Vu leur connexité, joints les pourvois n°s 94-11.660, 94-14.915 et 94-14.916 qui sont dirigés contre deux arrêts, le second étant interprétatif du premier ;
Attendu, selon le premier arrêt attaqué (Pau, 17 décembre 1993), statuant en référé, que la société Sietam industries (la société), dont le siège est à Viry-Châtillon et qui dispose en France de trois usines dont une à Dax, a consulté le comité central d'entreprise (CCE) lors de la réunion du 30 juin 1993 et le comité d'établissement de Dax (CE), lors de la réunion du 1er juillet 1993 sur le projet de licenciement collectif des 43 salariés de cet établissement accompagné d'un " plan social " ; que le CCE, ayant décidé de se faire assister d'un expert-comptable, était à nouveau réuni le 21 juillet 1993 tandis que la première réunion du CE était reportée au 22 juillet suivant ; que le 26 juillet 1993 la société a notifié à la direction départementale du Travail des Landes le dossier du projet de licenciement économique avec le " plan social " ; que le 3 août 1993 l'autorité administrative a dressé un procès-verbal de carence du " plan social " auquel il était reproché de ne pas tenir suffisamment compte de toutes les mesures propres à assurer le reclassement de salariés ; que la société ayant présenté à l'autorité administrative, le 20 août 1993, un plan social complété, l'Administration a retiré son procès-verbal de carence le 27 septembre 1993 ; que la société a poursuivi la procédure de licenciement collectif et a convoqué le CCE et le CE à une dernière réunion pour le 6 octobre 1993, en ce qui concerne le premier, et le 7 octobre 1993 en ce qui concerne le second, au cours desquelles le plan social était soumis à consultation ; que le CE de Dax a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Dax afin de faire annuler la procédure de licenciement ;
Attendu que le premier arrêt rendu le 17 décembre 1993 a confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait prononcé, sur le fondement de l'article L. 321-4-1, alinéa 2, du Code du travail, la nullité de la procédure de licenciement ;
Attendu que le second arrêt, rendu le 17 mars 1994, sur requête de la société en interprétation du précédent, a dit que la société devait reprendre la procédure de licenciement en l'état où elle se trouvait le 3 août 1993, jour du constat de carence et qu'elle aura en conséquence l'obligation d'élaborer puis de représenter aux représentants du personnel, dans les conditions prévues par l'article L. 321-4-1 du Code du travail un nouveau plan social et d'organiser une deuxième réunion puis une troisième réunion du CCE, ainsi qu'une première et une seconde réunion du comité d'établissement de Dax ;
Sur le premier moyen commun aux pourvois n° 94-11.660 et n° 94-14.916 dirigés par la société contre l'arrêt du 17 décembre 1993 :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une première part, que le 18 juin 1993, la société Sietam industries a convoqué son comité central d'entreprise et son comité d'établissement de Dax à une première réunion extraordinaire fixée au 30 juin 1993 pour le comité central d'entreprise et au 1er juillet 1993 pour le comité d'établissement en vue de l'examen d'un projet de licenciement collectif pour motif économique (projet de redéploiement de l'outil industriel de Sietam industries et de fermeture de l'établissement de Dax, de licenciement économique collectif de l'établissement de Dax, de plan social) ; que chaque représentant du personnel auprès du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Dax a reçu, avec sa convocation, un exemplaire du projet de plan social ; que lors de sa réunion extraordinaire du 30 juin 1993, le comité central d'entreprise a mandaté un expert-comptable pour l'assister ; qu'en conséquence, la première réunion du comité d'établissement de Dax a été reportée après la deuxième réunion du comité central d'entreprise devant se tenir après le dépôt du rapport de l'expert-comptable désigné ; que le 12 juillet 1993, la société Sietam industries a convoqué son comité central d'entreprise à la deuxième réunion extraordinaire fixée au 21 juillet 1993 et le même jour a convoqué son comité d'établissement de Dax à sa première réunion extraordinaire fixée au 22 juillet 1993 ; que ces deux réunions se sont effectivement tenues à ces dates pour débattre du contenu du plan social proposé ; que, par ordonnance du 2 août 1993, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evry a ordonné une consultation supplémentaire du comité central d'entreprise ayant pour objet la fermeture de l'établissement de Dax fixée au 6 septembre 1993 et la suspension de la fermeture dudit établissement jusqu'à cette date ; que, par décision du 3 août 1993, le directeur départemental du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle des Landes a dressé un procès-verbal de carence du plan social, à l'encontre duquel la société a immédiatement formé un recours gracieux ; que le 6 septembre 1993, la société Sietam industries a réuni son comité central d'entreprise, conformément à l'ordonnance du juge des référés ; que, par décision du 27 septembre 1993, tenant compte d'une mise à jour du plan social, le directeur départemental du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle des Landes a retiré son procès-verbal de carence ; qu'en conséquence, la société a convoqué par lettres des 28 et 30 septembre 1993 les délégués du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Dax à une dernière réunion extraordinaire fixée respectivement aux 6 et 7 septembre 1993 ; que ces convocations étaient accompagnées d'un exemplaire de la mise à jour du plan social ; que, le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de Dax ayant été réunis, informés et consultés tant sur le plan initial que sur la mise à jour de ce document, viole l'article L. 321-4-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui prononce la nullité de la procédure de licenciement collectif au motif que le plan social rectifié n'avait pas fait l'objet d'une " communication préalable " ; alors, de deuxième part, que les convocations des 28 et 30 septembre 1993 des délégués du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Dax aux réunions respectives des 6 et
7 septembre qui étaient accompagnées de la mise à jour du plan social, précisaient : " Vous trouverez, ci-joint, l'ordre du jour accompagné des compléments apportés au document remis avec la convocation en date du 18 juin dernier " ; qu'il s'ensuit que dénature ces termes clairs et précis de ces courriers et viole l'article 1134 du Code civil l'arrêt attaqué qui énonce que " la communication préalable du plan social rectifié aux représentants du personnel... n'a pas été faite " ; alors, de troisième part, qu'aucun texte ne prévoit qu'en cas de recours administratif par l'employeur à l'encontre du constat de carence visé à l'article L. 321-4-1 du Code du travail les membres du comité central d'entreprise et du comité d'établissement devraient être informés des arguments invoqués par l'employeur auprès de l'Administration, de sorte que viole le texte précité l'arrêt attaqué qui reproche à la société de n'avoir pas informé les délégués du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de la modification du plan social suffisamment à temps pour que ceux-ci puissent " faire toutes observations utiles " à l'Administration ; et alors, de dernière part, que le plan social est un acte vivant, non figé dès sa première présentation, et est susceptible de modifications ; qu'il s'agit néanmoins d'un document unique soumis aux représentants du personnel au fur et à mesure de son éventuelle évolution, sans qu'une réunion des délégués du comité central d'entreprise et du comité d'établissement ayant précédé une modification du document ait à être réitérée ; qu'il s'ensuit que viole l'article L. 321-4-1 du Code du travail l'arrêt attaqué qui distingue le plan initial du " plan définitif, le seul qui compte " et en conclut que ce plan définitif devrait être soumis à toutes les étapes de consultation du plan social (deux réunions du comité central d'entreprise et deux réunions du comité d'établissement) ;
Mais attendu que si le plan social présenté au comité d'entreprise en application de l'article L. 321-4 du Code du travail peut être modifié et amélioré dans son contenu au cours des réunions du comité d'entreprise, la procédure de consultation doit être entièrement reprise si, le plan initial proposé étant nul, l'employeur est amené à établir un plan social entièrement nouveau ;
Et attendu que la cour d'appel, qui, à juste titre, n'a accordé aucune valeur de décision au constat de carence dressé par l'administration du Travail, a, d'une part, fait ressortir que le plan social initial, qui était vague et ne contenait aucune référence vérifiable, était nul et a, d'autre part, constaté que le plan social présenté les 6 et 7 octobre 1993 aux représentants du personnel comportait au contraire des précisions quant aux mesures que l'employeur envisageait de mettre en oeuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pouvait être évité, ce dont il résultait que ce dernier plan était nouveau ;
D'où il suit que c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la nullité de la procédure suivie ;
Mais sur le moyen relevé d'office dirigé contre l'arrêt du 17 mars 1994, après avertissement donné aux parties :
Vu les articles 1351 du Code civil, 461 et 620, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les juges saisis d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision ne peuvent, sous prétexte d'en déterminer le sens, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ;
Attendu que la cour d'appel après avoir déclaré recevable et accueilli la demande présentée par la société, en interprétation de l'arrêt du 17 décembre 1993, lequel avait annulé la procédure de licenciement collectif des salariés de l'établissement de Dax, a modifié cet arrêt en décidant que la société ne devait reprendre la procédure de licenciement qu'en l'état où elle se trouvait le 3 août 1993, jour du constat de carence et devait organiser une deuxième puis une troisième réunion du CCE ainsi qu'une première et seconde réunion du CE de Dax ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le dispositif de l'arrêt du 17 décembre 1993 étant clair et précis, il n'y avait lieu à interprétation, de sorte que la cour d'appel a violé les deux premiers textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de mettre fin au litige, par application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens des pourvois formés par la société et les pourvois incidents formés par le CE de Dax :
REJETTE les pourvois dirigés par la société contre l'arrêt du 17 décembre 1993 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.