CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Philippe, partie civile,
contre l'arrêt n° 129 de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 15 février 1994, qui, dans la procédure suivie contre François Y... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a relaxé le prévenu et débouté la partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 31, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 385, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé François Y... des fins de la poursuite et déclaré Philippe X... irrecevable en sa constitution de partie civile du chef de diffamation publique à l'encontre d'un citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs que la Cour constate que, dans ses écritures déposées à l'audience du premier juge, le 14 janvier 1993 (sous double visa légal, et cotées D 5), la partie civile (qui n'avait pas frappé d'appel l'ordonnance de renvoi du prévenu) n'avait pas critiqué l'étendue de ce renvoi, ni les termes y figurant, et que le représentant du ministère public près le premier juge, n'avait pas non plus, critiqué cette ordonnance de renvoi ;
" elle déduit de ces constatations, que ni l'un, ni l'autre des deux appelants ne peut légalement saisir la Cour, pour la première fois, d'une exception de nullité de procédure, alors que ni l'un, ni l'autre n'en avait saisi, avant tout débat au fond, le premier juge, et que, par conséquent, en application de l'article 385 du Code de procédure pénale, l'un et l'autre sont irrecevables à le faire quant à présent (arrêt p. 6, § 2 et 3) ;
" alors qu'en matière de presse, le réquisitoire introductif pris en application de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et la plainte assortie d'une constitution de partie civile, avec laquelle il se combine, fixent irrévocablement les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre, tant devant le juge d'instruction qu'éventuellement devant la juridiction de jugement, et délimitent définitivement la poursuite ; que, dans ses conclusions d'appel, Philippe X... avait rappelé ce principe, rappel qui ne pouvait être assimilé à une exception de nullité de l'ordonnance de renvoi qui avait limité le débat à cinq citations ; qu'en faisant application à l'espèce de l'article 385 du Code de procédure pénale, application qui n'avait pas lieu d'être, la Cour a violé ce texte ainsi que ceux susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière de presse, le réquisitoire introductif pris en application de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et la plainte assortie d'une constitution de partie civile, avec laquelle il se combine lorsqu'elle répond aux exigences dudit article, fixent irrévocablement les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre, tant devant le juge d'instruction qu'éventuellement devant la juridiction de jugement, et délimitent définitivement la poursuite ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Philippe X..., maire de la commune du Plessis-Robinson, a porté plainte avec constitution de partie civile contre François Y..., directeur de la publication du journal Le Plessis 7 jours, en raison de sa mise en cause, dans le numéro 392 dudit journal, daté du 18 octobre 1991 ; que la plainte a articulé les propos incriminés en page une, trois, cinq et sept du journal, les a qualifiés de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, et a visé les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que le réquisitoire introductif se référant à la plainte s'est borné à qualifier les faits et à viser les mêmes textes de loi ; qu'à l'issue de l'information, le juge d'instruction a renvoyé François Y... devant le tribunal correctionnel, en relevant dans la prévention les seuls termes suivants :
" Empêcher le crime écologique contre Le Plessis-Robinson... X... met la ville à l'encan... Il ne connaît qu'une loi, celle des promoteurs et de la spéculation immobilière... S'il n'en reste qu'un... comme un fou ayant besoin de se faire soigner " ;
Attendu que, pour confirmer, sur les appels de la partie civile et du ministère public, le jugement ayant relaxé le prévenu et débouté la partie civile, l'arrêt attaqué énonce que la saisine de la juridiction correctionnelle a été limitée par l'ordonnance de renvoi à cinq membres de phrases, que les appelants ne sont pas recevables à critiquer l'étendue de cette saisine, en application de l'article 385 du Code de procédure pénale, et que les propos retenus ne sont pas diffamatoires envers le plaignant ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la nature, l'étendue et l'objet de la poursuite ne pouvaient être modifiés par l'ordonnance de renvoi, fût-elle définitive, et que les juges avaient l'obligation d'examiner l'intégralité des propos articulés dans l'acte initial de la poursuite, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
Que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 15 février 1994, en ses seules dispositions concernant l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.