ARRÊT N° 1
CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la Société Chaumont Voyages,
- la Société Best Sell Air,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, du 14 mars 1994, qui, dans la procédure suivie contre Mohamed X... et Rkia Y..., épouse Z..., condamnés notamment pour exercice sans licence d'une activité relative à l'organisation de voyages ou de séjours, a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 13 de la loi n° 75-627 du 11 juillet 1975 applicable aux faits de l'espèce, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile des sociétés Chaumont Voyages et Best Sell Air, dans les poursuites exercées à l'encontre de Mohamed X... et de Rkia Y... pour activité de voyage sans licence ;
" aux motifs qu'" aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par le délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'il appartient au demandeur de rapporter la preuve d'un préjudice personnel et direct découlant de l'infraction ; que les sociétés Chaumont Voyages et Best Sell Air, agences de voyage, travaillant en collaboration avec 4 sociétés de transports publics routiers, sociétés françaises seules titulaires des autorisations ministérielles nécessaires à l'exploitation de lignes régulières entre la France et le Maroc via l'Espagne, les sociétés Seafep-Tourisme et Transports Internationaux, Sceta Svi et Via Internationales, invoquent un dommage consistant dans le manque à gagner qu'elles ont enregistré du fait de la concurrence déloyale de la société X... et de la société Voltaire Voyages, agences de voyage qui se sont installées irrégulièrement à Clichy et à Gennevilliers pour vendre des titres de transport à destination du Maroc et travailler en collaboration avec d'autres sociétés de transports ; mais que les délits reprochés aux 2 dirigeants poursuivis et condamnés d'une part, pour exercice d'une activité d'agence de voyage sans licence d'agent de voyage, et d'autre part, pour travail clandestin procèdent de l'inobservation de la réglementation économique et sociale ; que le préjudice allégué par les 2 sociétés parties civiles est le résultat d'actes positifs de concurrence déloyale ; que ce dommage ne découle pas directement des infractions pénalement sanctionnées ; que les constitutions de partie civile ont donc été à juste titre déclarées irrecevable " ;
" alors que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les sociétés, parties civiles, agences de voyage, travaillaient en collaboration avec les seules sociétés de transports publics routiers titulaires des autorisations nécessaires à l'exploitation de lignes régulières entre la France et le Maroc et, d'autre part, que les sociétés gérées par les prévenus, s'étaient installées irrégulièrement pour vendre des titres de transport à destination du Maroc et travailler en collaboration avec d'autres sociétés de transport que celles agréées ; qu'elle n'a, dès lors, pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en considérant néanmoins que le préjudice résultant de la vente illicite de ces titres de transport par des agences dépourvues de licence ne découlait pas de l'infraction poursuivie d'exploitation d'une agence de voyage sans licence " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, si le délit d'exercice sans licence d'une activité relative à l'organisation de voyages ou de séjours, prévu et réprimé par l'article 13 de la loi du 11 juillet 1975, repris par l'article 29 de la loi du 13 juillet 1992, porte atteinte à l'intérêt général, il peut également causer à des particuliers un préjudice direct et personnel de nature à servir de fondement à l'action civile devant la juridiction répressive ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les constitutions de partie civile des sociétés Chaumont Voyages et Best Sell Air, la juridiction du second degré retient que le délit d'exercice sans licence d'une activité relative à l'organisation de voyages ou de séjours, dont Mohamed X... et Rkia Z... ont été déclarés coupables par les premiers juges, procède de l'inobservation de la réglementation économique et sociale ; qu'elle ajoute que le préjudice invoqué par les parties civiles, consistant dans le manque à gagner résultant pour ces 2 agences de voyages des actes de concurrence déloyale commis par les prévenus, ne découle pas directement de l'infraction sanctionnée ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, par leur activité délictueuse, les prévenus avaient effectué des prestations qui auraient pu être accomplies par les plaignantes, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 mars 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.