REJET du pourvoi formé par :
- X... Guy,
- la société automobiles Citroën, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 6 février 1995, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 300 000 francs d'amende, a déclaré la seconde solidairement responsable du paiement de cette amende et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur l'extinction alléguée de l'action publique :
Attendu que le délit de publicité illicite en faveur du tabac est puni par l'article 12 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, applicable en la cause, non seulement d'une amende mais encore d'une peine complémentaire de suppression, d'enlèvement ou de confiscation ; que, dès lors, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 2, 1er alinéa, de la loi du 3 août 1995, cette infraction n'est pas amnistiée en raison de sa nature ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 8, 10, alinéa 2, et 12 de la loi du 9 juillet 1976, modifiée par la loi du 10 janvier 1991, 71 de la loi du 27 janvier 1993, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X... coupable des infractions de publicité illicite indirecte en faveur du tabac et d'apposition du nom, du logo ou d'une marque de tabac, infractions prévues par les articles 2 et 8 et l'article 10, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1976, et l'a condamné à une peine de 300 000 francs d'amende ainsi qu'au paiement d'une somme de 500 000 francs de dommages-intérêts au Comité national contre le tabagisme, tout en déclarant la société automobiles Citroën civilement responsable ;
" aux motifs qu'à la date des faits poursuivis, l'article 2 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, tel que modifié par la loi du 10 janvier 1991, interdisait toute propagande ou publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et des produits du tabac par des émissions de télévision ; que, si la loi du 27 janvier 1993 est venue autoriser la retransmission des sports mécaniques se déroulant dans les pays dans lesquels la publicité pour le tabac est autorisée jusqu'à ce qu'intervienne une réglementation européenne, cette loi ne peut avoir l'effet exonératoire en ce qui concerne le prologue du rallye qui s'est déroulé à Alençon diffusé par FR3 ; que la Cour constate à l'examen des photographies versées à la procédure que la marque Camel apparaît en très gros caractères sur les véhicules Citroën avec le graphisme et la couleur de la marque de cigarettes mondialement connue, alors que les mots Racing Service sont écrits en petits caractères difficilement lisibles ; que les photographies publiées dans la presse et les images diffusées par FR3 dans le cadre de l'émission "Sport 3" constituent sans conteste une publicité illicite indirecte en faveur du tabac au sens des articles 2 et 8 de la loi du 9 juillet 1976, qui n'a été rendue possible que par l'accord dit "sponsoring agreement" signé entre la S.A. Citroën et la société World Brands Inc, et sans que puisse être sérieusement opposé l'alibi du caractère prétendument informatif des images ou des photographies incriminées étant observé qu'une opération de parrainage sportif a précisément pour but de faire apparaître le nom, la marque et le logo de sponsor devant l'ensemble des médias ;
" 1° alors qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976, il ne peut être fait de propagande ou de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac :
1° par émissions de radiodiffusion ou de télévision, par des enregistrements ou par voie de télédistribution ; 2° par des projections ou annonces dans des salles publiques ; 3° par affiches, panneaux-réclames, prospectus ou enseignes lumineuses ou non ; que l'apposition d'une marque commerciale sur les éléments de la carrosserie d'une automobile participant à un rallye automobile ou sur les vêtements des membres de l'équipe de course ne saurait être assimilée à l'un quelconque des procédés de publicité ou de propagande que ces dispositions prohibent ; qu'en jugeant que l'apposition de la marque Camel Racing Service sur des véhicules engagés dans une course se déroulant en partie sur le territoire français, constituait une publicité illicite en faveur du tabac au sens des articles 2 et 8 de la loi, dont la société Citroën s'était rendue complice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que la diffusion par voie de presse ou de télévision d'images destinées à rendre compte d'une épreuve sportive où sont engagés des véhicules sur lesquels est apposée une marque de tabac ne constitue pas, en elle-même, une "publicité" pour un produit du tabac ; qu'en l'espèce, selon les termes de la citation, Guy X... et la société Citroën étaient poursuivis en raison de la seule retransmission par voie de presse et de télévision des images incriminées ; qu'en jugeant que ces faits constituaient le délit de publicité illicite prévu par les articles 2 et 8 de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" et aux motifs qu'aux termes de l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 76-716, il est interdit de faire apparaître sous quelque forme que ce soit, à l'occasion ou au cours d'une manifestation sportive, le nom, la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac ou le nom d'un producteur fabricant ou commerçant du tabac ou de produits du tabac ; que "Camel" est le nom d'un produit du tabac, la marque d'un produit du tabac et la couleur, la forme et les caractères typographiques du logo apposé sur les voitures sont ceux du logo de la célèbre marque de cigarettes ; que les faits matériels de complicité illicite en faveur du tabac se confondent en l'espèce avec les faits d'apposition du nom, du logo et de la marque Camel sur les véhicules participant au rallye ; que c'est donc par des motifs pertinents que la Cour fait siens que le tribunal a, à bon droit, retenu le caractère illicite de la publicité critiquée au regard des seules dispositions de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1976 ;
" 1° alors que les dispositions de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1976, qui sanctionnent le fait de faire apparaître, sous quelque forme que ce soit, à l'occasion d'une manifestation sportive, le nom ou la marque d'un produit du tabac, n'ont pas pour effet d'interdire les messages à caractère non publicitaire relatifs à un produit du tabac dont cette loi admet par ailleurs la licéité ; qu'en jugeant que les faits incriminés, qui échappaient à la prohibition des procédés de publicités illicites, caractérisaient le délit d'apposition illicite du nom ou d'une marque d'un produit du tabac prévu par l'article 10 de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" 2° alors qu'en tout état de cause, les dispositions interdisant la publicité pour les "produits du tabac" ou interdisant l'apposition du nom, de la marque, du logo ou de l'emblème d'un "produit du tabac" ne peuvent s'appliquer à l'égard d'une marque déposée par une entreprise de services qui n'est ni producteur, ni fabricant, ni commerçant de tabac, et dont le logo est volontairement distinct, même sur un aspect accessoire, de celui d'un fabricant de tabac du même nom ; qu'en jugeant que le nom et la marque "Camel Racing Service", dès lors qu'ils pouvaient évoquer la marque de cigarettes, étaient ceux d'un "produit du tabac", la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à la suite de nombreuses émissions de télévision et articles de presse consacrés, en septembre 1992, au rallye automobile Paris Moscou Pékin, le Comité national contre le tabagisme a fait directement citer Guy X..., directeur des sports de la société Citroën, et cette société, en qualité de civilement responsable, pour propagande ou publicité illicite en faveur du tabac ;
Attendu que, pour caractériser l'infraction, la cour d'appel énonce qu'en exécution d'une convention de parrainage passée entre la société propriétaire de la marque "Camel Racing Service", filiale du fabricant des cigarettes "Camel", et la société Citroën, les véhicules engagés par cette dernière dans le rallye étaient revêtus de l'inscription "Camel" en très gros caractères, d'une couleur et d'un graphisme identiques au logo de la marque de tabac, suivie des termes "Racing Service" en petits caractères difficilement lisibles ;
Que les juges relèvent qu'à l'occasion de la retransmission télévisée du prologue du rallye qui s'est déroulé sur le territoire national, la marque apposée sur les véhicules est apparue sur les écrans en violation de l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976 qui prohibe la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac par des émissions de télévision ;
Que les juges retiennent que les photographies des voitures de l'écurie Citroën publiées dans la presse écrite méconnaissent les dispositions de l'article 8 de cette loi ;
Qu'ils ajoutent que le prévenu a contrevenu à l'article 10, 2e alinéa, du même texte qui interdit de faire apparaître sous quelque forme que ce soit, à l'occasion ou au cours d'une manifestation sportive, le nom, la marque ou l'emblème publicitaire du tabac ou d'un produit du tabac ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.