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29/04/1996 | FRANCE | N°95-85079;95-85084

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1996, 95-85079 et suivant


IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par F... Felicidad ou Felicidade :
1o Contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 14 novembre 1994, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'abus de confiance, a annulé partiellement la procédure, évoqué et maintenu la prévenue sous contrôle judiciaire ;
2° Contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 19 juin 1995, qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Jo

ignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi formé contre...

IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par F... Felicidad ou Felicidade :
1o Contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 14 novembre 1994, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'abus de confiance, a annulé partiellement la procédure, évoqué et maintenu la prévenue sous contrôle judiciaire ;
2° Contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 19 juin 1995, qui, pour abus de confiance, l'a condamnée à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 novembre 1994 :
Attendu que ce pourvoi a été déclaré au greffe de la cour d'appel le 21 juin 1995 ; que l'arrêt avant dire droit contre lequel il a été formé avait été rendu contradictoirement le 14 novembre 1994 ; qu'ainsi, et dès lors que les articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, qui déterminent les règles selon lesquelles le pourvoi formé contre une décision qui ne met pas fin à la procédure peut être admis immédiatement, ne portent aucune dérogation aux dispositions générales de l'article 568, lequel fixe à 5 jours francs, après celui où la décision attaquée a été prononcée, le délai pour se pourvoir en cassation, le pourvoi est irrecevable comme tardif ;
II. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 19 juin 1995 :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 406 et 408 anciens du Code pénal en vigueur au moment des faits, 1341 et 1348 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'abus de confiance et l'a condamnée à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans, avec obligation d'indemniser les victimes ;
" aux motifs que l'enquête préliminaire a permis l'audition de Mme D..., de Mme B..., de Mme Saïd E..., de M. Z..., de Mme X... Katell, de Mme C... et de Mme Y... ; qu'à l'audience de ce jour, les 5 premières personnes ont été à nouveau entendues ; qu'il résulte de leurs déclarations concordantes les faits suivants : elles se sont associées début janvier 1991 pour jouer au loto à chaque tirage 12 grilles ; chacune d'elles donnait 6 chiffres ; elles étaient 11 au départ, puis 10, ce qui explique qu'elles jouaient 12 grilles (chiffre pair résultant du règlement du loto) à chaque tirage M. Z... assure que les numéros gagnants joués le 2 mars sont les siens ; il précise que le n° 40 a été remplacé par le n° 32 à la demande de Mme D... qui lui avait demandé quel âge il avait et à qui il a répondu qu'il allait avoir 32 ans ; Mme C..., devant un officier de police judiciaire, et Mme X..., à l'audience, confirment cette modification ; M. Z... produit devant la Cour le post-it portant les 6 bons numéros, le n° 40 barré est remplacé par le n° 32 ; tous sont d'accord pour affirmer que Felicidad F... a déclaré avoir, au nom de l'association, gagné 3 570 francs pour 5 bons numéros, avoir encaissé les espèces chez le buraliste et remis 357 francs à chacun des 9 parties civiles ; lorsque, plus tard, il lui a été fait remarquer que les 6 numéros joués étaient gagnants, elle a soutenu avoir joué pour l'association 5 bons numéros et le 40 perdant, alors que, pour elle, elle avait joué les 6 bons numéros ; que, cependant, la demanderesse n'a jamais joué une grille où ne figuraient que 5 bons numéros sur les 6, la buraliste, Mme A..., ayant affirmé qu'elle ne pouvait payer en espèces 3 570 francs, et le loto n'ayant émis aucun chèque de ce montant au profit de Felicidad F... ; d'autre part, M. Z... produit un écrit sur lequel figurent les 6 bons numéros y compris le 32, ce dernier ayant remplacé le n° 40, ce qu'attestent 3 personnes : Mme D..., Mme C... et Mme X... ; que, devant la Cour, Felicidad F... affirme à nouveau avoir joué pour elle-même, la grille gagnante figurant sur un reçu de 4 grilles ; qu'elle précise n'avoir pas joué les 4 grilles complémentaires pour l'association, faute d'argent ; qu'elle a néanmoins distribué 3 570 francs "comme s'ils avaient gagné avec 5 bons numéros" ; que ces nouvelles affirmations tentent maladroitement d'expliquer la distribution de 3 570 francs comme un don de sa part ; que toutes les parties civiles s'inscrivent en faux contre une telle explication, Felicidad F... leur ayant dit avoir joué les 12 grilles comme d'habitude, mais non le n° 40 au lieu du n° 32 ; que le reçu gagnant comporte 4 grilles, s'agissant de grilles jouées à chaque tirage en plus de l'abonnement à 8 grilles ; que la grille gagnante est celle fournie par M. Z... ; qu'en conséquence, les explications de Felicidad F... ne sont pas crédibles ; qu'il en résulte que Felicidad F... a détourné au préjudice des 9 parties civiles, les 9/10 de 1 693 845 francs qu'elle ne détenait qu'à titre de mandat, à charge pour elle de les répartir entre les 9 parties civiles ; que le mandat litigieux ne portait aucunement sur la somme de 1 693 845 francs ; qu'en effet, le mandat portait, dans une première phase, sur une somme nécessaire à l'achat de 12 grilles simples au loto, soit 60 francs ; que, dans une seconde phase, Felicidad F... ayant soutenu que l'association avait gagné 3 570 francs, les 9 parties civiles ne peuvent faire application de l'article 1341 du Code civil, du fait même de la mauvaise foi de la mandataire ; qu'en outre, l'association de fait était conclue entre employés travaillant tous au Novotel de Massy-Palaiseau, la plupart femmes de chambre ou lingères ; qu'en conséquence, il existait entre elles une confiance mutuelle exclusive de tout écrit ; qu'enfin, la propriété du reçu gagnant ne constitue pas une question pertinente, les parties civiles ayant donné mandat à Felicidad F... d'acheter les 4 grilles correspondant audit reçu ;
" alors que, d'une part, la preuve du contrat civil, dont l'abus de confiance présuppose l'existence, doit, lorsque l'existence de ce contrat est déniée, être faite conformément aux règles du droit civil ; que l'existence du mandat doit être passée par écrit ou commencement de preuve par écrit, s'agissant d'une somme supérieure à 5 000 francs ; que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, retenir tout à la fois que le mandat litigieux ne portait pas sur la somme de 1 693 845 francs et évaluer le détournement au montant de cette somme ;
" alors, d'autre part, qu'une simple association de fait ne caractérise pas le contrat de mandat ; que, par suite, en déduisant de simples présomptions la preuve d'un contrat de mandat prévu par les articles 1341 et 1347 du Code civil ou, à défaut, de l'une des exceptions de l'article 1348 du même Code, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Felicidad F... est poursuivie pour avoir conservé par-devers elle la totalité d'un gain de 1 693 845 francs, provenant d'un bulletin gagnant du jeu de loto, souscrit en participation avec 9 autres personnes ;
Attendu que, pour la déclarer coupable d'abus de confiance, la cour d'appel retient que la grille gagnante est celle fournie par l'un des participants ; qu'il existait entre tous, s'agissant d'employés travaillant dans le même hôtel, " une confiance mutuelle exclusive de tout écrit ", et que les parties civiles avaient donné à la prévenue un mandat portant, dans une première phase, sur l'achat de 12 grilles au loto, dans une seconde phase, sur la restitution des 9/10 des 1 693 845 francs ainsi gagnés, et non de la totalité de cette somme ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance et de contradiction, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, la société en participation entre joueurs implique l'existence de mandats réciproques entre ses membres, dont la violation entre dans les prévisions de l'article 408 du Code pénal alors applicable ;
Que, les juges du fond, saisis d'une poursuite en application de ce texte, apprécient souverainement l'impossibilité morale, pour la victime, de se procurer la preuve écrite du contrat qu'elle invoque ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
I. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 14 novembre 1994 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 19 juin 1995 :
Le REJETTE.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85079;95-85084
Date de la décision : 29/04/1996
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Délai - Décision ne mettant pas fin à la procédure.

1° Les articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, qui déterminent les règles selon lesquelles le pourvoi formé contre une décision ne mettant pas fin à la procédure peut être admis immédiatement, n'apportent aucune dérogation aux dispositions de l'article 568 dudit Code, lequel fixe à 5 jours francs, après celui où la décision a été rendue, le délai pour se pourvoir en cassation(1).

2° ABUS DE CONFIANCE - Contrat - Preuve - Contrat civil - Application des règles établies par le Code civil - Preuve testimoniale - Admissibilité - Impossibilité de se procurer un écrit - Appréciation souveraine des juges du fond.

2° Les juges du fond, saisis d'une poursuite pour abus de confiance, apprécient souverainement l'impossibilité morale, pour la victime, de se procurer la preuve écrite du contrat qu'elle invoque(2).

3° ABUS DE CONFIANCE - Contrat - Contrats spécifiés - Mandat - Société en participation - Joueurs.

3° JEUX DE HASARD - Loteries - Loterie nationale et loto national - Souscription en commun à un billet - Détournement du gain - Abus de confiance.

3° Caractérise une société en participation, impliquant l'existence de mandats réciproques entre ses membres, la souscription à plusieurs de bulletins du jeu de loto. Dès lors, le détournement des gains constitue un abus de confiance, au sens de l'article 408 du Code pénal alors applicable(3).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code civil 1341, 1347, 1348
Code de procédure pénale 568, 570, 571
Code pénal 408

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 1994-11-14, 1995-06-19

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-04-04, Bulletin criminel 1991, n° 158, p. 400 (irrecevabilité), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1977-06-14, Bulletin criminel 1977, n° 216 (3°), p. 543 (rejet) Chambre civile 3, 1972-10-24, Bulletin 1972, III, n° 540, p. 394 (rejet)

arrêt cité. CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1985-05-20, Bulletin criminel 1985, n° 189, p. 483 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1996, pourvoi n°95-85079;95-85084, Bull. crim. criminel 1996 N° 169 p. 475
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 169 p. 475

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Cotte.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Roman.
Avocat(s) : Avocat : M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.85079
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