apparemment légal au licenciement de Michel X..., la chambre d'accusation, s'est déterminée par des motifs insuffisants qui privent, en la forme, sa décision des conditions essentielles de son existence légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et les pièces pour la procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, dire n'y avoir lieu à suivre sur la plainte de Michel X..., la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits objet de l'information et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile, a énoncé les motifs dont elle a déduit qu'il n'existait pas charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les infractions poursuivies ;
Et attendu qu'il n'est ainsi justifié d'aucun des griefs énumérés à l'article 575 du Code de procédure pénale comme autorisant la partie civile à se pourvoir contre un arrêt de non-lieu, en l'absence de recours du ministère public ;
D'où il suit que les moyens sont irrecevables ; qu'il en est de même du pourvoi en application de l'article 575 du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi contre l'arrêt du 19 octobre 1994 ;
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi contre l'arrêt du 26 avril 1995 ;
Le DÉCLARE IRRECEVABLE.