Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., salarié de la société Marcel France, a été victime d'un accident du travail le 18 juin 1986 ; qu'aucune enquête n'a été diligentée par la Caisse ; que le tribunal correctionnel, par jugement du 22 novembre 1989 dont il n'a pas été relevé appel, a condamné le responsable de la société pour blessures involontaires ; qu'une procédure amiable, ouverte le 24 novembre 1989, s'est soldée par un échec le 18 octobre 1990 ; que M. X... a saisi le 19 octobre 1990 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 7 octobre 1992) d'avoir dit sa demande irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen, d'une part, que les circulaires administratives n'obligent que les fonctionnaires auxquels elles sont adressées et ne sauraient imposer aux juges le sens et la portée des textes qu'elles interprètent ; qu'en se fondant, dès lors, sur une circulaire ministérielle en date du 15 mars 1990 pour estimer prescrite l'action de M. X... tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur sans rechercher le sens du texte et donner sa propre interprétation, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, et, partant, a violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et L. 431-2 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, que les règles de procédure sont d'application immédiate ; que la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 a ajouté à l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale un alinéa ainsi rédigé : " toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de 2 ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visées aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits " ; que ce texte étant d'application immédiate, l'instance pénale introduite dans un délai de 2 ans à compter de l'accident, et ayant abouti à un jugement en date du 22 novembre 1989, avait nécessairement interrompu la prescription, laquelle avait recommencé à courir à compter de la date à laquelle le jugement était devenu définitif, de sorte que M. X... se trouvait bien à l'intérieur du délai au moment où il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en déclarant néanmoins son action prescrite, motif pris de ce qu'au moment de la publication de la loi, aucune instance n'était en cours, la cour d'appel a violé l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale ; et alors, enfin, que le délai de prescription est suspendu tant que la caisse primaire n'a pas informé le salarié victime de l'échec de la tentative de conciliation ; qu'en estimant dès lors qu'aucune instance n'était en cours au moment de la publication de la loi, tout en constatant que le 24 novembre 1989, le salarié avait saisi la caisse primaire d'assurance maladie de l'organisation de la procédure amiable, sans rechercher si, au moment de la publication de la loi, la Caisse lui avait notifié l'échec de cette procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en l'absence d'une volonté contraire expressément affirmée, la loi nouvelle ne pouvait produire effet que pour l'avenir, sans remettre en cause la prescription définitivement acquise au jour de son entrée en vigueur ; que la cour d'appel, qui ne s'est référée qu'à titre surabondant à la circulaire ministérielle visée à la première branche du moyen, et qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche mentionnée à la troisième branche de celui-ci dès lors qu'elle l'estimait inopérante, a retenu qu'à défaut d'enquête consécutive à l'accident, le délai de prescription avait commencé à courir, en application de l'article L. 431-2, alinéa 1er, 1°, du Code de la sécurité sociale, à compter du 18 juin 1986, jour de cet accident, et qu'il avait expiré le 18 juin 1988, la procédure de conciliation étant intervenue trop tardivement pour qu'elle ait pu le suspendre ; que la cour d'appel a, dès lors, décidé à bon droit que les dispositions législatives nouvelles ne pouvaient faire revivre une action prescrite avant leur entrée en vigueur ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.