Joint les pourvois n°s 94-11.108 et 94-13.015, qui sont dirigés contre le même arrêt ;
Attendu que le mariage de M. Jean-Pierre Z... et de Mme Geneviève X..., célébré le 26 novembre 1977, a été dissous par le divorce le 1er février 1983, l'ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à résider séparément ayant été prononcée le 8 juin 1982 ; que, le 27 avril 1981, Mme X.. avait donné naissance à un enfant, prénommé Clément, qui a été déclaré à l'état civil comme issu du mariage ; que Mme X... a vécu en concubinage avec M. Y... de 1982 à 1990 ; qu'après leur séparation, M. Y... a reconnu l'enfant devant un notaire, puis a fait dresser par le juge des tutelles un acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant naturel du jeune Clément ; que mention de la reconnaissance a été apposée en marge de l'acte de naissance de celui-ci ; qu'ensuite, M. Y... a assigné M. Z..., Mme X... et l'administrateur ad hoc de l'enfant pour contester la possession d'état d'enfant légitime de celui-ci et faire régler le conflit de filiation ; qu'il a demandé au tribunal d'ordonner un examen comparé des sangs ; que les défendeurs ont soulevé l'irrecevabilité de la demande et sollicité l'annulation de la reconnaissance souscrite par M. Y... ; qu'estimant que la possession d'état d'enfant légitime du jeune Clément ne présentait aucun caractère d'équivoque, le tribunal de grande instance a rejeté les prétentions de M. Y... ; qu'infirmant cette décision, la cour d'appel a déclaré la demande recevable et a prescrit un examen comparé des sangs par arrêt du 29 octobre 1992 ; que le pourvoi formé par Mme X... contre cette décision a été déclaré irrecevable ; qu'après le refus de Mme X... et de M. Z... de se soumettre, avec l'enfant à l'expertise qu'elle avait précédemment ordonnée, la cour d'appel (Lyon, 6 janvier 1994) a statué sur le fond et décidé que l'enfant Clément Z... était le fils de M. Y... ;
Sur le premier moyen des deux pourvois : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, et le troisième moyen, réunis du pourvoi de Mme X... :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a fait, au motif, notamment, que " la détermination de sa paternité biologique ne peut être contraire aux intérêts de l'enfant ", alors, d'une part, qu'aucune des parties n'ayant soulevé ce moyen, la cour d'appel aurait, en le relevant d'office sans inviter les intéressés à s'expliquer sur ce point, violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en méconnaissant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est déterminée par un motif d'ordre général sans rechercher concrètement quel était l'intérêt de l'enfant ; qu'en un troisième moyen, Mme X... fait grief à la cour d'appel d'avoir laissé sans réponse les conclusions par lesquelles elle soutenait que l'arrêt du 29 octobre 1992 reposait sur des appréciations et constatations inexactes en ce qui concerne tant la date de conception de l'enfant que la possession d'état d'enfant naturel alléguée par M. Y... ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement estimé que Mme X... n'apportait pas d'éléments nouveaux au sujet de la date de conception de l'enfant, n'avait pas à répondre à des conclusions tendant à mettre en cause l'autorité de sa précédente décision, constatant l'existence d'une possession d'état d'enfant naturel de nature à rendre équivoque la possession d'état d'enfant légitime du jeune Clément ;
Et attendu que, pour régler les conflits de filiation pour lesquels la loi n'a pas fixé d'autres principes, l'article 311-12 du Code civil impose au juge de déterminer d'abord, par tous moyens de preuves, la filiation la plus vraisemblable ; qu'en application de cette règle, la cour d'appel a souverainement déduit du refus de M. Z... et de Mme X..., de se soumettre à l'expertise et des autres indices ou présomptions retenus dans son précédent arrêt, la vraisemblance de la paternité de M. Y... ; d'où il suit qu'aucun des deux moyens n'est fondé ;
Sur le deuxième et le troisième moyens, réunis, du pourvoi de M. Z..., pris en leurs diverses branches :
Attendu que M. Z... fait d'abord grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en se fondant sur son refus et celui de Mme X... de se soumettre à l'expertise, déclaré que l'enfant Clément Z... était le fils naturel de M. Y..., alors, d'une part, que la preuve du caractère équivoque de la possession d'état d'enfant légitime de l'enfant né et conçu pendant le mariage, ne fait pas tomber la présomption de paternité légitime, mais rend seulement recevable l'action en contestation de cette paternité ; qu'il incombe encore au prétendu père naturel de faire tomber cette présomption et qu'en se contentant d'une présomption de paternité naturelle, la cour d'appel aurait méconnu la portée de la présomption de paternité légitime dont bénéficie l'enfant Clément Z..., violant ainsi les articles 312 et 334-9 du Code civil, et inversé la charge de la preuve de la vérité biologique qui pesait sur M. Y... ; alors, d'autre part, qu'en se référant, pour statuer ainsi, aux motifs de son arrêt précédent constatant le caractère équivoque de la possession d'état d'enfant légitime de Clément Z..., la cour d'appel aurait encore méconnu la portée de la présomption de paternité légitime ; et alors, enfin, que ne saurait être qualifié d'" aveu " de la paternité biologique d'un tiers le fait, équivoque, pour M. Z... ou pour Mme X... de ne pas s'être présenté à un examen des sangs comparé avec leur fils ; qu'en un dernier moyen, il est encore reproché à l'arrêt d'être fondé sur une simple présomption, alors qu'il convenait de rechercher concrètement si la preuve de la paternité biologique plus vraisemblable de M. Z... ne résultait pas de la concordance entre les affirmations de M. Z..., de Mme X... et de l'enfant lui-même et alors, d'autre part, qu'en se bornant à affirmer le principe de l'intérêt d'un enfant à connaître son père biologique, sans rechercher si, en l'espèce, la réaction de Clément rapportée tant par l'administratrice ad hoc que par l'enquête sociale et les examens médico-psychologiques, n'excluait pas cet " intérêt ", la cour d'appel aurait statué par un motif d'ordre général et privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que, pour faire application de l'article 311-12 du Code civil, les juges du fond apprécient souverainement la valeur de la présomption pouvant résulter du refus de se soumettre à l'examen des sangs qu'ils ont ordonné ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. Z... avait refusé de se soumettre à l'expertise sanguine prescrite et exercé à cet égard une mauvaise influence sur l'enfant, la cour d'appel a estimé que ce refus injustifié démontrait la crainte des intéressés de voir révéler la véritable paternité de M. Y... ; que du rapprochement des indices et présomptions dont elle avait précédemment relevé l'existence dans l'arrêt du 29 octobre 1992, la juridiction du second degré a souverainement déduit que la paternité de M. Y... était la plus vraisemblable ; que par ces seuls motifs, elle a, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de leurs diverses branches, les moyens ne peuvent être accueillis.