Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., entrepreneur de peinture, a fait assigner par M. X..., avocat au barreau de X..., la SCI Le Patio (la société), dont les époux Y... sont les associés, pour obtenir paiement d'un solde de travaux d'un montant de 124 930 francs ; que l'assignation, qui mentionnait le tribunal de commerce, ayant été enrôlée par erreur devant le tribunal de grande instance de X..., cette juridiction a, par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 28 avril 1981, condamné la société à payer la somme réclamée et celle de 3 000 francs, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que, par ordonnance sur requête du 3 février 1981, le président du tribunal de grande instance de X... avait préalablement autorisé M. Z... à prendre inscription d'hypothèque provisoire sur les biens de la société ; que, par ordonnance de référé du 9 juin 1981, le président du tribunal de grande instance de X... a rejeté la demande en rétractation de la précédente ordonnance en raison du jugement de condamnation du 28 avril 1981, mais limité à un seul lot les effets de l'inscription d'hypothèque ; que, par arrêt du 5 mai 1983, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a annulé le jugement du 28 avril 1981, en raison de l'absence de saisine des premiers juges ; qu'à la suite de cette décision le président du tribunal de grande instance de X... a, par une nouvelle ordonnance de référé du 30 juin 1983, prononcé la mainlevée des inscriptions d'hypothèques prises par M. Z... en vertu de l'ordonnance du 3 février 1981 et du jugement annulé du 28 avril 1981 ; que, par arrêt du 7 mars 1984, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a également rétracté l'ordonnance du 3 février 1981 et ordonné la radiation des inscriptions prises en vertu de cette décision ;
Attendu que la société et les époux Y... ont fait assigner M. X... et son assureur, la Compagnie française d'assurance européenne, aux droits de laquelle se trouve la compagnie SIS assurance, et le ministre de la Justice, pris en la personne de l'agent judiciaire du Trésor (AJT), en réparation des préjudices causés par la faute professionnelle de l'avocat et la faute du service public de la justice ;
Sur le premier moyen pris en ses diverses branches : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir débouté la société de son action en responsabilité contre l'Etat, alors que, selon le moyen, d'une part, toute décision de justice doit être motivée ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la qualification de faute lourde, que l'erreur du tribunal était une simple négligence qui n'était pas suffisamment grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de deuxième part, pour un secrétariat-greffe, d'enrôler une assignation délivrée devant une autre juridiction constitue une faute lourde engageant la responsabilité de l'Etat ; qu'il est constant que l'assignation mentionnait que l'action devait être portée devant le tribunal de commerce mais qu'elle a été placée devant le tribunal de grande instance ; que le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance a cependant enrôlé l'affaire ; qu'en décidant que cette erreur ne suffisait pas à caractériser une faute lourde la cour d'appel a violé l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ; alors que, de quatrième part, la faute lourde ne doit pas être seulement appréciée par rapport à la gravité du manquement mais aussi par rapport à ses conséquences ; qu'en l'espèce la faute commise par le Tribunal a privé la société du bénéfice d'un degré de juridiction, en violation des droits de la défense, et lui a causé un important préjudice dû au retard dans la vente de certains appartements ; qu'en retenant cependant que la faute commise par le Tribunal ne pouvait être qualifiée de faute lourde, la cour d'appel a violé l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ;
Mais attendu que, selon l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, la responsabilité de l'Etat, du fait des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ; qu'au sens de ce texte la faute lourde est celle qui a été commise sous l'influence d'une erreur tellement grossière qu'un magistrat ou un fonctionnaire de justice, normalement soucieux de ses devoirs, n'y eût pas été entraîné ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir rappelé les erreurs commises tant par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance de X..., qui a enrôlé inconsidérément une assignation délivrée devant la juridiction commerciale, que par le tribunal de grande instance qui a statué sur cette citation sans vérifier sa saisine, a pu considérer que ces fautes ne présentaient pas une gravité suffisante pour revêtir le caractère exigé par la loi ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.