CASSATION sur le pourvoi formé par :
- la Société Gaumont Columbia Tri Star Home Video, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 2 mars 1994, qui, dans les poursuites exercées contre Farid X... pour contrefaçon, a déclaré sa constitution de partie civile irrecevable.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 593 du Code de procédure pénale (manque de base légale, défaut de motifs) :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société Gaumont et a jugé sans objet l'action formée à l'encontre de la société Vidéo Distribution Maintenance, en tant que civilement responsable ;
" aux motifs que il est établi que Farid X... a copié une cassette de première génération exclusivement à l'intention de son neveu, il s'agissait d'une copie VHS, ce qui signifie que chaque nouvelle génération entraîne une perte de courant d'écritures et que très rapidement les cassettes dupliquées ne sont quasiment plus lisibles, d'ailleurs seulement 6 cassettes dupliquées ont été saisies à la suite de la copie effectuée par Farid X... et ce uniquement en milieu scolaire, aucune cassette ne s'est trouvée dans le milieu commercial vidéoclub et grandes surfaces de vente, au surplus lesdites cassettes étaient nécessairement time-codées, donc invendables, inlouables et utilisables exclusivement par des lycéens qui ont eu accès ;
" dès lors, les actes de piratages considérables et certes préjudiciables à la société appelante n'ont aucun lien suffisamment établi avec les faits dont Farid X... a été reconnu coupable, en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit qu'il n'existait aucun lien direct entre l'infraction et le préjudice allégué par la société Gaumont Columbia Tri Star Vidéo ;
" alors, d'une part, que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage trouvant sa source dans l'infraction poursuivie si bien qu'en constatant l'existence d'actes isolés de contrefaçon par reproduction illicite, commis au détriment de la société Gaumont par le prévenu, les juges d'appel ne pouvaient, sans se contredire, déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'exposante et refuser d'examiner le préjudice subi, au moins au regard des faits précis dont il s'était rendu coupable ;
" alors, d'autre part, qu'en énonçant qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué par la société Gaumont et l'infraction poursuivie, pour juger irrecevable la constitution de partie civile de la plaignante, les juges d'appel n'ont pas répondu aux écritures de la société Gaumont, qui faisait valoir que la diffusion en cascade du film Terminator II parmi les écoliers et lycéens, résultant directement de la reproduction illicite de la cassette par X... et de son dessaisissement volontaire au profit de tiers, en leur abandonnant ainsi la maîtrise de la reproduction, avait eu pour conséquence la mise à disposition du film à un public jeune, constituant essentiellement la clientèle potentielle du titulaire des droits " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu, en outre, que les juges doivent réparer le préjudice découlant de l'infraction ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Farid X..., salarié d'un laboratoire de duplication de film, a effectué sur son lieu de travail une copie sur cassette vidéo du film " Terminator II ", alors inédit sur ce support, pour l'offrir à son neveu âgé de 10 ans ; qu'il a définitivement été condamné pour contrefaçon ;
Attendu que la société Gaumont Columbia " Tri Star Home Vidéo ", titulaire des droits d'exploitation vidéographique de ce film, s'est constituée partie civile pour obtenir du prévenu et de son employeur en qualité de civilement responsable la réparation du dommage résultant de la contrefaçon ; que pour la déclarer irrecevable en sa constitution, la cour d'appel énonce que le préjudice commercial de plus de 6 millions de francs allégué par la partie civile, découlant d'actes de piratage de grande envergure, ne présente aucun lien avec les agissements du prévenu, la cassette contrefaite, insusceptible d'être commercialisée, n'ayant reçu qu'une diffusion restreinte en milieu scolaire ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les juges du second degré ne pouvaient sans se contredire déclarer le prévenu coupable des faits poursuivis et dire la constitution de partie civile irrecevable, l'affirmation de l'existence du préjudice souffert par la partie civile résultant de la constatation de la contrefaçon, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, du 2 mars 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les partie devant la cour d'appel de Paris.