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24/10/1995 | FRANCE | N°94-11275

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 octobre 1995, 94-11275


Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 1993), que des conteneurs renfermant des sacs de café ont été chargés à Matadi (Zaïre) à bord des navires Suzanne X... puis Rosendra en vue de leur transport par voie maritime par la société navale et commerciale Delmas Z..., aux droits de qui est venue la société maritime X...
Z... (le transporteur maritime) ; que les conteneurs ont été débarqués au port de Livourne (Italie), puis déplacés par chemin de fer jusqu'à Trieste (Italie) où ils ont été réceptionnés le

22 décembre 1986 par la société Romani, agissant pour le compte de la société Bo...

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 1993), que des conteneurs renfermant des sacs de café ont été chargés à Matadi (Zaïre) à bord des navires Suzanne X... puis Rosendra en vue de leur transport par voie maritime par la société navale et commerciale Delmas Z..., aux droits de qui est venue la société maritime X...
Z... (le transporteur maritime) ; que les conteneurs ont été débarqués au port de Livourne (Italie), puis déplacés par chemin de fer jusqu'à Trieste (Italie) où ils ont été réceptionnés le 22 décembre 1986 par la société Romani, agissant pour le compte de la société Bozzo, destinataire ; qu'à la suite de réserves émises par la société Romani, prétendant avoir constaté des avaries aux marchandises, les assureurs du destinataire, dont la compagnie Groupe des assurances nationales était l'apéritrice (les assureurs), subrogés dans ses droits pour l'avoir indemnisé, ont assigné le transporteur maritime en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les assureurs reprochent à l'arrêt de les avoir déboutés, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour faire implicitement bénéficier le transporteur maritime de la présomption de livraison conforme, la cour d'appel a considéré que les réserves prises le 22 décembre 1986 par la société Romani n'étaient pas opposables au transporteur, car celles-ci " manquent de précision et ne mentionnent pas l'origine des avaries " ; que n'étant saisie d'aucun moyen tiré de l'irrégularité formelle des réserves, la cour d'appel a ainsi relevé d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-6 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924, la régularité des réserves est simplement subordonnée à l'envoi d'un avis écrit " des pertes ou dommages et de la nature générale de ces pertes ou dommages " ; qu'en exigeant que les réserves adressées au transporteur mentionnent à peine d'inopposabilité " l'origine des avaries ", la cour d'appel a ajouté au texte et violé l'article 3-6 de la convention précitée ; alors, en outre, qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que des réserves écrites avaient été adressées le 22 décembre 1986 par la société Romani à l'agent du transporteur maritime tandis que les marchandises étaient encore empotées dans les conteneurs, et que ces réserves spécifiaient la nature précise du chargement, le numéro du connaissement et faisaient état de " signes évidents d'avaries et de manipulation " ; qu'en affirmant que ces réserves " manquent de précision " sans s'expliquer sur le contenu des mentions qui auraient ainsi fait défaut à peine de rendre ces réserves inopposables au transporteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; alors, au surplus, qu'ayant expressément relevé que, dans la lettre adressée le 22 décembre 1986 à l'agent du transporteur, la société Romani avait immédiatement invité le transporteur maritime à procéder à un examen contradictoire des marchandises, la cour d'appel ne pouvait ensuite reprocher au destinataire des marchandises de n'avoir pas cru devoir faire procéder à un examen des marchandises en présence du transporteur maritime ; qu'en statuant comme elle a fait la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; alors, de surcroît, qu'ayant relevé que les opérations d'expertise avaient été menées contradictoirement, le 31 décembre 1986, en présence de l'expert mandaté par le transporteur maritime et qu'aucun intervenant n'avait contesté l'origine et l'identification des sacs examinés, la cour d'appel ne pouvait affirmer que la preuve n'avait pas été rapportée de ce que les sacs expertisés étaient bien ceux transportés suivant connaissement n° CD 2 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ; et alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher si, mis à part l'examen des conteneurs, les experts Y... et Godina n'avaient pas personnellement constaté l'existence de 89 sacs avariés, constatation qui rapprochée de l'absence de réserve prise par le transporteur maritime lors de la prise en charge des

marchandises, devait nécessairement avoir pour effet de renverser la charge de la preuve au détriment du transporteur maritime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-6 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que les réserves émises à la livraison par la société Romani ne faisaient état que de " signes évidents d'avaries ", sans donner aucune précision sur la nature générale et l'importance de celles-ci, tandis que le transporteur maritime contestait l'existence de réserves, la cour d'appel, qui devait apprécier la régularité de celles invoquées par les assureurs, n'a pas soulevé d'office le moyen tiré de leur insuffisance, a légalement justifié sa décision à cet égard, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen et en a exactement déduit qu'il incombait aux assureurs de prouver que les dommages allégués existaient dès la livraison et étaient survenus au cours du transport considéré ;

Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve que la cour d'appel a estimé que le constat contradictoire de l'état des marchandises effectué plusieurs jours après la livraison et l'enlèvement des sacs de café des conteneurs ne démontrait pas l'existence des avaries alléguées au moment de la livraison ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche du moyen ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-11275
Date de la décision : 24/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie - Réserves par le réceptionnaire - Réserves imprécises - Portée .

Ayant relevé que les réserves émises à la livraison par le réceptionnaire de marchandises transportées par voie maritime ne faisaient état que de " signes évidents d'avaries ", sans donner aucune précision sur la nature générale et l'importance de celles-ci, une cour d'appel justifie légalement sa décision retenant l'insuffisance de ces réserves et en déduit exactement qu'il incombait aux assureurs, subrogés dans les droits du destinataire pour l'avoir indemnisé, de prouver que les dommages allégués existaient dès la livraison et étaient survenus au cours du transport maritime considéré.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 novembre 1993

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1962-12-10, Bulletin 1962, III, n° 506, p. 417 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 oct. 1995, pourvoi n°94-11275, Bull. civ. 1995 IV N° 257 p. 237
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 257 p. 237

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Rémery.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Delaporte et Briard, M. Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.11275
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