Sur le moyen unique :
Vu l'article 617 du Code civil, ensemble les articles 1717 du Code général des impôts, et 397 et 404 B de l'annexe III du même Code ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le nu-propriétaire d'un bien a vocation à la pleine propriété de ce bien, de telle sorte qu'il peut en léguer l'usufruit à un tiers, bien que n'étant pas encore titulaire de ce droit, la jouissance du second usufruitier ne commençant qu'à la date où le premier aura pris fin ; qu'en application des autres articles susvisés, le paiement des droits de succession sur des biens dévolus en nue-propriété peut être différé et que ce différé dure jusqu'à l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la date de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ;
Attendu, selon le jugement déféré, que M. Hubert de X... a recueilli de son oncle la nue-propriété d'un domaine, dont sa tante Marthe recevait l'usufruit ; qu'il a laissé, après décès, l'usufruit de ses biens à son épouse Nicole, la nue-propriété à son fils Hugues ; que ce dernier a différé le paiement des droits de succession afférents à la dévolution faite à son profit ; qu'en 1989, au décès de sa tante, l'administration fiscale l'a invité à payer les droits différés ; qu'il en a réclamé la restitution en faisant valoir que la réunion en pleine propriété ne s'était pas produite ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, le Tribunal, après avoir constaté que les deux usufruits étaient distincts, a retenu que le second n'avait pu intervenir " que pour autant que, durant un instant de raison, à la suite de l'extinction du premier usufruit, la réunion de celui-ci à la nue-propriété s'est opérée ", et qu'ainsi le bénéfice du différé avait pris fin ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en léguant à son épouse l'usufruit de l'universalité de ses biens, M. Hubert de X... avait légué l'usufruit du domaine litigieux, dont Mme Marthe de X... se trouvait titulaire à cette époque, de telle sorte que le second usufruit de Mme Nicole de X... avait débuté le 6 mars 1989, date à laquelle le premier avait pris fin, et que la nue-propriété et l'usufruit du domaine n'ont jamais été réunis sur la tête de M. Hugues de X..., le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 juin 1993, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Dijon.