Joint les pourvois n°s 93-21.675 et 94-10.513, qui sont connexes en ce qu'ils attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt critiqué, qu'avant d'être mise en redressement judiciaire, le 1er août 1989, la société TRAM a cédé, à deux reprises, trois créances qu'elle avait sur la société Sotra, d'une part, à la Banque de l'Aquitaine, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 et, d'autre part, à la Société française de factoring (SFF), en application d'une convention d'affacturage ; que les deux cessionnaires ont réclamé le paiement des créances à la société Sotra ; que celle-ci a opposé, pour un certain montant, une exception de compensation avec des créances qu'elle prétendait détenir sur la société TRAM, en raison de livraisons incomplètes ou défectueuses ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, du pourvoi n° 94-10.513 : (sans intérêt) ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 93-21.675 :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la Banque de l'Aquitaine tendant au paiement, par la société Sotra, des créances qui lui avaient été cédées par la société TRAM, l'arrêt retient que " la Banque de l'Aquitaine invoque la priorité des bordereaux de cession de créance loi Dailly par rapport aux quittances subrogatoires d'affacturage, en vertu des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 2 janvier 1981, mais que la SFF fait, en réplique, valoir que la Banque de l'Aquitaine a commis, à son égard, une faute engageant sa responsabilité civile en vertu des dispositions de l'article 1382 du Code civil ; qu'en effet la société TRAM avait conclu le 16 septembre 1988 avec la SFF une convention d'affacturage ; que la Banque de l'Aquitaine ne pouvait ignorer cette convention, dont l'existence se manifestait, pour un professionnel, à la simple lecture des mouvements de fonds du compte courant de la société TRAM ouvert dans les livres de la banque ; qu'au surplus cette connaissance résulte d'échanges de télex entre les deux organismes de crédit ; qu'en acceptant ponctuellement une cession de créance pour trois factures de sa cliente, alors qu'elle n'ignorait pas que celle-ci était liée à la SFF par une convention générale d'affacturage comportant une clause d'exclusivité, la Banque de l'Aquitaine a pris sciemment le risque de causer un préjudice financier au factor ; qu'elle a donc commis une faute engageant sa responsabilité civile ; qu'elle en doit réparation à la SFF car elle n'a pas agi de bonne foi ; que la cour d'appel trouve ainsi en la cause les éléments d'appréciation suffisants pour dire que c'est à la SFF et non à la Banque de l'Aquitaine que la société Sotra devra payer l'intégralité des créances affacturées " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de fraude, non constatée en l'espèce, il ne pouvait être reproché à la Banque de l'Aquitaine de ne pas avoir refusé d'acquérir les créances litigieuses au motif qu'elle connaissait l'existence d'une convention générale d'affacturage, comportant une clause d'exclusivité, conclue entre le cédant et un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la première branche du moyen du pourvoi n° 93-21.675 :
Vu l'article 4, alinéa 1er, de la loi du 2 janvier 1981 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte la cession de créance prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau ;
Attendu qu'en statuant comme elle a fait, pour rejeter la demande de la Banque de l'Aquitaine, sans rechercher si, pour chacune des trois créances litigieuses, la date du bordereau de cession à la Banque de l'Aquitaine était antérieure à la date de la cession à la SFF, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de compensation dont se prévalait la société Sotra, l'arrêt rendu le 14 octobre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.