Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme Marie X... est décédée, le 14 octobre 1918, laissant M. Maurice Y..., son mari commun en biens acquêts et son fils, Elie-André Y... ; qu'aucun partage n'a été fait et que M. Maurice Y... s'est remarié avec Mme Jeanne Z..., sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, deux enfants, Alfred et Robert, étant issus de cette union ; que Mme Z... est décédée en 1982 ; qu'un jugement du 10 mai 1982, devenu irrévocable, a ordonné la liquidation et le partage de l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout, et désigné un expert pour en déterminer l'actif ; que M. Maurice Y... étant décédé, le 20 avril 1985, M. Elie-André Y... a assigné M. Alfred Y... et les héritiers de M. Robert Y..., en reprise de l'instance, et en liquidation-partage de la succession de M. Maurice Y... ; que la jonction des procédures a été ordonnée le 11 juillet 1988, et que la mission de l'expert précédemment désigné a été étendue à la masse successorale de M. Maurice Y... ; que l'arrêt confirmatif attaqué a, notamment, rejeté l'exception de nullité de l'expertise et déterminé les droits des parties dans l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout et dans la succession de M. Maurice Y... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Alfred Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'expertise, alors que, selon le moyen, la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions faisant valoir qu'il n'avait été convoqué qu'à une seule réunion d'expertise, et que toutes les autres réunions s'étaient tenues hors de sa présence, faute de convocation, de sorte qu'il n'avait pu connaître les résultats des opérations expertales, ni en discuter la portée ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Maurice Y... s'était abstenu de communiquer les éléments qu'il était le seul à détenir permettant à l'expert de déterminer l'actif de l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout dont il n'avait délibérément établi aucune comptabilité, en sorte que la tenue par l'expert d'autres réunions d'information était inutile ; qu'ainsi la cour d'appel a satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq branches, la quatrième branche, en ce qu'elle vise les plus-values apportées aux biens indivis :
Attendu que M. Alfred Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé que les droits de M. Elie-André Y... dans l'indivision postcommunautaire ayant existé entre lui et son père jusqu'au décès de celui-ci étaient d'un montant égal à la moitié du patrimoine dont était titulaire M. Maurice Y... avant toute liquidation-partage de la communauté ayant existé entre lui et Mme Z..., alors, selon le moyen, en premier lieu, qu'en affirmant que, conformément à l'autorité de la chose jugée par la décision du 10 mai 1982, les droits de M. Elie-André Y... étaient de la moitié de la totalité du patrimoine de M. Maurice Y... à la date de son décès, l'arrêt attaqué a violé par fausse application l'article 1351 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, qu'en assimilant l'actif commun au moment de la dissolution de la communauté par le décès, en 1918, de la première épouse de M. Maurice Y..., à l'actif de la totalité du patrimoine de ce dernier lors de son décès en 1985, comme si la communauté avait continué, l'arrêt attaqué a violé les articles 1441, 1442, 1476, 815 anciens, et 815 et suivant issus de la loi du 31 décembre 1976 ; alors, en troisième lieu, qu'en décidant que l'actif de l'indivision postcommunautaire ayant existé entre Elie-André Y... et son père se confondait avec la totalité du patrimoine de M. Maurice Y... à la date de son décès, au motif que les enfants du second lit ne rapportaient pas la preuve contraire, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1441, 1442, 1476, 815 anciens et 1315 du Code civil ; alors, en quatrième lieu, qu'en refusant de rechercher, comme il lui était demandé, quels étaient les biens existants à la date de la dissolution de la première communauté, les biens subrogés réellement et les fruits et revenus de ces biens, en tenant compte de l'indemnisation qui était due au gérant pour les plus-values apportées, éléments qui auraient permis de déterminer l'actif de l'indivision postcommunautaire entre Elie-André et son père, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; et alors, enfin, qu'en affirmant qu'aucun des biens composant le patrimoine de M. Maurice Y... en 1985 n'avait d'autre origine que les fonds successivement remployés provenant de l'ex-communauté Ménasse-Adout, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur l'inventaire, dressé le 7 juillet 1918, c'est-à-dire peu avant le décès de Mme Marie X..., faisant apparaître que la communauté était déficitaire en 1918, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que les fruits et revenus des biens indivis, ainsi que les plus-values procurées à ceux-ci, sous réserve de l'attribution à l'indivisaire gérant de la rémunération de son travail, profitent à l'indivision, et que la masse indivise peut s'accroître des acquisitions réalisées à l'aide de deniers indivis ;
Et attendu que, par motifs adoptés des premiers juges, sans se fonder sur le jugement du 10 mai 1982, et sans être tenue de s'expliquer sur un inventaire établi avant la dissolution de la communauté Ménasse-Adout, après avoir constaté que M. Maurice Y... n'avait aucun bien propre et qu'il n'avait tenu, ni rendu, aucun compte de la gestion du patrimoine de l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout à laquelle il avait consacré toute son activité pendant 67 ans, la cour d'appel a souverainement estimé que les biens qu'il avait fait fructifier provenaient du patrimoine de cette indivision ; que les juges du fond ayant ensuite retenu, dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, et sans inverser la charge de la preuve, que toutes les opérations réalisées par le gérant, pendant l'indivision, au moyen de deniers indivis, avaient volontairement été faites pour le compte de l'indivision, la décision attaquée échappe aux critiques du moyen ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche, en ce qu'elle vise la rémunération de l'activité du gérant, et les créances de Mme Z... :
Vu les articles 815-12 et 815-17, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que l'arrêt attaqué a décidé que les droits de M. Elie-André Y... dans l'indivision postcommunautaire ayant existé entre lui et son père depuis 1918 étaient d'un montant égal à la moitié du patrimoine dont était titulaire M. Maurice Y... avant la liquidation-partage de la communauté Ménasse-Vignale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans se prononcer, comme il lui était demandé, sur la rémunération due à M. Maurice Y... pour l'activité qu'il avait fournie dans la gestion de l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout, et sur l'existence de créances de Mme Z... résultant de la conservation et de la gestion des biens indivis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions ayant décidé que les droits de M. Elie-André Y... dans l'indivision postcommunautaire Ménasse-Adout ayant existé entre lui et son père jusqu'au décès de celui-ci, devaient être évalués à la moitié du patrimoine dont était titulaire M. Maurice Y... avant la liquidation-partage de la communauté ayant existé entre lui et sa seconde épouse, Mme Z..., l'arrêt rendu le 23 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.