CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Abdelaziz,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, du 6 janvier 1995, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroqueries, complicité d'escroqueries, complicité de recels, contrefaçon de documents administratifs et usage, faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 122, 145-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la demande de mise en liberté de X... qui se prévalait du caractère tardif de l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire ;
" aux motifs que X... a été écroué le 6 juin 1993 en vertu d'un mandat d'arrêt lancé par le magistrat instructeur ; qu'il a été placé en détention provisoire par ordonnance de ce magistrat le 8 juin 1993 ; que X... a bien été appréhendé en vertu de ce mandat d'arrêt le 6 juin 1993 ; que le délai prévu par l'article 145-1 du Code de procédure pénale pour la prolongation de la détention provisoire a pour point de départ, non la date d'exécution du mandat, mais celle à laquelle le mis en examen a fait l'objet d'une ordonnance d'incarcération, en l'espèce le 8 juin 1993 ; qu'en conséquence, le début de sa détention prise en compte pour le calcul des ordonnances de prolongation de détention est bien le 8 juin 1993 ;
" alors que la chambre d'accusation ayant elle-même constaté que X... avait été écroué le 6 juin 1993 en vertu d'un mandat d'arrêt délivré par le magistrat instructeur, c'est à compter de cette date que devait être calculée la durée de la détention provisoire prévue par l'article 145-1 du Code de procédure pénale ; que pour avoir jugé le contraire, l'arrêt attaqué devra être censuré ; que, dès lors qu'il résulte par ailleurs des constatations de l'arrêt que la troisième prolongation de la détention n'est intervenue que par ordonnance du 7 octobre 1994, la mise en liberté d'office de X..., détenu illicitement après le 6 octobre 1994, devra être ordonnée " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 132 et 133 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte des articles 122, 132 et 133 du Code de procédure pénale que la date d'écrou d'une personne saisie en vertu d'un mandat d'arrêt fixe le point de départ de sa détention provisoire, au sens de l'article 145-1 du même Code ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, Abdelaziz X..., en exécution d'un mandat d'arrêt du juge d'instruction de Versailles, a été appréhendé le 6 octobre 1993 et non le 6 juin 1993, comme l'indique l'arrêt à la suite d'une erreur matérielle et qu'il a été écroué le même jour à Marseille sur ordre du procureur de la République ; qu'après transfèrement, le 8 octobre 1993 et non le 8 juin comme indiqué à la suite de la même erreur le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de mise en détention provisoire et décerné un mandat de dépôt ; que, par trois ordonnances successives, non frappées d'appel et datées respectivement, la première du 4 février 1994, à compter du 6 février suivant, la deuxième du 3 juin 1994, à compter du 8 juin suivant, la troisième du 7 octobre 1994, à compter du 8 octobre suivant, le juge d'instruction a prolongé la détention provisoire pour une durée de quatre mois chacune ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance refusant la mise en liberté de l'intéressé et écarter son argumentation reprise au moyen, selon laquelle, sa détention provisoire ayant débuté le 6 octobre 1993, date à laquelle il a été écroué en exécution du mandat d'arrêt, la troisième ordonnance de prolongation, du 7 octobre 1994, était tardive, l'arrêt attaqué énonce que le délai prévu par l'article 145-1 du Code de procédure pénale pour la prolongation de la détention provisoire a pour point de départ, non la date d'exécution du mandat, mais celle à laquelle le mis en examen a fait l'objet d'une ordonnance d'incarcération ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors que le mandat d'arrêt constitue un titre de détention auquel ne sont pas applicables les dispositions de l'article 135, alinéa 2, dudit Code, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Et attendu que Abdelaziz X... ayant été écroué le 6 octobre 1993 en vertu d'un mandat d'arrêt, la deuxième ordonnance de prolongation de sa détention, du 3 juin 1994, doit être considérée comme ayant pris effet du 6 juin au 5 octobre à 24 heures ; qu'ainsi, le demandeur était détenu sans titre depuis le 6 octobre 1994 à 0 heure lorsqu'a été rendue l'ordonnance du 7 octobre suivant, dont il appartenait aux juges du second degré de constater d'office l'inexistence afin de faire application de l'article 201, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 janvier 1995 ;
DIT que depuis le 6 juin 1994 à 0 heure X... est détenu sans titre ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.