Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels (la Selvmi), prononcée par jugement du 16 mars 1990, la société Soloma a mis l'administrateur en demeure de lui faire connaître s'il entendait poursuivre les contrats de crédit-bail antérieurement conclus avec la débitrice ; que le juge-commissaire ayant prolongé le délai ouvert à l'administrateur pour se prononcer, celui-ci a notifié le 9 juillet 1990 à la société Soloma sa décision de ne pas poursuivre les contrats ;
Attendu que le crédit-bailleur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de revendication des véhicules et matériels donnés en crédit-bail qu'il avait présentée le 27 août 1990, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il ressort de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 que la revendication de meubles doit être exercée dans le délai de 3 mois à partir du prononcé du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire lorsque l'administrateur n'a pas poursuivi les contrats en cours ; que la revendication n'a pas à être exercée dans ce délai lorsque l'administrateur a été autorisé à proroger le délai pour opter ; qu'en l'espèce, en considérant que le Tribunal a déclaré à bon droit irrecevable la demande de la société Soloma qui n'a pas revendiqué les véhicules dans le délai légal et qui par suite, ne peut plus faire valoir son droit de propriété, peu important que l'administrateur ait sollicité une prorogation de délai pour prendre position sur la poursuite des contrats en cours, la cour d'appel a violé l'article 115, ensemble l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et ne peut être privée de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'en l'espèce, ayant considéré que la revendication exercée par la société Soloma, l'avait été plus de 3 mois après le jugement d'ouverture et qu'en conséquence, elle ne peut plus faire valoir son droit de propriété, peu important que l'administrateur ait sollicité une prorogation de délai pour prendre position sur la poursuite des contrats en cours, et en en déduisant qu'il n'y a lieu de déclarer la société Selvmi propriétaire des véhicules une telle situation étant seulement la conséquence du rejet de la demande de revendication, la cour d'appel a violé les articles 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 17 de la Déclaration des droits de l'homme et 544 et suivants du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu exactement que les dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, aux termes desquelles la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de 3 mois à compter du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, sont applicables à toute revendication de meubles quels que soient la cause juridique ou le titre invoqué, la cour d'appel, dès lors que la prolongation de délai accordée par le juge-commissaire à l'administrateur ne faisait pas obstacle à ce que, dans le délai préfix imparti par le texte précité, la société Soloma fasse reconnaître à l'égard de la procédure collective son droit de propriété sur les biens mobiliers donnés en crédit-bail, au moyen de l'action en revendication en vue de leur restitution sauf poursuite du contrat par l'administrateur, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que c'est sans méconnaître la supériorité des dispositions du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur celles de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, que la cour d'appel, constatant l'inaction de la société pendant plus de 3 mois, a dit irrecevable pour tardiveté sa demande de revendication ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 37, alinéa 3, et 115 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour condamner le crédit-bailleur à rembourser à la Selvmi et à l'administrateur du redressement judiciaire, ès qualités, le montant des loyers et indemnités réglés depuis le jugement d'ouverture de la procédure collective, l'arrêt retient que ces loyers et indemnités n'ont été payés par l'administrateur que sous la condition implicite mais nécessaire d'une demande de revendication présentée au juge-commissaire dans le délai de 3 mois ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du crédit-preneur n'ayant pas entraîné la résiliation des contrats de crédit-bail conclus antérieurement et le crédit-bailleur s'étant trouvé dans l'obligation de remplir ses propres engagements jusqu'à l'expiration du délai imparti par le juge-commissaire à l'administrateur judiciaire pour se prononcer, ou jusqu'à la renonciation expresse de l'administrateur judiciaire intervenant avant ou pendant ce délai, sa créance, qui relevait des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, avait été régulièrement payée, l'arrêt a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt mais seulement en ce qu'il a condamné la société Soloma à rembourser à la Société européenne de location de véhicules industriels et à M. X..., administrateur du redressement judiciaire de cette société, les loyers et indemnités réglés depuis le jugement d'ouverture, l'arrêt n° 657 rendu le 10 septembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.