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05/05/1995 | FRANCE | N°92-19024

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mai 1995, 92-19024


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle opéré le 22 septembre 1987, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société Automobiles Peugeot, au titre des années 1984 à 1986, certaines sommes versées par celle-ci ou son comité d'entreprise à des membres du personnel et consistant en allocations de rentrée scolaire, en bourses d'études, en indemnités pour congé d'éducation ouvrière ou de formation syndicale, en indemnités d'installation servies à des salariés mutés dans le cadre d'un plan social et en indemnité

s de grand déplacement excédant les limites forfaitaires d'exonération ; ...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle opéré le 22 septembre 1987, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la société Automobiles Peugeot, au titre des années 1984 à 1986, certaines sommes versées par celle-ci ou son comité d'entreprise à des membres du personnel et consistant en allocations de rentrée scolaire, en bourses d'études, en indemnités pour congé d'éducation ouvrière ou de formation syndicale, en indemnités d'installation servies à des salariés mutés dans le cadre d'un plan social et en indemnités de grand déplacement excédant les limites forfaitaires d'exonération ; que la cour d'appel a annulé le redressement en ce qui concerne les allocations de rentrée scolaire et les bourses d'études et l'a maintenu en ce qui concerne les indemnités d'installation, les indemnités de grand déplacement et les indemnités pour congé d'éducation ouvrière et de formation syndicale ;

Sur le pourvoi incident de la société Automobiles Peugeot, pris en son premier moyen :

Attendu que la société Automobiles Peugeot fait d'abord grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que les indemnités forfaitaires d'installation allouées par elle devaient être soumises à cotisations, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en cas de remboursement forfaitaire de frais professionnels, la déduction est subordonnée à la justification par l'employeur de l'utilisation des sommes allouées conformément à leur objet ; que, s'agissant d'un remboursement forfaitaire de frais d'installation, la preuve de cette utilisation est rapportée par l'employeur qui établit que le forfait a été alloué aux seuls salariés ayant exposé de tels frais en raison du changement de résidence consécutif à leur mutation ; qu'en considérant comme insuffisante la preuve fournie à cet égard sans rechercher, comme il était invité à le faire, si l'employeur, ayant opté pour un système d'allocation forfaitaire, ne pouvait se voir imposer de justifier des dépenses réellement exposées par les bénéficiaires, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard des dispositions de l'arrêté du 26 mai 1975 et de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les indemnités étaient destinées à couvrir les frais engendrés par la réinstallation des salariés mutés pour raison de service, en application du plan social ; qu'en refusant de permettre la déduction des primes versées au motif qu'elles semblaient correspondre à des dépenses à caractère personnel exposées par le salarié, l'arrêt n'a pas déduit les conséquences de ses constatations et a violé l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, enfin, qu'en se bornant à retenir qu'il apparaît que " cette prime correspond à la prise en charge par l'employeur de dépenses personnelles ", l'arrêt a déduit en tout état de cause un motif dubitatif et n'a pas justifié légalement sa décision au regard du même texte ;

Mais attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt que l'indemnité litigieuse couvrait, non les premiers frais d'installation liés à la mutation, mais les dépenses d'aménagement de la nouvelle habitation, et qu'elle variait selon la catégorie professionnelle du salarié et le nombre d'occupants du logement ; que la cour d'appel, qui n'a pas exclu la possibilité pour l'employeur de rapporter la preuve lui incombant autrement que par la justification des frais réellement exposés, a pu déduire de ces circonstances, par une motivation exempte de caractère dubitatif, que de telles dépenses ne constituaient pas une charge spéciale inhérente à la fonction ou à l'emploi, et qu'en conséquence, l'indemnité allouée pour les compenser ne pouvait être exclue de l'assiette des cotisations ; que le moyen ne saurait donc être accueilli ;

Sur le même pourvoi, pris en son deuxième moyen :

Attendu que la société Automobiles Peugeot fait ensuite grief à l'arrêt d'avoir jugé que la fraction des indemnités forfaitaires de grand déplacement dépassant les limites d'exonération prévues par l'article 3 de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 était soumise à cotisations, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en matière d'indemnités de grand déplacement, l'employeur doit, pour la partie du remboursement excédant les limites fixées par l'arrêté du 26 mai 1975, établir l'utilisation des indemnités conformément à leur objet ; qu'en cas de remboursement forfaitaire, il suffit à l'employeur de démontrer par tous moyens que les indemnités accordées correspondaient aux frais nécessairement exposés par les salariés, compte tenu notamment des tarifs hôteliers pratiqués dans la localité ; qu'en décidant de réintégrer dans l'assiette des cotisations la partie de l'allocation forfaitaire excédant la limite fixée par l'arrêté, faute par l'employeur de rapporter la preuve qu'elle correspondait aux dépenses réelles exposées par les salariés, la cour d'appel a violé les articles 1er et 3 de l'arrêté précité ; alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de tenir compte de l'offre formulée par la société Automobiles Peugeot de rapporter la preuve lui incombant au moyen d'une comparaison entre les allocations forfaitaires accordées et les tarifs hôteliers pratiqués dans la région concernée, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par des motifs propres et adoptés, la cour d'appel, répondant aux conclusions dont elle était saisie, retient que la société Automobiles Peugeot, ayant choisi de verser à ses salariés en grand déplacement des indemnités forfaitaires, ne démontre pas que la fraction de ces indemnités excédant les limites prévues par l'article 3 de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 est utilisée conformément à son objet ; qu'ayant estimé que n'était pas rapportée la preuve incombant à l'employeur, qui ne pouvait résulter de la simple comparaison du montant de l'indemnité avec les tarifs hôteliers pratiqués localement, la cour d'appel a pu décider que, pour sa fraction litigieuse, cette indemnité était soumise à cotisations ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et sur le même pourvoi, pris en son troisième moyen :

Attendu que la société Automobiles Peugeot reproche enfin à la cour d'appel d'avoir décidé que les indemnités pour congé d'éducation ouvrière et de formation syndicale servies à certains salariés par le comité d'entreprise étaient incluses dans l'assiette des cotisations, alors, selon le moyen, que sont exonérées du versement des cotisations les sommes versées par le comité d'entreprise lorsqu'elles se rattachent directement aux activités sociales et culturelles du comité ; qu'en réintégrant dans l'assiette des cotisations les indemnités pour congés d'éducation ouvrière et de formation syndicale sans rechercher, comme l'y invitait la société, s'il n'entrait pas dans la mission normale du comité d'entreprise de permettre aux salariés intéressés de suivre une formation économique, sociale ou syndicale, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et R. 432-2 du Code du travail ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, après avoir relevé que la part des indemnités litigieuses qui était représentative de frais n'était pas incluse dans l'assiette des cotisations, retient que l'autre fraction de ces indemnités destinée à compenser une perte de salaire constituait une rémunération, versée par l'intermédiaire du comité d'entreprise ; qu'à bon droit elle a décidé que cette fraction était soumise à cotisations ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Mais sur le pourvoi principal de l'URSSAF, pris en ses deux moyens :

Vu l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu que, pour annuler le redressement portant sur les allocations de rentrée scolaire et les bourses d'études versées par le comité d'entreprise, d'une part, aux salariés ayant des enfants en classe de 6e, de 5e et de 4e et, d'autre part, aux salariés dont les enfants préparent un certificat d'aptitude professionnelle ou un brevet professionnel, l'arrêt attaqué énonce essentiellement que, dans la mesure où il entre dans le champ des activités sociales du comité d'entreprise d'améliorer les conditions de bien-être du salarié, ces allocations, servies sous la forme de bons d'achat d'un montant uniforme à tous les salariés remplissant certaines conditions, ne constituent pas un complément de salaire, mais l'une des possibilités offertes à l'employeur d'améliorer les conditions de vie des salariés et, par ailleurs, que, de la lettre ministérielle du 12 décembre 1988, il résulte une présomption de non-assujettissement lorsque l'ensemble des bons d'achat délivrés pendant une année à un bénéficiaire n'excède pas la valeur de 5 % du plafond mensuel de 517 francs en 1989, la conformité aux usages de la valeur des bons d'achat devant être vérifiée au-delà de ce montant ;

Attendu, cependant, d'abord, que l'instruction ministérielle du 12 décembre 1988, qui est postérieure à la période litigieuse et se borne à énumérer, sous la réserve expresse de l'appréciation des tribunaux, les prestations servies par les comités d'entreprise ou d'établissement susceptibles d'être comprises ou non dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, n'est pas créatrice de droits et ne saurait restreindre ceux que tiennent de la loi les organismes de recouvrement ; qu'ensuite, doivent être inclus dans cette assiette les avantages en nature ou en espèces alloués en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les allocations de rentrée scolaire et les bourses d'études servies par les comités d'entreprise selon des normes constantes, ce qui exclut que ces avantages aient le caractère de secours liés à des situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt, peu important que leur financement ait été assuré à l'aide des fonds destinés aux oeuvres sociales et culturelles ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement des chefs des allocations de rentrée scolaire et des bourses d'études, l'arrêt rendu le 26 juin 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 92-19024
Date de la décision : 05/05/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité d'aménagement de nouvelle habitation - Indemnité allouée au salarié muté dans le cadre d'un plan social.

1° Les dépenses d'aménagement de la nouvelle habitation de salariés mutés dans le cadre d'un plan social ne constituent pas, à la différence des premiers frais d'installation, une charge spéciale inhérente à la fonction ou à l'emploi, de sorte que l'indemnité allouée pour les compenser ne peut être exclue de l'assiette des cotisations.

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Abattement pour frais professionnels - Frais professionnels - Définition - Allocations forfaitaires - Utilisation conformément à leur objet - Preuve - Constatations suffisantes.

2° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité de grand déplacement.

2° Dans le cas où l'employeur verse à ses salariés en grand déplacement des indemnités forfaitaires et ne démontre pas que la fraction de ces indemnités excédant les limites prévues par l'article 3 de l'arrêté interministériel du 26 mai 1975 est utilisée conformément à son objet, la cour d'appel, qui estime que la preuve incombant à l'employeur ne peut résulter de la simple comparaison du montant de l'indemnité avec les tarifs hôteliers pratiqués localement, a pu décider que, pour sa fraction litigieuse, cette indemnité était soumise à cotisations.

3° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Sommes versées par le comité d'entreprise.

3° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Indemnité d'éducation ouvrière et de formation syndicale versée par le comité d'entreprise - Fraction de l'indemnité compensant une perte de salaire.

3° La cour d'appel, qui relève que la part d'indemnités pour congé d'éducation ouvrière et de formation syndicale, servies à certains salariés par le comité d'entreprise, représentative de frais, n'était pas incluse dans l'assiette des cotisations et qui retient que l'autre fraction de ces indemnités, destinée à compenser une perte de salaire, constituait une rémunération versée par l'intermédiaire du comité d'entreprise, décide à bon droit que cette fraction est soumise à cotisations.

4° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Prestations versées par le comité d'entreprise - Instruction ministérielle du 12 décembre 1988 - Portée.

4° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Allocations de rentrée scolaire et bourses d'études versées par le comité d'entreprise 4° REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Activités sociales - Définition - Distribution d'avantages - Sécurité sociale - Cotisations - Assiette - Inclusion des avantages 4° SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Sommes versées par le comité d'entreprise.

4° L'instruction ministérielle du 12 décembre 1988, qui se borne à énumérer, sous la réserve expresse de l'appréciation des tribunaux, les prestations servies par les comités d'entreprise ou d'établissement susceptibles d'être comprises ou non dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, n'est pas créatrice de droits et ne saurait restreindre ceux que tiennent de la loi les organismes de recouvrement. Doivent être inclus dans l'assiette des cotisations les avantages en nature ou en espèces alloués en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les allocations de rentrée scolaire et les bourses d'étude servies par les comités d'entreprise selon des normes constantes, ce qui exclut que ces avantages aient le caractère de secours liés à des situations individuelles particulièrement dignes d'intérêt, peu important que leur financement ait été assuré à l'aide des fonds des oeuvres sociales et culturelles.


Références :

4° :
instruction ministérielle du 12 décembre 1988

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 juin 1992

A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1987-07-15, Bulletin 1987, V, n° 464, p. 296 (cassation), et les arrêts cités. A RAPPROCHER : (4°). Chambre sociale, 1990-01-11, Bulletin 1990, V, n° 10, p. 7 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mai. 1995, pourvoi n°92-19024, Bull. civ. 1995 V N° 144 p. 105
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 V N° 144 p. 105

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Kuhnmunch .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Berthéas.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Peignot et Garreau, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.19024
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