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18/12/1995 | FRANCE | N°91-14785

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 18 décembre 1995, 91-14785


Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mars 1991), que, le 13 septembre 1987, M. X... participant à une émission radiophonique, invité à se prononcer sur les thèses contestant la réalité et les modalités de l'extermination raciale perpétrée en Allemagne pendant la durée de la guerre de 1939-1945, a émis l'avis que l'utilisation des chambres à gaz était un " point de détail " de l'histoire de cette guerre ; que l'Union nationale des associations de déportés internés et familles de disparus (Unadif) et sept autres associations l'ont, par

acte en date du 15 mars 1988 assigné en réparation de leur préjudice ; qu...

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 mars 1991), que, le 13 septembre 1987, M. X... participant à une émission radiophonique, invité à se prononcer sur les thèses contestant la réalité et les modalités de l'extermination raciale perpétrée en Allemagne pendant la durée de la guerre de 1939-1945, a émis l'avis que l'utilisation des chambres à gaz était un " point de détail " de l'histoire de cette guerre ; que l'Union nationale des associations de déportés internés et familles de disparus (Unadif) et sept autres associations l'ont, par acte en date du 15 mars 1988 assigné en réparation de leur préjudice ; que le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) sont intervenus volontairement à l'instance ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli les demandes alors, selon le moyen, que, d'une part, les propos dont il était fait grief à M. X... de les avoir tenus et pour lesquels il était condamné ressortissaient des dispositions de la loi du 1er juillet 1972 (provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale), qu'en vertu de l'article 1er de cette loi les dispositions sanctionnant les délits qui y sont visés se trouvaient incorporées dans l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, que toute action introduite sur le fondement des dispositions de cette loi est soumise à la prescription de 3 mois révolus à compter du jour où ils ont été commis et que la cour d'appel n'a pu déclarer recevable l'action des associations demanderesses sur le fondement de la loi du 1er juillet 1972 après l'expiration de ce délai de 3 mois, qu'en violation de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; les associations demanderesses ayant fondé leur action sur le caractère prétendument raciste des propos tenus par M. X..., la cour d'appel ne pouvait, sans modifier l'objet du litige déterminé par les associations demanderesses et violer les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, écarter la qualification donnée par elles, pour faire échapper l'action à la prescription de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; et qu'en troisième lieu enfin, il résultait tout à la fois des prétentions des associations demanderesses, de la décision du juge des référés et des termes mêmes des propos reprochés à M. X... tels que qualifiés par lesdites associations, que les propos en cause auraient constitué, selon la cour d'appel " L'expression d'une idéologie raciste ", que qualifiés " d'agissements ou de propos à connotation raciale ou raciste ", ils entraient dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 et leur répression était soumise au délai de prescription de son article 65, et que la cour d'appel n'a pu déclarer recevable l'action des associations demanderesses bien qu'introduite plus de 3 mois après que les propos litigieux avaient été proférés, qu'en violation par refus d'application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que les victimes d'agissements ou de propos non constitutifs d'un des délits de la loi du 1er juillet 1972 peuvent agir sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en réparation de leur préjudice ; qu'ayant exactement retenu que les propos de M. X... qualifiant le mode d'extermination utilisé dans les camps où étaient détenus des juifs et des tziganes de " point de détail ", n'étaient pas constitutifs du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de l'appartenance à une éthnie, une nation, une race ou une religion déterminée, la cour d'appel qui a retenu que l'expression employée était choquante et intolérable en ce qu'elle rendait moins spécifiquement dramatiques les persécutions et les souffrances infligées, a pu en déduire que, proférée publiquement à la radio, elle était constitutive d'une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné M. X... à payer à chacune des associations une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le préjudice moral qui était réparé était un préjudice global et indivisible causé aux associations demanderesses ou intervenantes et que la cour d'appel ne pouvait prononcer qu'une seule condamnation pour la réparation d'un seul et même préjudice ;

Mais attendu qu'ayant constaté que chacune des associations eu égard à ses buts et à son objet statutaire avait subi un préjudice distinct, la cour d'appel a, à bon droit, alloué à chacune d'entre elles la réparation de chacun de ces préjudices ; que le moyen doit être rejeté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 91-14785
Date de la décision : 18/12/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PRESSE - Provocation à la discrimination - à la haine ou à la violence en raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie - une nation - une race ou une religion déterminée - Propos tenus par un homme politique lors d'une émission radiophonique - Propos qualifiant de " point de détail " le mode d'extermination des juifs durant la Seconde Guerre mondiale - Action en réparation fondée sur l'article 1382 du Code civil - Condition.

1° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Propos tenus lors d'une émission radiophonique par un homme politique - Propos qualifiant de " point de détail " le mode d'extermination des juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

1° Ayant énoncé à bon droit que les victimes d'agissements ou de propos non constitutifs d'un des délits de la loi du 1er juillet 1972 peuvent agir sur le fondement de l'article 1382 du Code civil en réparation de leur préjudice, une cour d'appel, retenant exactement que les propos d'un homme politique, lors d'une émission radiophonique, qualifiant le mode d'extermination utilisé dans les camps où étaient détenus des juifs et des tziganes de " point de détail ", n'étaient pas constitutifs du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, a pu déduire que l'expression employée, choquante et intolérable en ce qu'elle rendait moins spécifiquement dramatiques les persécutions et les souffrances infligées, proférée publiquement à la radio, était constitutive d'une faute.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Personnes pouvant l'obtenir - Associations - Pluralité d'associations ayant chacune subi un préjudice distinct.

2° ASSOCIATION - Action en justice - Action en réparation d'un dommage - Pluralité d'associations ayant chacune subi un préjudice distinct.

2° C'est à bon droit que la cour d'appel, ayant constaté que chacune des associations demanderesses, eu égard à ses buts et à son objet statutaire avait subi un préjudice distinct, a alloué à chacune d'entre elles la réparation de chacun de ces préjudices.


Références :

1° :
1° :
Code civil 1382
Loi du 01 juillet 1972

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 mars 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 18 déc. 1995, pourvoi n°91-14785, Bull. civ. 1995 II N° 314 p. 184
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 II N° 314 p. 184

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Zakine .
Avocat général : Avocat général : M. Monnet.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Colcombet.
Avocat(s) : Avocats : M. Pradon, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Mme Roué-Villeneuve.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:91.14785
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