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16/05/1995 | FRANCE | N°93-16556

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mai 1995, 93-16556


Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 1993) que le Groupement intercoopératif télé-vidéo, hifi, électricité ménager (Gitem) a été constitué sous forme de groupement d'intérêt économique (GIE), englobant des sociétés coopératives de détaillants exerçant respectivement dans une même région et ayant la forme statutaire de coopératives artisanales régies par la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 pour les sociétés Cospreto, Qatec, Scame, Gerema, Coprotec et Elco ; que les adhérents des sociétés coopératives bénéficient d'une enseig

ne commune Gitem et ont l'exclusivité de l'exploitation des marques Gitem et Force...

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 1993) que le Groupement intercoopératif télé-vidéo, hifi, électricité ménager (Gitem) a été constitué sous forme de groupement d'intérêt économique (GIE), englobant des sociétés coopératives de détaillants exerçant respectivement dans une même région et ayant la forme statutaire de coopératives artisanales régies par la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 pour les sociétés Cospreto, Qatec, Scame, Gerema, Coprotec et Elco ; que les adhérents des sociétés coopératives bénéficient d'une enseigne commune Gitem et ont l'exclusivité de l'exploitation des marques Gitem et Force G ; que saisi par M. J. X... de diverses pratiques anticoncurrentielles émanant du GIE, ainsi que des sociétés coopératives, le Conseil de la Concurrence leur a interdit toutes clauses visant à interdire les relations directes entre commerçants, adhérents et fournisseurs offrant de meilleures conditions ou ne permettant pas à chaque adhérent d'avoir un point de vente ou un nouveau rayon, de vendre dans tout ses points de vente et de ne rétrocéder ses marchandises qu'à la condition de ne pas faire concurrence à un autre adhérent ; que le Conseil de la Concurrence a également condamné le GIE et les sociétés coopératives Elco, Copyrec, Cospreto, Gerama, Qatec et Scame à diverses sanctions pécuniaires ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le deuxième moyen pris en ses quatre branches :

Attendu que le GIE et les sociétés coopératives font grief à l'arrêt d'avoir considéré que des clauses relatives à l'ouverture de nouveaux points de vente seraient anticoncurrentielles, alors, selon le pourvoi que la cour d'appel statuant sur un recours en réformation d'une décision du Conseil de la Concurrence est juge du fait ; qu'elle ne peut se contenter de se référer aux constatations du Conseil de la Concurrence ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée se réfère expressément aux constatations de la décision qui lui était déférée, en ce qui concerne l'analyse d'un certain nombre de clauses contenues dans les statuts et règlements intérieurs d'un certain nombre de coopératives pour en déduire que les clauses litigieuses constituent des restrictions à la concurrence sans reproduire et sans analyser lesdites clauses ; que la Cour de Cassation n'est pas à même de s'assurer que la cour d'appel a procédé elle-même à un examen et une analyse des clauses litigieuses, et qu'elle n'a pas, en conséquence, méconnu les pouvoirs qu'elle tient de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l'arrêt attaqué n'est donc pas légalement justifié au regard de ce texte ; alors, d'autre part, que la cour d'appel, après avoir considéré, par une exacte application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (et de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945), que la concession exclusive de l'exploitation d'une marque de distribution par des contrats successifs réservant par secteur à des détaillants l'exclusivité de l'exploitation des marques Gitem et Force G, n'a pu, sans violer lesdits articles, considérer que le fait de subordonner à l'autorisation préalable du conseil d'administration des coopératives l'ouverture de nouveaux points de vente constituait une clause restrictive car les clauses litigieuses viseraient à faire respecter entre coopérateurs une répartition territoriale absolue et à supprimer toute concurrence entre des opérateurs indépendants ; qu'en effet, la concession des marques s'accompagnant d'une exclusivité territoriale, l'autorisation d'ouvrir un nouveau point de vente dans un secteur où l'exclusivité était concédée constitue nécessairement une modification de l'exclusivité déjà accordée et que la nécessité d'une telle autorisation de la part de celui qui a concédé l'exclusivité initiale ne peut être considérée comme une restriction supplémentaire de concurrence au sens des textes susvisés et peut même aboutir à une augmentation de la concurrence ; alors, de troisième part, que le mémoire déposé devant la cour d'appel avait fait valoir qu'en ce qui concernait Gerama, le conseil d'administration n'intervenait qu'en cas de litige ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen la cour d'appel a omis de répondre à un chef clair et précis des conclusions, et par là même, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le mémoire déposé au nom du Gitem et de l'ensemble des coopératives faisait valoir que les pouvoirs conférés au conseil d'administration par les règlements intérieurs de Scame et Corpreto consistaient à leur permettre de décider de multiplier des points de vente dans une ville si le ou les adhérents existant ne faisaient pas l'effort estimé nécessaire pour distribuer les produits diffusés par la coopérative ; que ce texte avait pour objet de permettre au conseil d'administration de mettre en concurrence plusieurs adhérents dans la même ville au cas d'insuffisance de

dynamisme commercial ; que la décision attaquée n'a pu, sans méconnaître le sens et la portée des clauses litigieuses permettant d'établir une certaine concurrence nonobstant les clauses d'exclusivité territoriale, et par là même les dénaturer, décider que celles-ci visent à faire respecter entre coopérateurs une répartition territoriale absolue ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne s'oppose à ce que la cour d'appel de Paris statuant sur un recours en réformation d'une décision du Conseil de la Concurrence, n'en adopte les motifs après s'être référée préalablement aux constatations de la décision déférée ;

Attendu, en second lieu, que le fait de subordonner à l'autorisation préalable du conseil d'administration des coopératives, l'ouverture par un adhérent d'un nouveau point de vente dans une agglomération où un autre est déjà établi doit s'analyser, ainsi que l'a fait l'arrêt, par rapport aux règles du droit de la concurrence, indépendamment de l'octroi du bénéfice des marques Gitem et Force G aux adhérents précédemment établis ;

Attendu, enfin, que l'arrêt, après avoir analysé les clauses litigieuses, a souverainement constaté qu'elles visent à faire respecter entre coopérateurs une répartition territoriale absolue et à supprimer ainsi toute concurrence entre des opérateurs indépendants sans pour autant renforcer leur dynamisme commercial ; que la cour d'appel, qui a ainsi répondu aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;

Sur le quatrième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que le GIE et les sociétés coopératives font grief à l'arrêt de les avoir condamnés, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le GIE et les sociétés coopératives avaient expliqué, en reproduisant les clauses déterminant les obligations des adhérents des coopératives que les sanctions prévues par les règlements n'avaient pas pour objet d'empêcher les adhérents, s'ils le souhaitaient et si cela leur semblait utile pour la gestion de leur entreprise, de contracter avec les fournisseurs agréés de la coopérative, qu'il leur était seulement interdit de contracter avec ces fournisseurs aux conditions de la coopérative, et en profitant de leur adhésion à la coopérative pour obtenir les conditions de la coopérative ou des conditions meilleures ; qu'il ne leur était pas interdit de se présenter en qualité de commerçant indépendant ; que la décision attaquée a dénaturé les règlements Scame et Gerama qui prévoyaient cependant simplement l'interdiction aux adhérents d'user de leur position de coopérateur pour obtenir de meilleurs conditions auprès des fournisseurs et d'accepter en tant qu'adhérents d'être facturés directement aux conditions de la coopérative ; que la décision attaquée a donc violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ayant estimé que les dispositions des règlements autres que Gerama et Scame étaient plus ambiguës n'a pu, sans méconnaître son obligation d'interpréter une clause ambiguë, affirmer que ces règlements qu'elle qualifie d'ambigus conduisent au même résultat, dès lors qu'ils ne permettent pas de distinguer si les conditions plus favorables obtenues par les adhérents résultent de manoeuvres illicites, cependant qu'à eux seuls, la négociation directe d'un détaillant affilié à une coopérative avec un fournisseur référencé par celle-ci et l'octroi de conditions plus favorables ne sont pas constitutifs de fautes ou de discrimination concertée ; qu'il incombait aux juges du fond de rechercher l'intention des rédacteurs des règlements incriminés et non point de se référer à l'ambiguïté des clauses pour affirmer qu'elles aboutissent au même résultat que les clauses qu'elle déclare illégale des règlements intérieurs des coopératives Scame et Gerama ; et alors enfin, que les restrictions à la concurrence imposées par la nécessité de donner plus d'efficacité aux négociations menées par un groupement d'intérêt économique réunissant des coopératives et par ces coopératives elles-mêmes impliquent nécessairement ainsi que l'a du reste reconnu la cour d'appel, la possibilité d'insérer dans les règlements des clauses précisant l'obligation contractuelle de loyauté des membres à l'égard des coopératives ; que la décision attaquée ne pouvait, sous peine de violer les articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 30 de l'ordonnance du 30 juin 1945, confirmer purement et simplement la décision attaquée faisant injonction au GIE et aux coopératives de supprimer de leurs statuts et règlements intérieurs toute clause visant à interdire les relations commerciales directes entre commerçants adhérents et fournisseurs offrant de meilleures conditions, sans limiter cette interdiction, en raison de la nécessité de préciser les obligations de loyauté des membres à l'égard de la coopérative, dans leurs relations avec les fournisseurs ;

Mais attendu qu'après avoir analysé les clauses litigieuses des règlements des coopératives Gerama et Scame et celles " plus ambiguës " des autres règlements, la cour d'appel usant de son pouvoir souverain d'appréciation, et hors toute dénaturation, retient que de telles clauses qui obligeaient les adhérents à ne s'approvisionner qu'aux conditions négociées par leurs coopératives pour les produits d'une marque donnée, sans pouvoir rechercher des avantages propres, conduisaient, en fait, à uniformiser les prix d'achat et étaient ainsi de nature, en l'espèce, à supprimer toute concurrence pour les prix de vente ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur les cinquième et sixième moyens : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-16556
Date de la décision : 16/05/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Procédure - Cour d'appel - Motifs de la décision du Conseil de la Concurrence - Adoption - Possibilité.

1° Aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne s'oppose à ce que la cour d'appel de Paris, statuant sur un recours en réformation d'une décison du Conseil de la Concurrence, n'en adopte les motifs après s'être référée préalablement aux constatations de la décision déférée.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Entente - Conditions - Entrave à la concurrence - Appréciation - Pratique illicite - Conditions de transaction - Coopérative - Adhérents - Clause d'approvisionnnement - Avantage propre interdit.

2° Des clauses obligeant les adhérents de coopératives réunies dans un groupement d'intérêt économique, à ne s'approvisionner qu'aux conditions générales négociées par celles-ci pour les produits d'une marque donnée, sans pouvoir rechercher des avantages propres, conduisent en fait à uniformiser les prix d'achat et sont de nature à supprimer toute concurrence pour les prix de vente.


Références :

ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juin 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mai. 1995, pourvoi n°93-16556, Bull. civ. 1995 IV N° 147 p. 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 147 p. 131

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : Mme Piniot.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocats : MM. Ryziger, Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.16556
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