Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 114-1 et L. 124-3 du Code des assurances ;
Attendu que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ;
Attendu que, le 2 mai 1984 soit avant l'expiration du délai de la garantie décennale qui, suivant les énonciations non contestées des juges du fond, se terminait le 28 mai 1985, M. Y... a assigné M. X..., entrepreneur, en réparation de désordres affectant son immeuble ; qu'un jugement, prononcé le 6 mai 1986, a condamné cet entrepreneur à payer à M. Y... une certaine somme, mais que, n'ayant pu recouvrer le montant de cette condamnation, M. Y... a, le 23 octobre 1987, assigné la SMABTP, assureur de M. X..., en paiement ; que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de prescription soulevée par l'assureur au motif que le maître de l'ouvrage avait bien intenté une action contre l'entrepreneur dans le délai de la garantie décennale et que l'action directe exercée par le tiers victime contre l'assureur de dommages est soumise à la prescription trentenaire de droit commun ;
Attendu, cependant, que si l'action de M. Y... contre l'assureur pouvait être engagée au-delà de la date d'expiration de la garantie décennale, le 28 mai 1985, en raison du recours dont l'assuré avait fait l'objet le 2 mai 1984, cette prorogation de délai ne pouvait, à compter de cette dernière date, excéder la durée de 2 ans fixée par l'article L. 114-1 du Code des assurances et se terminait donc le 2 mai 1986 ; que la cour d'appel, qui a constaté que la SMABTP n'avait été assignée par M. Y... que le 23 octobre 1987, et devant laquelle il n'a pas été soutenu qu'il se serait trouvé dans l'impossibilité d'agir contre l'assureur avant le 2 mai 1986, a ainsi violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.