ARRÊT N° 2
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société Duquesne Purina a assigné le directeur des services fiscaux du département du Tarn-et-Garonne en dégrèvement et restitution des cotisations payées au titre de la taxe de stockage des céréales entre le 1er juillet 1986 et le 31 mai 1988 ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Vu les articles 38 et 39 du traité de Rome et le règlement CEE n° 2727-75 du Conseil du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ;
Attendu que la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit, dans ses arrêts du 19 novembre 1991 (Sté Aliments Morvan / directeur des services fiscaux du Finistère) et du 11 juin 1992 (Stés Sanders-Adour et Guyomarc'h Orthez/directeur des services fiscaux des Pyrénées-Atlantiques), que les mécanismes de la politique agricole commune, tels qu'ils résultent notamment du règlement CEE n° 2727-75 précité, " s'opposent à la perception d'une taxe, par un Etat membre, frappant un nombre restreint de produits agricoles pendant une longue période, dès lors que cette taxe est susceptible d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ", et qu'" il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si la taxe sur laquelle porte un litige dont elle est saisie a eu de tels effets " ;
Attendu que, pour décider que la taxe est susceptible d'exercer une influence sensible sur les déterminations des opérateurs et la déclarer incompatible avec le règlement susvisé, le jugement relève que, selon un rapport parlementaire, elle affectait la situation des agriculteurs, que la volonté d'alléger les charges pesant sur les " céréaliculteurs " avait été avancée par le Gouvernement pour justifier l'abaissement du tarif de la taxe en 1989 et sa suppression en 1990, et que des statistiques font apparaître que le pourcentage des céréales incorporées dans les aliments composés est en rapport direct avec les variations de la taxe ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, concrètement, en procédant à une analyse de la situation économique invoquée par la société demanderesse en remboursement, si la taxe était susceptible d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation, ce qui devait être apprécié à partir de son taux, de son incidence en pourcentage sur le prix des produits taxés, de la comparaison de l'évolution de la production et de la consommation des céréales taxées, des autres céréales et de divers produits de substitution, en France et dans des pays voisins, le Tribunal n'a pas donné de base à sa décision au regard du traité de Rome et du règlement susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er juin 1993, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Montauban ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Toulouse.