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08/06/1995 | FRANCE | N°94-84386

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1995, 94-84386


REJET des pourvois formés par :
- X... Antoine,
- Y... Hervé,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 23 août 1994, qui a condamné le premier à 25 000 francs d'amende pour exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique et usurpation de titre, le second à 15 000 francs d'amende pour usurpation de titre, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen

de cassation proposé en faveur d'Antoine X..., pris de la violation de l'article 6 ...

REJET des pourvois formés par :
- X... Antoine,
- Y... Hervé,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 23 août 1994, qui a condamné le premier à 25 000 francs d'amende pour exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique et usurpation de titre, le second à 15 000 francs d'amende pour usurpation de titre, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé en faveur d'Antoine X..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaissance de la présomption d'innocence, violation de l'article 66-2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :
" en ce que l'arrêt attaqué a, par voie de confirmation, déclaré Antoine X... coupable d'avoir contrevenu aux dispositions légales régissant les consultations et la rédaction d'actes sous seing privé en matière juridique ;
" aux motifs adoptés qu'Antoine X... a reconnu avoir agi dans le cadre d'un mandat et non d'un contrat de travail ;
" et aux motifs propres qu'Antoine X... aurait reconnu donner des conseils juridiques et rédiger des actes, sans prétendre qu'ils étaient limités au droit de la propriété industrielle ;
" alors que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; que, dès lors, c'est à cette dernière qu'il appartient d'établir que la délivrance de conseils juridiques et la rédaction des actes n'étaient pas limités à la propriété industrielle, et ce d'autant qu'Antoine X... s'était prévalu, en cause d'appel, de son inscription sur la liste des personnes qualifiées en propriété industrielle, impliquant la fourniture de consultations juridiques et la rédaction d'actes sous seing privé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte visé au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et du jugement qu'il confirme qu'Antoine X... a reconnu donner à sa clientèle des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé en qualité de " juriste d'entreprise ", et qu'il a demandé le 24 juillet 1992 son inscription sur la liste spéciale prévue par l'article L. 422-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, pour déclarer, par application de l'article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, Antoine X... coupable d'avoir, de janvier à octobre 1992, exercé illégalement l'activité de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique, les juges relèvent qu'il ne pouvait se prévaloir de la qualité de juriste d'entreprise, puisqu'il agissait dans le cadre de mandats donnés par ses clients et non en exécution d'un contrat de travail, et que, contrairement à ses conclusions d'appel, il n'a pas prétendu limiter son intervention au droit de la propriété industrielle ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que, dès lors, le moyen, inopérant en ce qu'il invoque en qualité de conseil en propriété industrielle, dont l'intéressé, ne justifiait pas à l'époque des faits poursuivis et mal fondé pour le surplus, ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé en faveur d'Antoine X..., pris de la violation de l'article 74 modifié de la loi du 31 décembre 1971, de l'article 259 du Code pénal, devenu l'article 433-17 du nouveau Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, par voie de confirmation, déclaré Antoine X... coupable d'avoir abusé du titre de juriste d'entreprise et, en répression, l'a condamné à la peine de 25 000 francs d'amende ; que les faits reprochés à X... comportaient tous les éléments de l'infraction visée à l'article 74 modifié de la loi du 31 décembre 1971 ;
" alors que l'article 74 modifié de la loi du 31 décembre 1971 s'applique lorsque le prévenu a fait sciemment usage d'un titre dans le dessein de créer dans l'esprit du public une confusion avec celui de conseil juridique ; qu'en l'espèce, X... affirmait expressément, dans ses conclusions d'appel, avoir utilisé le titre de " juriste d'entreprise " en toute bonne foi, sans intention de nuire et sans intention coupable ; que, dès lors, en ne recherchant pas si X... avait agi sciemment dans le dessein de créer une confusion dans l'esprit du public, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé en faveur d'Hervé Y..., pris de la violation des articles 74 modifié de la loi du 31 décembre 1971, 259 de l'ancien Code pénal, et 111-4 et 121-3 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé Y... coupable d'usurpation de titre ;
" aux motifs que l'usage sans droit du titre, du diplôme, de la qualité, peut se faire par écrit, ainsi que dans des lettres à en-tête ou verbalement ou encore par des actes extérieurs tels l'apposition d'une plaque sur la porte d'un local ; que l'intention coupable consiste à savoir que l'on n'a aucun droit à se réclamer ou à faire usage du titre, du diplôme ou de la qualité usurpée ; qu'il n'est pas nécessaire d'exiger une volonté délibérée de tromper le public sur la compétence et la confiance accordée par les milieux professionnels, dès lors que cet usage est de nature à créer dans l'esprit du public une confusion avec l'un des titres, diplôme ou qualité réglementés par la loi (...) ; qu'Hervé Y... a apposé à l'entrée de son immeuble professionnel une plaque portant les mentions assistance juridique, rédaction d'actes, représentation devant le tribunal de commerce ; que l'utilisation conjointe des termes " juridique, représentation et assistance " est de nature à entraîner une confusion dans l'esprit du public avec la profession de conseil juridique ou d'avocat qui implique la représentation, l'assistance, la rédaction d'actes juridiques ;
" 1o alors que l'apposition, à l'entrée d'un local professionnel, d'une plaque comportant les mentions assistance juridique, rédaction d'actes, représentation devant le tribunal de commerce, ne constitue pas l'usage d'un titre mais la description d'une activité professionnelle ; que la cour d'appel a méconnu le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale et violé les textes susvisés ;
" 2o alors qu'en se bornant à relever que l'utilisation conjointe par Hervé Y... des mentions inscrites sur la plaque apposée à l'entrée de son immeuble professionnel était de nature à entraîner une confusion dans l'esprit du public avec la profession de conseil juridique ou d'avocat, sans rechercher si ledit prévenu savait qu'il faisait ainsi, sans droit, usage de ces titres professionnels, et sans non plus expliquer sur ses conclusions se prévalant de sa bonne foi, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction qu'elle a retenue à sa charge, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de l'infraction d'usurpation de titre prévue à l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, la juridiction du second degré retient qu'ils ont apposé à l'entrée de leurs locaux professionnels respectifs des plaques portant les inscriptions " juriste d'entreprise, droit fiscal, droit des affaires, droit des sociétés " en ce qui concerne Antoine X..., et " assistance juridique, rédaction d'actes, représentation devant le tribunal de commerce " en ce qui concerne Hervé Y..., et que l'utilisation conjointe de ces termes est de nature à entraîner dans l'esprit du public la confusion avec le titre de conseil juridique ;
Qu'elle ajoute, en réponse aux conclusions des prévenus, qui se prévalaient de leur bonne foi, que " l'intention coupable consiste à savoir que l'on n'a aucun droit à se réclamer ou à faire usage du titre, du diplôme ou de la qualité usurpée " et qu'" il n'est pas nécessaire d'exiger une volonté délibérée de tromper le public sur la compétence et la confiance accordée par les milieux professionnels " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, y compris intentionnel, le délit retenu contre les prévenus ;
Qu'en effet la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé en faveur d'Antoine X..., pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, article 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, par voie de confirmation, condamné Antoine X... à verser à l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées-Orientales la somme de un franc à titre de dommages et intérêts et à payer les frais de publication du jugement du 8 septembre 1993 ;
" aux motifs que la violation des règles relatives à l'exercice du droit et à l'usage de titres professionnels, de diplômes ou qualités serait de nature à créer aux intérêts collectifs de la profession un préjudice matériel et moral certain, dont le montant aurait été correctement fixé par les premiers juges ;
" alors que l'action civile ne peut, sauf disposition légale particulière, être exercée devant la juridiction répressive que par la personne qui a subi, du fait de l'infraction poursuivie, un préjudice direct, actuel, personnel et certain ; qu'aucune disposition légale n'autorise un ordre d'avocats à exercer les droits de la partie civile pour l'infraction d'usurpation de titre ; que, dès lors, il appartient à la cour d'appel de rechercher les éléments de nature à établir le caractère direct et personnel du préjudice invoqué de ce chef par l'ordre des avocats au barreau des Pyrénées-Orientales ; qu'en n'y procédant pas, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que, pour condamner Antoine X... à des dommages-intérêts envers l'ordre des avocats au barreau de Perpignan, l'arrêt énonce que " la violation des dispositions légales relatives à la réglementation de l'exercice du droit et à l'usage de titres professionnels est de nature à causer aux intérêts collectifs de la profession d'avocat un préjudice matériel et moral certain " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la décision d'allouer des réparations civiles à l'ordre des avocats est justifiée, du chef de l'exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes sous seings privés en matière juridique, par les dispositions de l'article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-84386
Date de la décision : 08/06/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° USURPATION DE TITRE OU FONCTION - Professions légalement réglementées - Avocat - Exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique - Cas.

1° AVOCAT - Usurpation de titre - Exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique - Cas.

1° Constitue le délit d'usurpation de fonctions prévu par l'article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, l'exercice des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique par un professionnel qui, agissant dans le cadre de mandats donnés par ses clients et non en exécution d'un contrat de travail, ne peut se prévaloir de la qualité de juriste d'entreprise, et qui ne justifie pas de son inscription sur la liste des conseils en propriété industrielle prévue par l'article L. 422-5 du Code de la propriété intellectuelle.

2° USURPATION DE TITRE OU FONCTION - Professions légalement réglementées - Avocat - Eléments constitutifs - Violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire.

2° USURPATION DE TITRE OU FONCTION - Professions légalement réglementées - Avocat - Eléments constitutifs - Volonté délibérée de tromper le public (non) 2° AVOCAT - Usurpation de titre - Eléments constitutifs - Volonté délibérée de tromper le public (non) 2° AVOCAT - Usurpation de titre - Eléments constitutifs - Violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire.

2° Constitue le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 74 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, dont l'élément intentionnel est suffisamment caractérisé par la violation, en connaissance de cause, de cette prescription légale, sans qu'il y ait lieu de constater une volonté délibérée de tromper le public, l'apposition de plaques professionnelles libellées en des termes de nature à entraîner, dans l'esprit du public, la confusion avec le titre de conseil juridique(1)(1).

3° ACTION CIVILE - Recevabilité - Ordres professionnels - Avocats - Exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique.

3° USURPATION DE TITRE OU FONCTION - Professions légalement réglementées - Avocat - Exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique - Action civile - Recevabilité - Ordre des avocats.

3° L'Ordre des avocats est recevable à se constituer partie civile en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession, notamment par l'exercice illicite des activités de consultation et de rédaction d'actes en matière juridique(2).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code civil 1382
Code de procédure pénale 2
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée art. 66-2
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée art. 74

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 23 août 1994

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1979-12-18, Bulletin criminel 1979, n° 366, p. 991 (cassation). CONFER : (2°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-05-25, Bulletin criminel 1994, n° 203, p. 474 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (3°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1992-02-05, Bulletin criminel 1992, n° 54, p. 131 (cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 1995, pourvoi n°94-84386, Bull. crim. criminel 1995 N° 211 p. 576
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 211 p. 576

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gondre, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Galand.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Roman.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Defrénois et Levis, la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.84386
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