La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/1996 | FRANCE | N°93-85636

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 1996, 93-85636


ACTION PUBLIQUE ETEINTE et REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 272 de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 1993, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui, du chef de diffamations et injures publiques envers un citoyen chargé d'un mandat public, après avoir infirmé le jugement ayant statué sur la validité de la poursuite, a rejeté les exceptions de nullité des citations, évoqué, condamné le prévenu à 8 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
I. Sur l'action pub

lique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3 août 1995, sont am...

ACTION PUBLIQUE ETEINTE et REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 272 de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 18 novembre 1993, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui, du chef de diffamations et injures publiques envers un citoyen chargé d'un mandat public, après avoir infirmé le jugement ayant statué sur la validité de la poursuite, a rejeté les exceptions de nullité des citations, évoqué, condamné le prévenu à 8 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
I. Sur l'action publique :
Attendu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3 août 1995, sont amnistiés, lorsque, comme en l'espèce, ils sont antérieurs au 18 mai 1995, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'ainsi l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de ce texte ;
Attendu cependant que, selon l'article 21 de la loi précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;
II. Sur l'action civile :
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;
Sur le moyen complémentaire de cassation pris de la violation des articles 460, 513 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense :
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que le prévenu et son conseil ont été entendus avant les réquisitions de l'avocat général, en violation des dispositions de l'article 513 du Code de procédure pénale telles que entrées en vigueur à la suite de l'article 49-1 de la loi du 24 août 1993, et de l'ordre impératif de parole prévu par ce texte et par l'article 460 du Code de procédure pénale ; que les droits de la défense ont été ainsi méconnus " ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 513 du Code de procédure pénale :
" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la formalité substantielle du rapport n'a pas été complètement respectée ; qu'en effet, à l'audience du 30 septembre 1993, un premier débat s'est déroulé sur les exceptions soulevées par les prévenus, avant que Mme Civalero, conseiller, soit entendue en son rapport sur le fond ; qu'il en résulte que la procédure a été irrégulière, faute d'un rapport portant également sur les différentes exceptions soulevées par les prévenus avant l'instauration du débat relatif à ces exceptions " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que l'arrêt attaqué se réfère à un précédent arrêt du 1er juillet 1993 par lequel la cour d'appel, après avoir déclaré recevable l'appel de la partie civile contre le jugement qui avait déclaré nulles les citations introductives d'instance, a joint au fond les exceptions prises par les prévenus de la prescription et de la nullité des citations ; que l'arrêt attaqué mentionne qu'après avoir joint au fond le rappel liminaire des exceptions de nullité précédemment soulevées par les prévenus, la cour d'appel a entendu un conseiller en son rapport, les prévenus en leurs moyens de défense, Me Florent en sa plaidoirie pour la partie civile, le ministère public en ses réquisitions, Mes Manville, Michaux, et Eloidin en leurs plaidoiries respectives et qui ont eu la parole les derniers pour les prévenus ;
D'où il suit que les moyens manquent par les circonstances sur lesquelles ils prétendent se fonder, et ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de la citation délivrée aux prévenus le 8 septembre 1993 aux fins de comparution devant la cour d'appel, et de constater la prescription intervenue, faute d'acte valable interruptif d'instance, 3 mois après l'appel interjeté le 7 juillet 1992 par la partie civile ;
" aux motifs que la cour d'appel était saisie par l'acte d'appel ; qu'il suffisait que la citation à comparaître devant la cour d'appel, qui est interruptive de prescription, identifie le jugement frappé d'appel ;
" alors que, dès lors que le jugement de première instance avait annulé les citations directes au vu desquelles le tribunal avait été saisi, il appartenait à la partie de déterminer la saisine de la cour d'appel, et il fallait impérativement que les prévenus soient avertis de l'objet de cette saisine ; qu'il est constant que la citation du 8 septembre 1992, portant citation à comparaître devant la cour d'appel, se borne à indiquer la date du jugement frappé d'appel, et la date de l'audience devant la Cour, sans indiquer l'étendue de l'appel, ni expliciter les infractions reprochées aux prévenus, et qui n'avaient pas été retenues en première instance ; que, dès lors, la cour d'appel n'étant pas saisie dans les termes de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation était nulle, et la prescription acquise " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation à comparaître devant la cour d'appel, l'arrêt attaqué énonce à bon droit que celle-ci, simplement indicative de date, n'est pas soumise aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, et ne saisit pas la juridiction du second degré de la prévention, laquelle résulte de la citation introductive d'instance et de l'effet dévolutif de l'acte d'appel ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la citation directe délivrée à la requête de M. Y..., directeur de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique, sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
" aux motifs qu'en cette qualité, M. Y... est un citoyen chargé d'un service public ; qu'il dispose d'un pouvoir de contrainte pour le recouvrement des cotisations et détient une portion de l'autorité publique ;
" alors, d'une part, que le directeur de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ne dispose, par lui-même et de par son action, d'aucun pouvoir de contrainte, ni d'aucune mission de représentation de la caisse, ces missions de pouvoir appartenant aux organes chargés de représenter celle-ci à l'égard des tiers en justice, ce qui n'est pas le cas de son directeur, qui ne fait que la gérer ; qu'en reconnaissant à ce dernier une parcelle de l'autorité publique, la cour d'appel a visé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique est un organisme privé, et que, fût-il chargé d'une mission de service public, son directeur ne détient, à ce titre, aucune parcelle de l'autorité publique " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y... a fait assigner devant la juridiction correctionnelle X..., directeur de la publication du journal Z..., en raison de la publication, dans les numéros 416 et 417 de ce périodique, en date des 11 et 18 janvier 1991, de plusieurs articles le mettant en cause, en sa qualité de directeur de la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ; que le plaignant a qualifié les faits poursuivis de diffamations publiques envers un citoyen chargé d'un mandat public, et d'injures publiques envers un citoyen chargé d'un mandat public, en visant les articles 31, 33, alinéa 1 et 43, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation soulevée par le prévenu, la cour d'appel relève que les citoyens chargés d'un service public sont ceux qui sont investis dans une mesure quelconque d'une portion de l'autorité publique, que les caisses générales de sécurité sociale existant dans les départements d'outre-mer assurent non seulement la gestion de divers risques maladie, invalidité, vieillesse mais sont en outre chargées du recouvrement des cotisations sociales, et que le directeur d'une telle caisse dispose d'un pouvoir de contrainte pour le recouvrement de ces cotisations et détient ainsi une portion de l'autorité publique ; que les juges en déduisent que Y... est un citoyen chargé d'un service public, et que l'article 31 est applicable aux faits poursuivis ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, bien qu'elle n'eût pas à examiner le bien-fondé de la qualification pour statuer sur la validité de la citation, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef de diffamation à l'encontre de M. Y..., pour les passages visés aux numéros 1, 2 et 3 de la citation directe devant le tribunal correctionnel ;
" alors, d'une part, que le passage n° 1 visé par la citation, selon lequel "le stratège de l'ombre est Force ouvrière dont le secrétaire général est M. A..., qui, je vous dis ici ma conviction, essaye de se venger de B... à cause de ses écrits dans un autre magazine. Vous n'ignorez pas, de même, que M. Y..., directeur de la caisse, est un ancien secrétaire de FO" (journal Z..., n° 417, p. 4) ne porte pas atteinte à l'honneur et à la considération de M. Y... ; qu'en effet, aucun fait précis qui lui serait directement imputable, autre que son ancienne participation à un syndicat, n'est énoncé par le texte ; que celui-ci n'est donc pas diffamatoire à l'égard de M. Y... ;
" que le passage n° 2, selon lequel "le directeur de la caisse générale de sécurité sociale (M. Y...) bras vengeur de M. A..., président du conseil d'administration, demande leur licenciement immédiat et sans indemnité"ne porte pas atteinte à l'honneur et à la considération de M. Y..., une telle atteinte ne pouvant être caractérisée par la constatation de ce qu'un directeur d'entreprise, sur ordre de son supérieur hiérarchique, engage une procédure disciplinaire contre 2 salariés ; que la diffamation n'était donc pas caractérisée ;
" alors, enfin, que le passage n° 3, selon lequel "la suite du feuilleton montrera bien que le duo A...-Y..., pour nourrir ses revanches, a besoin de beaucoup de complicités tacites" (journal Z..., n° 417, p. 8), faute de porter sur un fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve, ou d'une preuve contraire, n'est pas constitutif d'une diffamation punissable " ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que X... a été déclaré coupable d'injures à l'encontre de M. Y..., à raison de l'injure visée au paragraphe 3 de la citation directe ;
" aux motifs que dans le n° 417 de la revue Z..., à la page 22, figure un titre "Démocrates par en haut, Macoute par en bas", titre qui coiffe différentes photos dont celle de M. Y... ;
" alors que, faute d'identification précise du titre aux photos des 6 personnages figurant également sur la même page, et de désignation de M. Y..., comme susceptible d'être le destinataire de l'injure incriminée, l'infraction n'était pas caractérisée " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et l'examen de la procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, souverainement déduit d'éléments extrinsèques que certains d'entre eux visaient le plaignant, et caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ; qu'elle a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de ces infractions ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
Sur l'action publique :
La DECLARE ETEINTE ;
Sur l'action civile :
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-85636
Date de la décision : 09/01/1996
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Citation - Mentions obligatoires - Citation à comparaître devant la cour d'appel (non).

1° PRESSE - Procédure - Citation - Nullité - Domaine d'application - Citation à comparaître devant la cour d'appel (non).

1° C'est à bon droit que, pour écarter l'exception de nullité de la citation à comparaître devant la cour d'appel, un arrêt énonce que celle-ci, simplement indicative de date, n'est pas soumise aux exigences de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, et ne saisit pas la juridiction du second degré de la prévention, laquelle résulte de la citation introductive d'instance et de l'effet dévolutif de l'acte d'appel(1).

2° PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Citoyen chargé d'un service public - Définition - Directeur de caisse de sécurité sociale.

2° La cour d'appel, qui relève notamment que les caisses générales de sécurité sociale existant dans les départements d'outre-mer sont chargées du recouvrement des cotisations sociales, et que leur directeur dispose à cet égard d'un pouvoir de contrainte, en déduit à bon droit qu'il détient ainsi une portion de l'autorité publique, et qu'il entre dans la catégorie des citoyens chargés d'un service public, au sens de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881(2).


Références :

1° :
2° :
Loi du 29 juillet 1881 art 31
Loi du 29 juillet 1881 art 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France (chambre correctionnelle), 18 novembre 1993

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1952-04-30, Bulletin criminel 1952, n° 114, p. 195 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1959-04-16, Bulletin criminel 1959, n° 230, p. 464 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1971-03-04, Bulletin criminel 1971, n° 77, p. 198 (rejet et amnistie), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1990-06-06, Bulletin criminel 1990, n° 229 (1), p. 583 (action publique éteinte et cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1993-10-12, Bulletin criminel 1993, n° 289 (1), p. 726 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1990-12-11, Bulletin criminel 1990, n° 427, p. 1065 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 1996, pourvoi n°93-85636, Bull. crim. criminel 1996 N° 8 p. 15
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 8 p. 15

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:93.85636
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award