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16/04/1996 | FRANCE | N°93-19661

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 avril 1996, 93-19661


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que depuis 1982 Mlle X... avait pour médecin traitant M. Z... ; qu'à la fin de 1988, elle a présenté à la cuisse droite un " sarcome des parties molles ", qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales, ainsi qu'un traitement de chimiothérapie ; que, par acte notarié du 13 mai 1989, Mlle X... a vendu à la SCI Le Clos des roses représenté par ses deux associés, les époux Z..., un immeuble situé à La Ciotat, moyennant le service d'une rente viagère annuelle de 144

000 francs ; que la venderesse s'est réservé un droit d'usage et d'habi...

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que depuis 1982 Mlle X... avait pour médecin traitant M. Z... ; qu'à la fin de 1988, elle a présenté à la cuisse droite un " sarcome des parties molles ", qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales, ainsi qu'un traitement de chimiothérapie ; que, par acte notarié du 13 mai 1989, Mlle X... a vendu à la SCI Le Clos des roses représenté par ses deux associés, les époux Z..., un immeuble situé à La Ciotat, moyennant le service d'une rente viagère annuelle de 144 000 francs ; que la venderesse s'est réservé un droit d'usage et d'habitation dans un appartement, que les débirentiers devaient aménager dans cet immeuble ; qu'hospitalisée du 17 au 26 mai 1989, puis partie le 20 juin 1989 dans une maison de retraite, B... Audry y est décédée le 6 juillet 1989, soit moins de deux mois après la signature du contrat de rente viagère ; que le 15 février 1990, M. A... et Mme Y..., agissant en leur qualité de légataires universels, ont assigné la SCI Le Clos des roses et les époux Cocucci en nullité de ce contrat ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juillet 1993) a accueilli leur demande ;

Attendu que la SCI Le Clos des roses et les époux Cocucci font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que la nullité, pour défaut d'aléa, d'un contrat de rente viagère n'est encourue que dans la mesure où la maladie dont était atteint, au jour du contrat, le crédirentier, est directement à l'origine du décès prématuré de celui-ci ; que, dès lors, en relevant par motifs adoptés que le mal dont Mlle X... était atteinte, ne pouvait conduire qu'à une issue fatale à bref délai tout en retenant que la cause exacte de ce décès n'avait pas été déterminée, de telle sorte que le sarcome dont le médecin traitant avait connaissance n'était pas nécessairement à l'origine de la mort de la crédirentière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé par fausse application les articles 1968 et 1975 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'aux termes de leurs conclusions d'appel, les époux Z... avaient fait valoir que, dépourvu de lien avec l'affection cancéreuse, le décès de la crédirentière avait été probablement causé par un syndrome neurologique correspondant parfaitement à l'hémiplégie dont Mlle X... avait été victime brutalement quelques jours avant sa mort, et deux mois après la signature du contrat litigieux ; qu'il en résultait nécessairement que la vente du 13 mai 1989 n'était pas dépourvue d'aléa ; qu'en décidant le contraire, sans répondre à ce chef de conclusions, l'arrêt attaqué n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'article 1975 du Code civil n'interdit pas de constater, pour des motifs tirés du droit commun des contrats, la nullité pour défaut d'aléa d'une vente consentie moyennant le versement d'une rente viagère, même lorsque le décès du crédirentier survient plus de vingt jours après la conclusion de cette vente ; qu'il n'est pas nécessaire, dans cette hypothèse, que le crédirentier soit décédé de la maladie dont il était atteint au jour de la signature du contrat ; qu'il suffit que le débirentier ait eu connaissance de la gravité de l'état de santé du vendeur ; qu'ayant relevé en l'espèce que M. Z..., débirentier, était depuis plus de six ans le médecin traitant de Mlle X..., crédirentière, qu'il n'ignorait rien de son état de santé tant en raison de la fréquence de leurs rapports que de ses contacts avec les spécialistes appelés à la soigner, que sa patiente avait subi plusieurs interventions chirurgicales pour l'ablation d'une tumeur cancéreuse à la cuisse, et qu'elle suivait des séances de chimiothérapie au mois de mai 1989, c'est-à-dire à l'époque de la vente, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que le praticien, constatant l'état de déficience extrême de la malade dont il avait suivi l'évolution, avait été en mesure de prévoir l'imminence de son décès, de telle sorte que le contrat de rente viagère, dépourvu de tout aléa, se trouvait privé de cause et devait être annulé ; que, dès lors, les juges du second degré n'avaient pas à répondre aux conclusions inopérantes, selon lesquelles le décès de Mlle X... aurait été " probablement " causé par un syndrome neurologique, et non par le sarcome dont elle avait été victime fin 1988 ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 93-19661
Date de la décision : 16/04/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RENTE VIAGERE - Vente - Prix - Caractère non sérieux - Connaissance par l'acquéreur de l'imminence du décès du vendeur - Décès survenant plus de vingt jours après conclusion de la vente .

VENTE - Prix - Caractère non sérieux - Rente viagère - Connaissance par l'acquéreur de l'imminence du décès du vendeur - Décès survenant plus de vingt jours après conclusion de la vente

VENTE - Prix - Caractère non sérieux - Rente viagère - Appréciation souveraine des juges du fond - Connaissance par l'acquéreur de l'imminence du décès du vendeur

RENTE VIAGERE - Vente - Prix - Caractère non sérieux - Connaissance par l'acquéreur de l'imminence du décès du vendeur - Vendeur décédé de la maladie dont il était atteint au jour de la signature du contrat - Nécessité (non)

L'article 1975 du Code civil n'interdit pas de constater, pour des motifs tirés du droit commun des contrats, la nullité pour défaut d'aléa d'une vente souscrite moyennant le versement d'une rente viagère, même quand le décès du crédirentier survient plus de vingt jours après la conclusion de la vente. Dans cette hypothèse, il n'est pas nécessaire que le crédirentier soit décédé de la maladie dont il était atteint au jour de la signature du contrat, et il suffit que le débirentier ait eu connaissance de la gravité de l'état de santé du vendeur.


Références :

Code civil 1975

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 juillet 1993

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1977-03-02, Bulletin 1977, I, n° 115, p. 89 (rejet) ; Chambre civile 3, 1980-11-04, Bulletin 1980, III, n° 169, p. 127 (rejet) ; Chambre civile 1, 1982-05-05, Bulletin 1982, I, n° 164, p. 146 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 avr. 1996, pourvoi n°93-19661, Bull. civ. 1996 I N° 184 p. 128
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 I N° 184 p. 128

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : M. Roehrich.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Thierry.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Richard et Mandelkern, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.19661
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