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14/11/1995 | FRANCE | N°94-13361

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 novembre 1995, 94-13361


Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles 12 mars 1993 et 28 janvier 1994), que la société de bourse Ducatel Duval et certains de ses clients, actionnaires de la société Vitos établissements Vitoux (VEV), société cotée en bourse dont le cours des titres avait, contrairement aux perspectives optimistes annoncées, connu une baisse brusque et importante, ont, en application de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, assigné en référé la société Fiduciaire de France, devenue KPMG, et M. Reingewirtz, commissaires aux comptes de la société VEV, pour demander que s

oit ordonnée une expertise destinée à les éclairer sur l'exécution,...

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles 12 mars 1993 et 28 janvier 1994), que la société de bourse Ducatel Duval et certains de ses clients, actionnaires de la société Vitos établissements Vitoux (VEV), société cotée en bourse dont le cours des titres avait, contrairement aux perspectives optimistes annoncées, connu une baisse brusque et importante, ont, en application de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, assigné en référé la société Fiduciaire de France, devenue KPMG, et M. Reingewirtz, commissaires aux comptes de la société VEV, pour demander que soit ordonnée une expertise destinée à les éclairer sur l'exécution, par les commissaires aux comptes, de leurs obligations professionnelles ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches :

Attendu que la société KPMG Fiduciaire de France et M. Reingewirtz font grief aux arrêts d'avoir confirmé la mesure d'expertise ordonnée, en référé, sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'ils n'avaient à aucun moment invoqué la règle " le criminel tient le civil en l'état " ni sollicité un sursis à statuer ; qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que les mesures d'instruction in futurum sont subordonnées à la nécessité soit de préconstituer la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, soit d'empêcher le dépérissement de cette preuve ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par leurs conclusions d'appel qui faisaient valoir que la mission confiée aux experts pénaux recouvrant la mission de l'expert civil, ces deux expertises tendaient à établir les mêmes faits, si la commission des deux experts pénaux ayant pour mission d'établir les faits dont pourrait dépendre aussi bien la responsabilité pénale que la responsabilité civile des commissaires aux comptes, ne privait pas de motif légitime l'expertise civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, alors, en outre, que les commissaires aux comptes étant soumis au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions, la mesure d'instruction leur enjoignant de produire tous les documents en leur possession susceptibles d'établir la sincérité des comptes de la société VEV et leurs diligences, dans la vérification de ces comptes, les contraint à violer ce secret, en dehors des cas spécialement prévus par les textes et dès lors n'est pas légalement admissible ; qu'en se fondant, pour écarter ce secret, sur le fait qu'il ne saurait conférer aux commissaires aux comptes une immunité paralysant toute action en responsabilité à leur encontre, la cour d'appel a violé les articles 233, 234, 457 de la loi du 24 juillet 1966, l'article 378 du Code pénal et l'article 145 du nouveau Code de procédure civile et alors, enfin, qu'ils avaient fait valoir que les communications auxquelles les contraignait l'expertise ordonnée les conduisaient à divulguer des informations privilégiées sur la situation et les perspectives d'un émetteur de titre, délit prévu et réprimé par l'article 10-1 de la loi du 2 août 1989 et à rompre l'égalité entre les actionnaires que l'article 228 de la loi du 24 juillet 1966 leur donne pour mission de faire respecter ; qu'en s'abstenant de répondre à leurs conclusions d'appel sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en écartant une demande de sursis à statuer que la société KPMG Fiduciaire de France et M. Reingewirtz prétendent n'avoir pas formée, la cour d'appel n'a pas excédé l'objet du litige ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la demande d'expertise formée par les actionnaires de la société VEV ne tendait pas aux mêmes fins que les investigations prescrites par le juge d'instruction, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en troisième lieu, que dès lors qu'elle avait retenu, d'un côté, que, rien ne laissant prévoir dans les informations financières optimistes publiées avec l'aval des commissaires aux comptes la chute importante et brutale du cours des actions de la société VEV, les actionnaires avaient un motif légitime de faire vérifier les conditions dans lesquelles ceux-ci avaient exercé leurs fonctions au sein de cette société et éventuellement engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 et, d'un autre côté, que l'expertise ordonnée, dont la mission était parfaitement définie, tendait bien à établir, avant tout procès, la preuve des faits nécessaires à la solution d'un tel litige, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a décidé à bon droit, que, les commissaires aux comptes ne pouvant invoquer le secret professionnel auquel ils sont tenus dans l'intérêt de la société bénéficiaire pour faire obstacle à toute action en responsabilité dirigée contre eux, la mesure d'instruction, qui leur enjoignait de produire les documents permettant de rechercher s'ils avaient assuré leurs fonctions au sein de la société VEV avec la diligence et la prudence requises, était légalement admissible ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-13361
Date de la décision : 14/11/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE ANONYME - Commissaire aux comptes - Responsabilité - Action dirigée contre lui - Secret professionnel - Opposabilité (non) .

SECRET PROFESSIONNEL - Commissaire aux comptes - Opposabilité - Action en responsabilité dirigée contre lui (non)

Ayant retenu, d'un côté, que, rien ne laissant prévoir dans les informations financières optimistes publiées avec l'aval des commissaires aux comptes la chute importante et brutale du cours des actions de la société, les actionnaires avaient un motif légitime de faire vérifier les conditions dans lesquelles ceux-ci avaient exercé leurs fonctions au sein de la société et éventuellement engagé leur responsabilité sur le fondement de l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966 et, d'un autre côté, que l'expertise ordonnée en référé tendait bien à établir, avant tout procès, la preuve des faits nécessaires à la solution d'un tel litige, une cour d'appel décide à bon droit que, les commissaires aux comptes ne pouvant invoquer le secret professionnel auquel ils sont tenus dans l'intérêt de la société bénéficiaire pour faire obstacle à toute action en responsabilité dirigée contre eux, la mesure d'instruction leur enjoignant de produire les documents permettant de rechercher s'ils avaient assuré leurs fonctions au sein de la société avec la diligence et la prudence requises était légalement admissible.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 1993-03-12 et 1994-01-28


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 nov. 1995, pourvoi n°94-13361, Bull. civ. 1995 IV N° 263 p. 242
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 263 p. 242

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Canivet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, la SCP Ryziger et Bouzidi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.13361
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