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18/10/1995 | FRANCE | N°94-83119

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 octobre 1995, 94-83119


REJET du pourvoi formé par :
- la société Quick Services, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 8 avril 1994, qui, d'une part, dans les poursuites exercées contre Christian Z..., définitivement condamné pour blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique, a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable, et d'autre part, dans les poursuites exercées sur citation directe contre ce même prévenu, René X... et Bernard Y... pour vol, conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou complicité de ce délit

et dégradations volontaires, l'a, après relaxe définitive des prévenu...

REJET du pourvoi formé par :
- la société Quick Services, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 8 avril 1994, qui, d'une part, dans les poursuites exercées contre Christian Z..., définitivement condamné pour blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique, a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable, et d'autre part, dans les poursuites exercées sur citation directe contre ce même prévenu, René X... et Bernard Y... pour vol, conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou complicité de ce délit et dégradations volontaires, l'a, après relaxe définitive des prévenus, déboutée de ses demandes et condamnée à des dommages-intérêts par application des dispositions de l'article 472 du Code de procédure pénale.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Christian Z..., qui circulait au volant d'un véhicule appartenant à la société Quick Services a provoqué un accident au cours duquel ses deux passagers, René X... et Bernard Y..., ont été blessés ; qu'il a été poursuivi, sur citation du ministère public, pour blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ; que, par ailleurs, la société a fait citer directement les trois occupants du véhicule devant la juridiction correctionnelle des chefs de vol, conduite en état alcoolique et dégradations volontaires, afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et économiques ayant résulté pour elle de l'accident ;
Attendu qu'après avoir ordonné la jonction des procédures, le tribunal a relaxé les trois prévenus des poursuites exercées par la partie civile et condamné Christian Z... pour blessures involontaires aggravées ; que, statuant sur les intérêts civils, il a déclaré la société Quick Services irrecevable à se constituer partie civile dans les poursuites exercées de ce dernier chef, l'a déboutée des demandes fondées sur les autres infractions et condamnée à des dommages-intérêts, par application des dispositions de l'article 472 du Code de procédure pénale ; que seule la partie civile a relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 1 et L. 11-1 du Code de la route, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Quick Services de sa demande de réparation du dommage résultant des infractions de conduite en état d'ivresse et de dégradation volontaire de véhicule dont René X... et Bernard Y... ont été relaxés par le tribunal, et de la dégradation volontaire de véhicule reprochée à Christian Z..., en l'espèce la destruction du véhicule conduit par les trois prévenus et qui lui appartenait ;
" aux motifs que le dommage allégué résultait d'un défaut de maîtrise et que l'infraction de défaut de maîtrise n'a été poursuivie ni par le ministère public ni par la partie civile qu'à défaut d'infraction visant les conséquences matérielles, non corporelles, de l'accident, la partie civile n'est pas recevable dans ses demandes non fondées sur une infraction prétendument existante, mais non poursuivie ;
" alors, d'une part, que le juge correctionnel qui est saisi d'un fait infractionnel et non d'une qualification, peut toujours modifier cette dernière à la condition de ne rien changer aux faits tels qu'ils ont été dénoncés dans les actes de la poursuite ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Quick Services avait fait citer directement les trois prévenus devant le tribunal correctionnel pour qu'ils y répondent des infractions de conduite en état d'ivresse et de dégradation volontaire de véhicule à la suite de la destruction par les prévenus du véhicule lui appartenant ; qu'à supposer que les faits dénoncés ne relèvent pas de la qualification retenue par la citation, il appartenait à la juridiction correctionnelle de rechercher si ces faits n'étaient susceptibles d'aucune autre qualification pénale ; qu'il est constant que la Cour n'a pas procédé à cette recherche de sorte que le rejet d'accueillir la demande en réparation de la société Quick Services est illégal ;
" alors d'autre part, que la Cour qui constate, après le tribunal, que la destruction de véhicule reprochée aux prévenus relevait non pas de la dégradation volontaire, mais était la conséquence d'une infraction de défaut de maîtrise, devait requalifier en défaut de maîtrise l'infraction reprochée à Christian Z... au titre de la dégradation volontaire, retenir au moins à ce titre la responsabilité pénale de celui-ci et le condamner à réparer le dommage subi par la société Quick Services ; qu'en ne procédant pas à cette requalification, la Cour qui a méconnu ses pouvoirs n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Attendu que, pour débouter la partie civile, seule appelante, de sa demande d'indemnisation formée dans les poursuites qu'elle avait exercées sur citation directe, les juges du second degré retiennent qu'elle fonde ses prétentions sur des faits non établis, ou non poursuivis, telle la contravention de défaut de maîtrise ;
Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître ses pouvoirs ;
Qu'en effet, si le juge répressif a le pouvoir et le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable, y compris lorsqu'il statue sur la seule action civile, c'est à la condition qu'il puise les éléments de sa décision dans les faits même dont il est saisi ; que tel n'était pas le cas en l'espèce, les faits poursuivis ne permettant pas de caractériser le défaut de maîtrise allégué par la partie civile ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, L. 1er du Code de la route, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Quick Services à l'effet d'obtenir réparation du dommage résultant du délit de conduite en état d'ivresse dont Christian Z... a été déclaré coupable ;
" aux motifs que la conduite en état d'ivresse à elle seule n'était génératrice d'aucun préjudice particulier ;
" alors que l'action civile est ouverte à toute personne qui invoque un préjudice trouvant directement sa cause dans une infraction au Code de la route ; qu'en l'espèce, il est certain que le préjudice subi par la société Quick Services du fait de la destruction du véhicule lui appartenant et conduite par Christian Z... trouve directement sa cause dans l'infraction de conduite sous l'empire d'un état alcoolique dont ledit Christian Z... a été déclaré coupable ; que, dès lors, c'est à tort que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de la société Quick Services irrecevable " ;
Attendu que, pour déclarer la société Quick Services irrecevable à se constituer partie civile dans les poursuites exercées contre Christian Z... pour blessures involontaires aggravées sur les personnes de ses coprévenus, les juges d'appel, après avoir énoncé que la circonstance de conduite en état alcoolique ne lésait que l'intérêt général, retiennent que la prévention concerne les dommages " causés à une personne, et non à une chose " ;
Qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la partie civile n'était pas la victime directe des blessures involontaires visées à la prévention, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que, sur le seul appel de la partie civile, l'arrêt attaqué a porté à 20 000 francs le montant des dommages-intérêts devant être versé à René X... et à Bernard Y... et à 6 000 francs la somme devant être payée à Christian Z... ;
" alors que la Cour ne peut, sur le seul appel de la partie civile, aggraver le sort de celle-ci ; qu'en l'espèce, il est constant que seule la société Quick Services qui s'était portée partie civile a relevé appel du jugement du 12 octobre 1992, lequel l'avait condamnée à payer aux seuls René X... et Bernard Y... le franc symbolique de dommages et intérêts ; que, dès lors, en l'absence d'appel des prévenus, la Cour a illégalement condamné la partie civile à payer des dommages-intérêts à Christian Z... et augmenter les montants alloués à ce titre à René X... et Bernard Y... " ;
Attendu que l'arrêt attaqué a, sur le seul appel de la partie civile, augmenté le montant des dommages-intérêts que celle-ci avait été condamnée, par les premiers juges, à payer aux prévenus relaxés, pour abus de constitution de partie civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par le tribunal, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ;
Qu'en effet, les dispositions combinées des articles 472 et 515 alinéa 2 du Code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que les juges du second degré élèvent le montant des réparations allouées au prévenu relaxé, sur le seul appel de la partie civile, dès lors qu'ils caractérisent une aggravation du préjudice postérieure au jugement et se rattachant directement à l'abus de constitution de partie civile dont elle est la conséquence et le développement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-83119
Date de la décision : 18/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Appel de la partie civile seule - Disqualification - Pouvoirs des juges - Limites.

1° Si les juges du second degré, saisis, après relaxe du prévenu, du seul appel de la partie civile, ont le pouvoir et le devoir de restituer à la poursuite sa qualification véritable au point de vue des intérêts civils, c'est à la condition qu'ils puisent les éléments de leur décision dans les faits mêmes dont ils sont saisis(1).

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice personnel - Préjudice subi par un autre que la victime de l'infraction - Homicide et blessures involontaires.

2° ACTION CIVILE - Recevabilité - Accident de la circulation - Homicide et blessures involontaires - Action exercée par le propriétaire d'un véhicule pour les blessures involontaires causées à des tiers (non).

2° Selon l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. En conséquence, le propriétaire d'un véhicule endommagé au cours d'un accident de la circulation est irrecevable à se constituer partie civile dans les poursuites qui ne sont exercées contre l'auteur de cet accident que pour les blessures involontaires causées à des tiers(2)(2).

3° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Relaxe du prévenu en première instance - Prévenu acquitté exerçant l'action civile visée à l'article 472 du Code de procédure pénale - Appel exercé par le plaignant abusif - Préjudice souffert par le prévenu acquitté du fait de cet appel - Augmentation des réparations civiles.

3° Les dispositions combinées des articles 472 et 515, alinéa 2, du Code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que les juges du second degré élèvent le montant des réparations allouées au prévenu relaxé, sur le seul appel de la partie civile, dès lors qu'ils caractérisent une aggravation du préjudice postérieure au jugement et se rattachant directement à l'abus de constitution de partie civile dont elle est la conséquence et le développement(3).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code de procédure pénale 2
Code de procédure pénale 2, 3, 388
Code de procédure pénale 472, 515 al2

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 1994

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1960-02-17, Bulletin criminel 1960, n° 92, p. 186 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1977-12-12, Bulletin criminel 1977, n° 391, p. 1039 (rejet et irrecevabilité), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1990-10-18, Bulletin criminel 1990, n° 345, p. 875 (rejet). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-10-18, Bulletin criminel 1993, n° 296, p. 743 (rejet et cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 oct. 1995, pourvoi n°94-83119, Bull. crim. criminel 1995 N° 312 p. 857
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 312 p. 857

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Simon, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Verdun.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.83119
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