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30/10/1995 | FRANCE | N°94-83386

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 octobre 1995, 94-83386


REJET des pourvois formés par :
- X... Jacques, Y... Serge, Z... Claude, A... Claire, épouse B..., prévenus,
- la SARL Le Monde, la Société nouvelle de presse et de communication, dite SNCP, la Société anonyme Télérama, civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 13 juin 1994, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné Jacques X..., Claude Z... et Serge Y... à une amende de 100 000 francs chacun, Claire A..., épouse B... à une amende de 200 000 francs, a déclaré les sociétés Le Monde, Société nouvelle de p

resse et de communication et Télérama civilement responsables, et a prononcé ...

REJET des pourvois formés par :
- X... Jacques, Y... Serge, Z... Claude, A... Claire, épouse B..., prévenus,
- la SARL Le Monde, la Société nouvelle de presse et de communication, dite SNCP, la Société anonyme Télérama, civilement responsables,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 13 juin 1994, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné Jacques X..., Claude Z... et Serge Y... à une amende de 100 000 francs chacun, Claire A..., épouse B... à une amende de 200 000 francs, a déclaré les sociétés Le Monde, Société nouvelle de presse et de communication et Télérama civilement responsables, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Jacques X... et la SARL Le Monde, et pris de la violation des articles 2, 3 et 8 de la loi du 9 juillet 1976, 3-2 de la loi du 9 janvier 1991, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable de publicité illicite en faveur du tabac ;
" aux motifs qu'au terme de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme, dans le cas où elle est autorisée, la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac ne peut comporter d'autres mentions que la dénomination du produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant, du distributeur, ni d'autres représentations graphiques ou photographiques que celles du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque ;
" que l'infraction à ces dispositions est constituée dès lors qu'une publicité, même déguisée, est effectuée en faveur du tabac, sous quelque forme qu'elle se présente ;
" que durant la période intermédiaire du 10 janvier 1991 au 1er janvier 1993, le contenu des publicités directes ou indirectes, autorisées dans certains supports, tels que la presse écrite, jusqu'au 1er janvier 1993 est resté soumis aux règles édictées par l'article 8 non modifié de la loi du 9 juillet 1976 et qui n'a été abrogé qu'au 1er janvier 1993, par application de l'article 9 de la loi du 10 janvier 1991 ; que l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 comme l'article 3 nouveau dans la rédaction de la loi du 10 janvier 1991 ne fait que donner une définition de publicité indirecte, qui n'est restée licite, jusqu'au 1er janvier 1993, dans les supports autorisées, que sous réserve du respect des règles édictées par l'article 8 ; que l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976, resté en vigueur jusqu'au 1er janvier 1993, se borne à énumérer les supports interdits à la publicité en faveur du tabac sans pour autant permettre, dans les supports autorisés, une publicité indirecte contraire aux règles édictées par l'article 8 de la même loi ;
" alors qu'au moment de la commission des faits présentement poursuivis, soit le 7 mai 1992, il résultait des dispositions combinées des lois du 9 juillet 1976 et du 10 janvier 1991 que la publicité indirecte en faveur du tabac n'était interdite que lorsque commise dans l'un des supports énumérés par l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976 maintenu en vigueur jusqu'au 1er janvier 1993 par l'article 3-2 de la loi du 12 juillet 1991 et la publicité dans la presse écrite ne se trouvant alors soumis qu'aux seules dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, également maintenues en vigueur jusqu'au 1er janvier 1993 et réglementant les formes de la publicité directe, de sorte que pour la période comprise entre le 12 janvier 1991, date de la publication de la loi du 10 janvier 1991 et le 1er janvier 1993, aucune disposition légale n'incriminait la publicité indirecte en faveur du tabac dans la presse écrite ; que dès lors, la Cour, qui a ainsi considéré que l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 visait également la publicité déguisée dont l'article 3 de la même loi, modifié par celle du 10 janvier 1991, n'aurait fait que donner la définition, en omettant par ailleurs de prendre en considération le fait que l'article 3-2 de cette même loi n'avait limité, jusqu'au 1er janvier 1993, l'interdiction de la publicité indirecte qu'aux supports pour lesquels la publicité directe était interdite, a tout autant fait une fausse application de l'ensemble des dispositions légales susvisées que violé le principe d'interprétation stricte de la loi pénale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par ces mêmes demandeurs et pris de la violation de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1991, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a considéré que la publicité en cause constituait une publicité indirecte, pénalement incriminée ;
" aux motifs que la Cour relève en l'espèce, que la marque Philip Morris est rappelée à plusieurs reprises et de façon particulièrement visible dans la publicité litigieuse, qui a fait l'objet d'une campagne nationale, par nature extrêmement onéreuse et dépassant de toute évidence les capacités de financement ordinaire d'un simple club de soutien à l'art cinématographique ; que la Cour est convaincue que la notoriété mondiale du nom du fabricant de cigarettes Philip Morris, quelles que puissent être par ailleurs ses activités dans le secteur agro-alimentaire, ne pouvait manquer de susciter dans l'esprit des lecteurs un rapprochement avec le tabac et que, sous couvert d'un soutien à l'art cinématographique, était ainsi réalisée une publicité clandestine en faveur de ce produit, par l'intermédiaire d'un club alibi Espace Cinéma, simple émanation de Philip Morris ;
" alors que la Cour, qui, se fondant exclusivement sur le caractère nécessairement onéreux, selon elle, de la publicité en cause, a ainsi supposé, en l'absence de toute autre circonstance, que l'emploi de l'appellation Philip Morris ne pouvait manquer d'évoquer les cigarettes de la même marque, en se refusant, sans davantage d'explications, à prendre en considération le fait que cette appellation était également le nom d'une société ayant également un important secteur agro-alimentaire, n'a pas, en l'état de ces motifs totalement hypothétiques, caractérisé l'existence d'une publicité indirecte au sens de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1991 " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par ces mêmes demandeurs et pris de la violation de la loi des articles 12 de la loi du 10 janvier 1991, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité pénale de Jacques X... ;
" aux motifs que du fait de l'abrogation de l'article 14 de la loi du 9 juillet 1976, définissant les personnes pénalement responsables à raison d'infractions à la publicité en faveur du tabac par voie de presse, il convient d'appliquer les règles de droit commun d'imputabilité de la responsabilité pénale ; que dès lors, sont auteurs d'une infraction toutes les personnes qui ont concourus à la réalisation de ces éléments constitutifs ; qu'en l'espèce, tel est le cas de Jacques X..., gérant de la SARL " Le Monde ", qui, en sa qualité de directeur de publication, a personnellement participé à la diffusion de la publicité illicite ; qu'en effet, la Cour est convaincue que sans son intervention, cette publicité, dont il a nécessairement eu connaissance, compte tenu de son importance, n'aurait pas été diffusée au public de ses lecteurs ;
" alors qu'en retenant ainsi la responsabilité pénale de Jacques X... sur le seul fondement de sa qualité de directeur de publication, dont elle prétend déduire de manière tout aussi hypothétique qu'il est nécessairement intervenu dans la diffusion de la publicité incriminée, la Cour, qui, au demeurant, ne relève aucun fait matériel de nature à établir cette intervention, a par là-même méconnu les conséquences résultant de l'abrogation par la loi du 10 janvier 1991 de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1976 et s'opposant à ce que, dorénavant, une présomption de responsabilité puisse être retenue en la matière à l'encontre des directeurs de publication " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Claude Z... et la société Télérama et pris de la violation des articles 2, 3, 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976, 3- II, 4 et 5 de la loi du 10 janvier 1991, 112-1, 121-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z..., président-directeur général de la société Télérama, coupable d'infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 en qualité d'auteur principal ;
" aux motifs que l'article 5 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 199 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme a abrogé l'article 14 de la loi du 9 juillet 1976, en matière d'infraction à la publicité en faveur du tabac par voie de presse, se référant aux règles spécifiques de l'article 285 du Code pénal quant à la détermination des personnes pénalement responsables ;
" que, dès lors, il convient d'appliquer en matière d'infraction à la loi du 9 juillet 1976 les règles de droit commun applicables en matière d'imputabilité de la responsabilité pénale ;
" que sont auteurs d'une infraction toutes les personnes qui ont concouru à la réalisation de ses éléments constitutifs ;
" que tel est bien le cas en l'espèce de Claude Z..., président-directeur général de Télérama qui en sa qualité de dirigeant de la société éditant et publiant les journaux concernés et de directeur de cette publication a personnellement participé à la diffusion de la publicité illicite ;
" que la Cour est convaincue que sans son intervention, cette publicité dont il a nécessairement eu connaissance, compte tenu de son importance, n'aurait pas été diffusée au public de ses lecteurs ;
" qu'ainsi Claude Z... s'est rendu coupable de l'infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, n'ont pas en tant que complice comme l'a retenu à tort le jugement déféré qui doit être réformé sur ce point, mais en qualité d'auteur principal (arrêt p. 11) ;
" alors que l'article 5 de la loi du 10 juillet 1991 relative à la lutte contre le tabagisme ayant abrogé l'article 14 de la loi du 9 juillet 1976, aux termes duquel, lorsqu'une infraction aux dispositions de ce texte était commise par la voie de la presse, les poursuites devaient être exercées contre le directeur de la publication, ce dernier ne peut plus être poursuivi pour infraction aux dispositions relatives à la publicité pour les produits autres que le tabac et les produits du tabac ;
" que, dès lors, en déclarant Claude Z..., président-directeur général de la société Télérama, coupable du délit prévu par les articles 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Sur le second moyen de cassation proposé par ces mêmes demandeurs et pris de la violation des articles 2, 3, 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976, 3- II, 4 et 5 de la loi du 10 janvier 1991, 121-3 du nouveau Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude Z... coupable d'infraction à l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 8 de la loi n° 76-616 du 9 juillet, relative à la lutte contre le tabagisme, dans les cas où elle est autorisée, la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac ne peut comporter d'autres mentions que la dénomination du produit, la composition, le nom et l'adresse du fabricant et le cas échéant du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque ;
" que l'infraction aux dispositions de l'article 8 de la loi précitée est constituée dès lors qu'une publicité, même déguisée, est effectuée en faveur du tabac, sous quelque forme qu'elle se présente ;
" que, durant la période intermédiaire du 10 janvier 1991 au 1er janvier 1993, le contenu des publicités directes ou indirectes, autorisées dans certains supports telle que la presse écrite jusqu'au 1er janvier 1993, est resté soumis aux règles édictées par l'article 8 non modifié de la loi du 9 juillet 1976 ;
" qu'en effet, l'article 9 de la loi du 10 janvier 1991 fixe au 1er janvier 1993 la date d'abrogation de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 ;
" que l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 comme l'article 3 nouveau dans la rédaction de la loi du 10 janvier 1991 ne fait que donner une définition de la publicité indirecte qui n'est restée licite, jusqu'au 1er janvier 1993, dans les supports autorisés, que sous réserve du respect des règles édictées par l'article 8 ;
" que l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976, resté en vigueur jusqu'au 1er janvier 1993, se borne à énumérer les supports interdits à la publicité en faveur du tabac sans pour autant permettre, dans les supports autorisés, une publicité indirecte contraire aux règles édictées par l'article 8 de la même loi ;
" que la Cour relève, en l'espèce, que la marque Philip Morris est rappelée à plusieurs reprises et de façon particulièrement visible dans la publicité litigieuse qui a fait l'objet d'une campagne nationale par nature extrêmement onéreuse et dépassant de toute évidence les capacités de financement ordinaires d'un simple club de soutien à l'art cinématographique ;
" que la Cour est convaincue que la notoriété mondiale du nom du fabricant de cigarettes Philip Morris, quelles que puissent être par ailleurs ses activités dans le secteur agro-alimentaire, ne pouvait manquer de susciter dans l'esprit des lecteurs un rapprochement avec le tabac et que, sous couvert d'un soutien à l'art cinématographique, était ainsi réalisée une publicité clandestine en faveur de ce produit par l'intermédiaire d'un club alibi " Espace Cinéma ", simple émanation de Philip Morris ;
" que la Cour observe au surplus que cette publicité, représentant notamment, dans un cadre valorisant, sur fond de ciel bleu et de branches de palmier, deux drapeaux flottant au vent, dont l'un reproduit l'emblème de la marque Philip Morris, contrevient manifestement aux dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, en vigueur au moment des faits, qui n'autorisait d'autre représentation graphique que celle du produit, de son emballage et de l'emblème de la marque (arrêt p. 9 et 10) ;
" que Claude Z..., en sa qualité de dirigeant de la société éditant et publiant le journal Télérama a personnellement participé à la diffusion de la publicité illicite ;
" que la Cour est convaincue que sans son intervention, cette publicité dont il a nécessairement eu connaissance, compte tenu de son importance, n'aurait pas été diffusée au public de ses lecteurs (arrêt p. 11 alinéas 5 et 6) ;
" 1o) alors que si, dans sa rédaction issue de l'article 3- II de la loi du 10 janvier 1991, applicable dès l'entrée en vigueur de cette loi, l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976 interdit dans certains supports la publicité même indirecte en faveur du tabac et des produits du tabac, l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, non modifié aux termes duquel la publicité dans les supports autorisés doit être limitée à la dénomination de produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant, du distributeur ainsi qu'à la représentation de l'emballage du produit et de l'emblème de la marque ne peut concerner que la publicité directe en faveur du tabac ou des produits du tabac et non la publicité indirecte qui, selon l'article 4 de la loi du 10 janvier 1991, porte nécessairement sur un service ou sur un produit autre que le tabac ou un produit du tabac ;
" que, dès lors, en estimant que la publicité litigieuse, qui fait la promotion du Club Espace Cinéma Philip Morris, à l'occasion du festival international de Cannes, tomberait sous le coup de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
" 2o) alors qu'aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994 et immédiatement applicable aux faits n'ayant pas à cette date donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ;
" que dès lors, en se bornant à relever que le demandeur aurait eu connaissance de la publicité litigieuse et aurait personnellement participé à sa diffusion, sans rechercher si en publiant celle-ci ou en donnant l'ordre de publication, Z... savait que le message publicitaire destiné à la promotion du 45e festival international de Cannes, susciterait, dans l'esprit des lecteurs, un rapprochement avec le tabac et, partant, caractériserait une publicité indirecte illicite en faveur du tabac ou d'un produit du tabac, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé dans les mêmes termes par Claire A..., épouse B... :
Sur le premier moyen de cassation proposé par Serge Y... et la Société nouvelle de presse et de communication, et pris de la violation des articles 2, 3, 8 et 12 de la loi du 9 juillet 1976 :
" en ce que la décision attaquée a condamné Serge Y... en tant qu'auteur principal d'une infraction prévue et réprimée par les articles 8 et 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 8 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, relatif à la lutte contre le tabagisme, dans le cas où elle est autorisée, la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits de tabac ne peut comporter d'autre mention que la dénomination du produit, la composition, le nom et l'adresse du fabricant et le cas échéant du distributeur, ni d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit de son emballage et de l'emblème de la marque ; que l'infraction aux dispositions de l'article 8 de la loi précitée est constituée dès lors qu'une publicité, même déguisée, est effectuée en faveur du tabac, sous quelque forme qu'elle se présente ; que durant la période intermédiaire du 10 janvier 1991 au 1er janvier 1993, le contenu des publicités directes ou indirectes autorisées dans certains supports tels que la presse écrite, jusqu'au 1er janvier 1993, est resté soumis aux règles édictées par l'article 8 non modifié de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 ; qu'en effet, l'article 9 de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 fixe au 1er janvier 1993 la date d'abrogation de l'article 8 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 ; que l'article 3 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, comme l'article 3 nouveau dans sa rédaction de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, ne fait que donner une définition de la publicité indirecte qui n'est licite, jusqu'au 1er janvier 1993 dans les supports autorisés, que sous réserve des règles édictées par l'article 8 de la même loi ; que sous couvert d'un soutien de l'art cinématographique a été réalisée en l'espèce une publicité clandestine en faveur du tabac par l'intermédiaire d'un club alibi, Espace Cinéma, simple émanation du club Philip Morris ;
" alors que la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, interdisait dans son texte d'origine la publicité en faveur du tabac dans un certain nombre de supports, que la presse n'était pas au nombre des supports dans lesquelles la publicité était interdite ; que l'article 8 de la loi stipulait un certain nombre de contraintes auxquelles la publicité directe en faveur du tabac était soumise ; qu'une loi du 10 janvier 1991 a modifié l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976 pour interdire désormais toute propagande ou publicité directe ou indirecte en faveur du tabac dans les supports ou la publicité directe était d'ores et déjà interdite ; qu'il en résulte que la publicité indirecte n'était pas interdite dans les organes où elle était prohibée jusqu'à l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'elle ne pouvait davantage être interdite dans les organes où elle était autorisée par la loi ; que, dès lors, en considérant que la publicité indirecte était prohibée dès avant l'entrée en vigueur de la loi de 1991, la décision attaquée a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que par définition même, une publicité indirecte, lorsqu'elle était autorisée, ne pouvait être soumise aux dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 qui, par définition même ne concernait que les publicités directes en raison de la nature des indications devant être apposées en vertu de l'article 8 sur les publicités " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par les mêmes demandeurs et pris de la violation des articles 2, 8, 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, des articles 485, 596 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré que la publicité litigieuse constituait une publicité indirecte en faveur du tabac ;
" aux motifs que la Cour en l'espèce, relève que la marque Philip Morris est rappelée à plusieurs reprises et de façon particulièrement visible dans la publicité litigieuse qui a fait l'objet d'une campagne nationale par nature extrêmement onéreuse, et dépassant, de toute évidence, les capacités de financement ordinaire d'un simple club de soutien à la cinématographie ; que la Cour est convaincue que la notoriété mondiale du fabricant de cigarettes Morris, quelles que puissent être par ailleurs ses activités dans le secteur agro-alimentaire, ne pouvait manquer de susciter dans l'esprit des lecteurs un rapprochement avec le tabac, et que, sous couvert d'un soutien à l'art cinématographique, était ainsi réalisée une publicité clandestine en faveur de ce produit, par l'intermédiaire d'un club " alibi Espace Cinéma " simple émanation de Philip Morris ; que la Cour observe au surplus que cette publicité, représentant notamment, dans un cadre valorisant sur fond de ciel bleu et de branches de palmiers, de drapeaux flottants au vent dont l'un reproduit l'emblème de la marque Philip Morris, contrevient manifestement aux dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 en vigueur au moment des faits et qui n'autorisaient d'autres représentations graphique ou photographique que celles du produit de son emballage et de l'emballage de la marque ;
" alors, d'une part, que toute décision doit être motivée ; que la décision attaquée qui affirme, sans justification aucune et sans que cela ait du reste été allégué dans les conclusions du comité d'action contre le tabagisme, que la publicité dépasserait les ressources d'un club de soutien à l'art cinématographique et se contente d'affirmer que la Cour est convaincue que " la notoriété mondiale du nom du fabricant de cigarettes Philipp Morris quelles que puissent par ailleurs être ses activités dans le secteur agro-alimentaire ne pouvait manquer de susciter dans l'esprit du lecteur un rapprochement avec le tabac ", sans indiquer d'où la Cour tire sa conviction, est à l'évidence insuffisamment motivée ;
" alors, d'autre part que lorsqu'un groupe qui a des activités importantes dans divers domaines et est connu sous un nom déterminé, a parmi ses activités, la fabrication de cigarettes, diffusée sous le nom du groupe, il ne saurait être permis d'interdire dans une publicité pour une des activités du groupe l'utilisation du nom de celui-ci, sous prétexte qu'il constitue également le nom d'une marque de cigarettes " ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par les mêmes demandeurs, et pris de la violation de l'article 5 de la loi du 10 janvier 1991, de l'article 485 du Code pénal, de l'article 121-1 du Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré Serge Y... responsable pénalement du délit retenu de publicité interdite en faveur du tabac ;
" aux motifs que sont auteurs d'une infraction toutes les personnes qui ont concouru à la réalisation de ses éléments constitutifs ; que tel est bien le cas de Claire A..., président du Club Espace Cinéma Philip Morris pour le compte duquel la publicité litigieuse a été publiée, et qui a, à ce titre, la qualité d'annonceur ; que tel est également le cas de Claude Z..., président-directeur général de Télérama SA, Serge Y..., gérant de SNPC et Jacques X..., gérant de la SARL Le Monde, qui, en leur qualité de dirigeants des sociétés éditant et publiant les journaux concernés et de directeur dans ces publications, ont personnellement participé à la diffusion de la publicité illicite ; que la Cour est en effet convaincue que dans leur intervention, cette publicité dont ils ont eu nécessairement connaissance, compte tenu de son importance, n'aurait pas été diffusée au public de leurs lecteurs ;
" alors que, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que le dirigeant d'une entreprise n'est pas sauf lorsque sa responsabilité est établie par un texte spécial, responsable pénalement de toutes les infractions commises au sein de l'entreprise ; qu'un chef d'entreprise ne peut être déclaré responsable, notamment en ce qui concerne une publicité illégale en faveur du tabac, que dans la mesure où sa participation personnelle au fait de publication est établie ; qu'en l'espèce actuelle, la simple affirmation que la Cour est convaincue que sans l'intervention de Serge Y..., gérant de la Société nouvelle de presse et de communication et directeur de la publication, la publicité litigieuse dont il a eu nécessairement connaissance en raison de son importance, elle n'aurait pas été diffusée au public des lecteurs du journal Libération sans son intervention, est insuffisante pour établir une participation personnelle au fait litigieux ;
" alors, d'autre part, que le délit de publicité illicite est un délit de commission, et que la simple connaissance que le demandeur aurait eu de la publicité, est insuffisante pour établir la participation de Serge Y... à la publication " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion du 45e festival international du film, à Cannes, dont il se présentait comme le " partenaire officiel ", le " Club Espace Cinéma Philip Morris " a fait paraître, les 7 et 9 mai 1992, dans l'hebdomadaire " Télérama " et les journaux " Le Monde " et " Libération ", une publicité destinée à promouvoir cette manifestation, et représentant deux drapeaux flottant au vent sur la croisette, dont l'un marqué de l'emblème de la marque de cigarettes Philip Morris ;
Qu'à la suite de ces faits, Claire A..., épouse B..., présidente du club, Claude Z..., Jacques X... et Serge Y..., directeurs de publication des organes de presse susvisés, ont été cités pour publicité indirecte en faveur du tabac, sur le fondement des articles 3 et 12 de la loi du 9 juillet 1976 dans leur rédaction alors applicable avec les sociétés d'édition Télérama, Le Monde et SNPC, prises comme civilement responsables ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits visés à la prévention, les juges du second degré relèvent que la publicité litigieuse, qui vient apparemment au soutien de l'art cinématographique, n'a été que le prétexte, par le rappel de l'emblème d'une marque de cigarettes connue, d'une propagande indirecte en faveur du tabac ; qu'ils énoncent que cette publicité, qui contrevient aux dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976, est illégale ;
Que les juges ajoutent que l'annonceur, Claire A..., pour le compte de qui elle a été réalisée, et les directeurs de publication des organes de presse ayant servi de support, qui ont accepté de la diffuser, ne pouvaient ignorer son illicéité manifeste ;
Attendu qu'en l'état des ces motifs, et dès lors qu'à la date de parution de l'encart incriminé, la publicité autorisée en faveur du tabac, qu'elle soit directe ou indirecte, demeurait soumise aux dispositions de l'article 8 de la loi du 8 juillet 1976, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ;
Qu'en effet, la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal ;
Que les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Serge Y... et la SNCP pris de la violation des articles 3 et 6 du Code de procédure pénale, des articles 2 à 8, 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a condamné, par adoption de motifs des premiers juges, Serge Y... et la SNPC à payer au Comité national d'action contre le tabagisme, une somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs que le Comité national contre le tabagisme, reconnu d'utilité publique déploie, pour la sauvegarde de la santé des efforts constants en procédant notamment à de nombreuses campagnes d'information tendant à lutter contre les méfaits du tabac ; qu'il a subi, du fait des infractions commises un préjudice certain, direct et personnel lui ouvrant droit à des réparations civiles ;
" alors que si les associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le tabagisme, régulièrement déclarées depuis au moins 5 ans à la date des faits, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions de la loi du 9 juillet 1976, des dommages-intérêts ne peuvent leur être alloués que si elles ont subi un préjudice direct du fait de l'infraction ; que les juges du fond doivent préciser la nature dudit préjudice et caractériser son lien direct avec l'infraction ; que la seule affirmation que le Comité national contre le tabagisme est reconnu d'utilité publique et déploie pour la sauvegarde de la santé des efforts constants en procédant à de nombreuses campagnes d'information tendant à lutter contre les méfaits du tabac ne suffit pas à justifier le fait qu'il ait subi un préjudice direct et personnel prenant directement sa source dans l'infraction " ;
Attendu qu'en déclarant recevable et bien fondée, par les motifs repris au moyen, l'action civile du Comité national contre le tabagisme, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Qu'en effet, en raison de la spécificité de son but et de l'objet de sa mission, cette association, qui tient de l'article 18 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, devenu l'article L. 355-32 du Code de la santé publique, le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions aux dispositions de cette loi, subit nécessairement un préjudice direct et personnel du fait de la publicité illicite en faveur du tabac ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-83386
Date de la décision : 30/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RESPONSABILITE PENALE - Intention coupable - Définition - Violation volontaire d'une prescription légale ou réglementaire.

1° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Propagande ou publicité - Publicité illicite en faveur du tabac - Elément moral.

1° La seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal. Tel est le cas du délit de la publicité illicite en faveur du tabac(1)(1).

2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Association - Association de lutte contre le tabagisme - Infractions à la loi du 9 juillet 1976 modifiée - Préjudice.

2° SANTE PUBLIQUE - Tabagisme - Lutte contre le tabagisme - Infractions à la loi du 9 juillet 1976 modifiée - Action civile - Recevabilité - Association de lutte contre le tabagisme.

2° En raison de la spécificité de son but et de l'objet de sa mission, le Comité national de lutte contre le tabagisme, association qui tient de l'article 18 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée devenu l'article L. 355-32 du Code de la santé publique le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, subit nécessairement un préjudice direct et personnel du fait de la publicité illicite en faveur du tabac(2).


Références :

1° :
2° :
Code de la santé publique L355-32
Code pénal 121-3, al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 juin 1994

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-05-25, Bulletin criminel 1994, n° 203, p. 474 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1994-12-14, Bulletin criminel 1994, n° 415 (2), p. 1010 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1994-06-29, Bulletin criminel 1994, n° 261 (2), p. 644 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 oct. 1995, pourvoi n°94-83386, Bull. crim. criminel 1995 N° 335 p. 969
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 335 p. 969

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Verdun.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Guinard, la SCP Ryziger et Bouzidi, M. Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.83386
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