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09/04/1996 | FRANCE | N°94-11323

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 avril 1996, 94-11323


Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, par décision du 20 avril 1993, la Commission des opérations de bourse (la Commission) a estimé qu'en procédant, le 5 juin 1991, à la vente de titres de la société Métrologie international, sur laquelle il détenait, depuis le 18 avril, des informations privilégiées en sa qualité de président-directeur général, M. Roger X... avait été auteur de pratiques contraires à l'article 2 de son règlement n° 90-08, qui avaient eu pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts e

t, par application de l'article 9-2 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septemb...

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que, par décision du 20 avril 1993, la Commission des opérations de bourse (la Commission) a estimé qu'en procédant, le 5 juin 1991, à la vente de titres de la société Métrologie international, sur laquelle il détenait, depuis le 18 avril, des informations privilégiées en sa qualité de président-directeur général, M. Roger X... avait été auteur de pratiques contraires à l'article 2 de son règlement n° 90-08, qui avaient eu pour effet de porter atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs ou à leurs intérêts et, par application de l'article 9-2 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 350 000 francs assortie d'une mesure de publication ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la Commission des opérations de bourse, en ce qu'il est dirigé contre elle :

Vu l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la Commission des opérations de bourse n'a pas de personnalité juridique ; que, par ailleurs, aucun texte ne l'autorise à présenter une demande dans une instance relative à l'annulation de ses décisions et à l'indemnisation des conséquences dommageables de celles-ci ; qu'il s'ensuit que sa demande tendant à ce que le pourvoi soit déclaré irrecevable en ce qu'il est dirigé contre elle est donc nulle ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, ces moyens étant réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les mémoires produits par la Commission devant la cour d'appel, d'avoir accepté que son avocat présente des observations orales à l'audience, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la Commission n'a pas de personnalité juridique ; qu'elle est donc dépourvue de la capacité d'ester en justice ; qu'en l'espèce, dans ses écritures devant la cour d'appel, elle s'est présentée comme une partie à l'instance ; qu'en omettant néanmoins de constater le défaut de capacité de la Commission, la cour d'appel a violé l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que selon l'article 12-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent appeler le président de la Commission ou son représentant à déposer des conclusions et à les développer oralement à l'audience ; qu'en ouvrant à la Commission la faculté de produire, de son propre chef, des observations écrites et de présenter à l'audience des observations orales devant la cour d'appel saisie d'un recours contre ses décisions, l'article 10 du décret du 23 mars 1990 s'est mis en contradiction avec l'article 12-1 de l'ordonnance susvisée ; qu'en s'abstenant néanmoins d'ordonner un renvoi préjudiciel devant les juridictions administratives aux fins d'appréciation de la légalité de l'article 10 du décret du 23 mars 1990, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; alors, enfin, que si les débats ne sont pas publics, nulle personne étrangère ne doit être admise à y assister ; que la soumission des agents de la Commission au secret professionnel ne les autorise pas à assister à ces débats ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 5 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 et 5 du décret du 23 mars 1990 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'article 10 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990 que la Commission qui produit des observations écrites a la qualité de partie à l'instance ; que, dès lors, la cour d'appel n'avait pas à constater son défaut de capacité ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des observations écrites qu'il a déposées que M. X... ait demandé à la cour d'appel " d'ordonner un renvoi préjudiciel devant les juridictions administratives aux fins d'appréciation de la légalité de l'article 10 du décret du 23 mars 1990 " ; qu'il n'est donc pas fondé à lui reprocher de n'avoir pas statué en ce sens ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a exactement relevé qu'aucune disposition ou principe n'interdit aux agents de la Commission, astreints au secret professionnel par l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, d'assister à la partie de la séance où la Commission procède aux auditions ;

D'où il suit que le premier moyen ne peut être accueilli en ses première et troisième branches et que le deuxième moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, permettre à l'autorité qui a infligé une sanction destinée à punir l'auteur de faits contraires à des normes générales, d'émettre des observations écrites et orales devant la juridiction saisie d'un recours contre sa décision, constitue une violation des droits de la défense ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a donc violé l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme ; alors, d'autre part, que les droits de la défense impliquent que celui qui est poursuivi pour violation d'un règlement de la Commission puisse assister à la partie de l'audience qui concerne les autres personnes impliquées dans des procédures trouvant leur source dans la même enquête ; que le juge du recours en annulation ne saurait, pour refuser de sanctionner un manquement à cette exigence, retenir que le demandeur ne rapporte pas la preuve que la présentation orale de son système de défense en a souffert, cette preuve étant rendue impossible par son exclusion des débats intéressant les autres personnes poursuivies ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a donc méconnu les droits de la défense et violé l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; alors, enfin, que la poursuite de l'auteur d'une infraction au règlement n° 90-08 de la Commission constitue une accusation en matière pénale au sens de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le jugement rendu sur une telle accusation doit être rendu publiquement ; qu'en admettant que la procédure devant la Commission ait pu se dérouler sans publicité des débats, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

Mais attendu, en premier lieu, que la Commission n'est pas intervenue comme partie à l'instance d'appel, l'arrêt ayant seulement été rendu en sa présence, et que M. X... avait la possibilité de répondre à ses observations, ce dont il résulte que les droits de la défense n'ont pas été méconnus ; que le premier moyen n'est donc pas fondé en sa deuxième branche ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt énonce exactement que les prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'appliquent aux sanctions pécuniaires prévues par l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, par leur montant élevé et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs de faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles pratiques, mais que, toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme, des impératifs de souplesse et d'efficacité peuvent justifier l'intervention préalable dans la procédure répressive d'une autorité administrative qui, comme la Commission, ne satisfait pas sur tous leurs aspects aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de l'article 6 de la Convention, dès lors que les décisions prises par celle-ci subissent a posteriori, sur des points de fait, des questions de droit ainsi que sur la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé ; que la cour d'appel a déduit à bon droit de ces énonciations, d'une part, qu'alors qu'avaient été, à son égard, respectées les dispositions de l'article 2 du décret du 23 mars 1990 relatives à la communication des griefs ainsi qu'à l'accès au dossier, l'assistance d'un avocat et les débats oraux, M. Roger X... ne pouvait se plaindre d'une violation des droits de la défense résultant de l'opposition du président de la Commission à le laisser assister avec son défenseur aux séances au cours desquelles le collège avait examiné les faits relevés lors de la même enquête à l'encontre d'autres personnes et, d'autre part, que le grief fondé sur l'exigence d'une audience publique devant la Commission était tout aussi inopérant ; qu'il s'ensuit que le deuxième moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 2 du règlement n° 90-08 de la Commission ;

Attendu que, pour rejeter le recours formé par M. X..., l'arrêt retient qu'il résulte des prescriptions impératives de ce texte que, disposant, depuis le conseil d'administration du 18 avril 1991, en sa qualité de président-directeur général, d'informations privilégiées sur les résultats négatifs de la société Métrologie international, M. Roger X... devait s'abstenir de vendre les actions de cette société qu'il détenait personnellement tant que ces informations n'étaient pas rendues publiques, et que, s'il est exact qu'autorisé ou non par le conseil d'administration, l'intéressé était, depuis le mois de février 1991, en pourparlers avec la Banexi, filiale de la BNP, aux fins de renforcer la participation de ce groupe bancaire au capital de Métrologie international, il ne lui était pas pour autant possible de céder ses propres titres après le 18 avril 1991, époque à laquelle il a cependant accentué ses démarches auprès des responsables de cet organisme financier, et qu'il n'est, au surplus, nullement établi qu'aucune alternative d'achat, fût-elle plus progressive, n'était envisageable pour une prise de participation que la banque souhaitait limiter à 5 p. 100 du capital ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la cession de ses titres, par M. X..., avait été justifiée par un intérêt autre que personnel, alors que celui-ci soutenait que cette cession était intervenue dans le cadre d'un plan de restructuration du capital, décidé par le conseil d'administration de la société Métrologie international, en vue de libérer cette société de l'emprise de son actionnaire principal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, deuxième et quatrième branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-11323
Date de la décision : 09/04/1996
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Procédure - Cour d'appel - Commission - Observations écrites - Effets - Qualité de partie (non).

1° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Procédure - Cour d'appel - Commission - Observations écrites - Effets - Arrêt rendu en sa présence 1° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Procédure - Cour d'appel - Commission - Observations écrites - Partie poursuivie - Réponse - Droits de la défense - Violation (non).

1° Dans une instance relative à l'annulation de ses décisions et à l'indemnisation des conséquences dommageables de celles-ci, la Commission des opérations de bourse peut, sans avoir la qualité de partie à l'instance, produire des observations écrites, conformément à l'article 10 du décret du 23 mars 1990. Dans cette hypothèse, l'arrêt est rendu en sa présence et, dès lors que la personne poursuivie a eu la possibilité de répondre à ses observations, aucune violation des droits de la défense ne peut être alléguée.

2° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Sanction - Procédure - Séance - Audition - Agents de la Commission - Assistance - Interdiction (non).

2° Au cours de la procédure de sanction administrative mise en oeuvre par la Commission des opérations de bourse en application de l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, aucune disposition ni aucun principe n'interdit aux agents de la Commission, astreints au secret professionnel par l'article 5 de cette ordonnance, d'assister à la partie de la séance où la Commission procède aux auditions.

3° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Sanction - Procédure - Conventions internationales - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Matière pénale.

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - 1 - Matière pénale - Bourse de valeurs - Commission des opérations de bourse - Sanction - Procédure.

3° Les prescriptions de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'appliquent aux sanctions pécuniaires prévues par l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 qui, bien que de nature administrative, visent, comme en matière pénale, par leur montant élevé et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs des faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles pratiques. Toutefois, des impératifs de souplesse et d'efficacité peuvent justifier l'intervention préalable dans la procédure répressive d'une autorité administrative qui, comme la Commission, ne satisfait pas sous tous ses aspects aux prescriptions de forme du paragraphe 1er de l'article 6 de la Convention, dès lors que les décisions prises par celle-ci subissent a posteriori, sur des points de fait, des questions de droit ainsi que sur la proportionnalité de la sanction prononcée avec la gravité de la faute commise, le contrôle effectif d'un organe judiciaire offrant toutes les garanties d'un tribunal au sens du texte susvisé. Une cour d'appel en déduit à bon droit que, dès lors qu'ont été respectées les dispositions de l'article 2 du décret du 23 mars 1990 relatif à la communication des griefs ainsi qu'à l'accès au dossier, l'assistance d'un avocat et les débats oraux, la personne poursuivie ne peut arguer d'une méconnaissance des droits de la défense résultant du refus du président de la Commission de le laisser assister avec son défenseur aux séances au cours desquelles la Commission a examiné les faits relevés lors de la même enquête à l'encontre d'autres personnes ni même du défaut d'audience publique devant la Commission.

4° BOURSE DE VALEURS - Commission des opérations de bourse - Règlement n° relatif à l'utilisation d'une information privilégiée - Société - Président - Actions - Vente - Intérêt autre que personnel - Recherche nécessaire.

4° Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 2 du règlement n° 90-08 de la Commission l'arrêt qui, pour confirmer les sanctions administratives prononcées en application de l'article 9-2 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, retient que la personne poursuivie, qui détenait en sa qualité de président du conseil d'administration de la société des informations privilégiées sur les résultats négatifs de cette dernière, devait s'abstenir de vendre les actions de cette société qu'il détenait personnellement tant que ces informations n'étaient pas rendues publiques, sans rechercher si la cession avait été justifiée par un intérêt autre que personnel, alors que l'intéressé soutenait que cette cession était intervenue dans le cadre d'un plan de restructuration du capital, décidé par le conseil d'administration en vue de libérer la société de l'emprise de son actionnaire principal.


Références :

3° :
1° :
4° :
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6 al. 1
Décret 90-263 du 23 mars 1990 art. 10
Ordonnance 67-833 du 28 septembre 1967 art. 9-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 janvier 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 avr. 1996, pourvoi n°94-11323, Bull. civ. 1996 IV N° 115 p. 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 IV N° 115 p. 96

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumas.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.11323
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