CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Roland,
- Y... Josiane,
- l'Union locale des syndicats CGT de Valenciennes,
parties civiles,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 22 mars 1995, qui a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile contre Roger Z... du chef de faux en écritures publiques.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2°, du Code de procédure pénale en vertu duquel le pourvoi est recevable ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-4 du Code pénal, L. 411-11 du Code du travail, des articles 2, 85 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de deux conseillers prud'hommes, M. Roland X... et Mme Josiane Y..., et d'un syndicat, l'Union locale des syndicats CGT de Valenciennes, du chef du délit poursuivi contre le président d'une section d'un conseil de prud'hommes du chef de faux en écritures publiques ;
" aux motifs que, d'une part, les faits dénoncés, fussent-ils avérés, n'ont pas préjudicié à M. X... et Mme Y... personnellement ;
" alors qu'il a été ainsi statué par voie de simple affirmation, en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, en outre, que les demandeurs, conseillers prud'homaux, faisaient valoir que leur préjudice résultait de la transgression par le président de la section du mandat qu'ils lui avaient donné de rédiger la décision prise en commun dans le délibéré et de l'atteinte portée au pouvoir décisionnel qui leur est reconnu individuellement par leur élection et leur installation en qualité de conseillers prud'hommes ; qu'ils se prévalaient ainsi d'un préjudice personnel ; que, faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions des demandeurs, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
" aux motifs que, d'autre part, il en va de même du syndicat CGT puisque les intérêts collectifs des salariés qu'il défend n'ont pas été atteints ;
" alors qu'une atteinte à l'exercice des fonctions des conseillers prud'hommes porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par un syndicat ;
" alors, en outre, que, dans ses conclusions, le syndicat demandeur faisait valoir que, d'une part, les faits reprochés à Roger Z... étaient relatifs à une violation des droits d'un salarié relevant de son champ d'intervention et qu'il a mission de défendre ; que, d'autre part, les conseillers prud'homaux dont les prérogatives avaient été bafouées avaient été élus sur une liste présentée par lui ; que, faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions du syndicat demandeur, la chambre d'accusation n'a pas, derechef, légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie fassent apparaître comme possible l'existence d'un préjudice en relation directe avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu que, le 20 septembre 1994, Roland X... et Josiane Y..., conseillers prud'hommes, ainsi que l'Union locale des syndicats CGT de Valenciennes, ont porté plainte avec constitution de partie civile du chef de faux en écritures publiques contre Roger Z..., vice-président de la section " industrie " du conseil de prud'hommes de Valenciennes, auquel ils reprochent d'avoir, à plusieurs reprises, rédigé et signé des jugements non conformes au délibéré, dans un sens défavorable aux salariés ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction déclarant leur constitution de partie civile irrecevable, l'arrêt attaqué relève que les faits dénoncés, fussent-ils avérés, n'ont pas préjudicié à M. X... et à Mme Y... personnellement, ni au syndicat CGT, puisque les intérêts collectifs des salariés qu'il défend n'ont pas été atteints ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les faits allégués, à les supposer établis, étaient de nature à porter atteinte tant aux prérogatives et à la dignité des magistrats concernés qu'à l'intérêt collectif des salariés, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure d'appliquer la règle de droit ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai, en date du 22 mars 1995 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DECLARE RECEVABLES en l'état les constitutions de partie civile ;
ORDONNE le retour du dossier à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai pour qu'il soit procédé conformément aux dispositions des articles 206, 3e alinéa, et 207, 2e alinéa, du Code de procédure pénale.