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03/05/1995 | FRANCE | N°95-80725

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 mai 1995, 95-80725


REJET des pourvois formés par :
- X... Vladimir,
- Y... Dzhamal,
- Z... Sergeï,
- A... Petr,
- B... Valery,
- le MRAP, mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, en date du 15 décembre 1994 qui a renvoyé les mis en examen devant la cour d'assises du département de Seine-Maritime sous l'accusation de séquestrations, assassinats, tentative d'assassinat et complicité, et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du MRAP.
LA COUR,
Joignant

les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur les pourvo...

REJET des pourvois formés par :
- X... Vladimir,
- Y... Dzhamal,
- Z... Sergeï,
- A... Petr,
- B... Valery,
- le MRAP, mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen, en date du 15 décembre 1994 qui a renvoyé les mis en examen devant la cour d'assises du département de Seine-Maritime sous l'accusation de séquestrations, assassinats, tentative d'assassinat et complicité, et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du MRAP.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur les pourvois des accusés ;
1. Sur les pourvois de Dzhamal Y... et Valery B... :
Attendu que les demandeurs n'ont produit aucun moyen à l'appui de leurs pourvois ;
2. Sur les pourvois de Vladimir X..., Sergeï Z..., Petr A... :
Sur les faits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le porte-conteneur MC Ruby, battant pavillon des Bahamas, effectuait un transport de marchandises entre le port ghanéen de Tokoradi et celui du Havre avec un équipage composé de marins ukrainiens sous les ordres du capitaine Vladimir X... ; qu'au cours de la traversée, alors que le navire se trouvait en haute mer, 9 passagers clandestins de nationalité ghanéenne auraient été découverts et emprisonnés pendant plusieurs jours dans des conditions dégradantes avant d'être fusillés, leurs corps étant aussitôt jetés à la mer ; qu'un seul d'entre eux, Ofusu C..., est parvenu à s'échapper et se soustraire aux recherches dont il était l'objet jusqu'à l'arrivée au Havre où il a donné l'alerte aux autorités françaises ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 199, 460, 513 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble manque de base légale et violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que les débats se sont déroulés comme suit :
" " à l'audience de la chambre d'accusation... réunie en chambre du conseil le 24 novembre 1994,
" " Mme le président a été entendue en son rapport sur le procès instruit contre :
" " Mme Boisseau, substitut du procureur général, a été entendue en ses réquisitions,
" " Me Surel, avocat de X..., Me Demoget, avocat de Z..., ont présenté des observations sommaires,
" " Me Chanson, avocat des sociétés MC Ruby Shipping Limited et V Ships (Cyprus) Limited, parties civiles, a présenté des observations sommaires,
" " Me Mouhou, avocat du MRAP, partie civile, a présenté des observations sommaires. " ;
" " Les avocats des personnes mises en examen ont eu la parole en dernier " ;
" alors qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 513 du Code de procédure pénale, en sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, entré en vigueur en application de l'article 49-1 de la loi du 24 août 1993, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460 ; qu'il en résulte que la défense du prévenu doit être présentée après la demande de la partie civile et les réquisitions du ministère public ; qu'en l'espèce, les mentions de l'arrêt établissent que les avocats des mis en examen X... et Z... ont présenté la défense avant la plaidoirie de la partie civile ; que le fait que les avocats de ces personnes se soient vu donner ensuite la parole en dernier ne suffit pas à réparer l'atteinte portée à leurs intérêts et résultant de l'obligation qui leur a été imposée en l'espèce de présenter sa défense avant les parties civiles ; qu'il s'ensuit que les textes et principe susvisés ont été méconnus " ;
Attendu qu'il n'importe que les avocats des parties civiles aient présenté leurs observations après ceux de X... et Z... dès lors que les débats devant la chambre d'accusation sont réglés par l'article 199, alinéa 2, du Code de procédure pénale sans application des articles 513 et 460 du même Code, et qu'il résulte des mentions de l'arrêt que les avocats des personnes mises en examen ont eu la parole en dernier ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 689 (ancien) et suivants du Code de procédure pénale, 689 (nouveau) et suivants du Code de procédure pénale, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1er du Code civil, 52, 53 et 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises relativement à des crimes commis en haute mer à l'encontre de ressortissants étrangers par des accusés étrangers sur le navire battant pavillon étranger ;
" alors, d'une part, que, en vertu des articles 689 et suivants anciens du Code de procédure pénale seuls applicables aux faits poursuivis, les juridictions françaises sont incompétentes pour poursuivre et juger des faits qualifiés crimes par la loi française commis par des étrangers en dehors du territoire de la République lorsque les victimes n'ont pas la nationalité française ; qu'en l'espèce, il résulte des déclarations d'Ofusu C... que l'un des passagers clandestins était de nationalité camerounaise et les 8 autres, y compris lui-même, de nationalité ghanéenne et que les faits dont ces passagers auraient été victimes et qualifiés de séquestration, d'assassinats et de tentative d'assassinat, auraient été commis avant le 3 novembre 1992 et au plus tard dans la nuit du 2 au 3 novembre 1992 sur le MC Ruby, navire battant pavillon des Bahamas ; qu'il a été établi par l'information que, dans la nuit du 2 au 3 novembre 1992, ledit navire se trouvait en haute mer au large des Canaries et qu'aucun des membres de l'équipage dont les auteurs présumés des crimes n'était de nationalité française ; que, dans ces conditions, les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître des faits pour lesquels les trois personnes mises en examen ont été mises en accusation ;
" alors, d'autre part, que le fait qu'après avoir échappé aux matelots qui avaient tué ses compagnons, Ofusu C... se fut caché sur le navire jusqu'à son arrivée au Havre le 6 novembre 1992 au matin exclut que les faits de séquestration, à les supposer constitués, se soient poursuivis jusqu'à cette date ou même jusqu'au 5 novembre 1992 lorsque le navire a pénétré dans les eaux territoriales françaises ; que, d'ailleurs, aucun des membres de l'équipage n'a jamais déclaré que les recherches pour retrouver ce passager clandestin après qu'il se fut échappé et caché se sont poursuivies jusqu'à l'arrivée du navire dans les eaux territoriales françaises et a fortiori jusqu'à son arrivée au Havre ; qu'ainsi, aucun fait de séquestration postérieure au 3 novembre 1992 n'a été établi par l'information et que, dès lors, c'est en violation des textes susvisés que la chambre d'accusation a rejeté l'exception d'incompétence ;
" alors, de troisième part, que l'application de la théorie de la compétence universelle qui donne aux tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le délinquant est arrêté ou se trouve passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l'infraction et quelles que soient les nationalités de l'auteur et de la victime, vocation à juger une infraction n'est applicable que si une loi de l'Etat leur donne cette compétence ou si une convention internationale régulièrement ratifiée conformément aux articles 52 et 53 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit cette possibilité ; qu'aucune loi ne prévoit la compétence universelle de l'ordre répressif français ; que, par ailleurs, la chambre d'accusation constate que ni la convention de Genève de 1958 sur la haute mer ni la convention des Nations Unies du 10 décembre 1982 définissant la piraterie n'ont été ratifiées par la France ; qu'il s'ensuit que, faute d'un texte précis et de ratification de ces Conventions, les juridictions françaises sont radicalement incompétentes pour connaître des faits reprochés aux personnes mises en examen ;
" alors enfin que l'article 689-5 du Code de procédure pénale entré en vigueur le 1er mars 1994 qui donne compétence aux juridictions pénales françaises pour l'application de la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime faite à Rome le 10 mars 1988 n'a aucun effet rétroactif et ne peut fonder la compétence des juridictions françaises pour des faits commis avant son entrée en vigueur ; que de quelque point de vue que l'on se place, les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître des faits imputés aux trois personnes mises en examen " ;
Attendu que pour retenir la compétence de la juridiction française, la chambre d'accusation relève que les recherches en vue de s'assurer de la personne du seul survivant Ofusu C... dans une intention homicide ont été activement poursuivies dans les eaux territoriales où le navire est entré le 5 novembre 1992 aux environs de deux heures du matin et jusqu'à l'arrivée au Havre ; que les juges énoncent par ailleurs que lesdites recherches sont consécutives aux séquestrations et assassinats antérieurement perpétrés, dont Ofusu C... restait le seul témoin, et que la juridiction française étant régulièrement saisie des faits accomplis dans les eaux territoriales, sa compétence s'étend à ceux commis en haute mer avec lesquels ils forment un tout indivisible ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs et constatations, abstraction de tous autres motifs surabondants voire erronés, les juges ont donné une base légale à leur décision ;
Qu'en effet, d'une part, l'avis du Conseil d'Etat du 20 novembre 1806 ayant valeur législative attribue compétence à la juridiction française pour connaître des infractions commises à bord d'un navire battant pavillon étranger, dès lors qu'elles l'ont été dans les eaux territoriales par ou contre une personne ne faisant pas partie de l'équipage ;
Que, d'autre part, l'article 689-2 du Code de procédure pénale issu de la loi du 30 décembre 1985, dont les dispositions ont été reprises par les articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale modifiés par la loi du 16 décembre 1992, donne compétence à la juridiction française pour poursuivre et juger, s'il est trouvé en France, quiconque, hors du territoire de la République, s'est rendu coupable de faits qualifiés crime ou délit qui constituent des tortures et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants au sens de l'article 1er de la Convention de New York du 10 décembre 1984, en vigueur en France depuis le 26 juin 1987 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 341 ancien et 224-1 et 224-9 nouveau, 689 et suivants anciens du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a mis A... et Z... en accusation du chef de séquestration et X... en accusation du chef de complicité de séquestration du 29 ou 30 octobre 1992 au 6 novembre 1992 ;
" aux motifs que si le commandant de bord avait le droit de se saisir de la personne des passagers clandestins, il avait l'obligation d'en faire la déclaration sans délai et qu'en ne le faisant pas, il ne pouvait se prévaloir de l'ordre de la loi qui aurait évité la constitution du crime de séquestration ayant duré plus de 5 ou 7 jours (arrêt p. 63, § 4) ;
" alors, d'une part, que dans la mesure où les faits de séquestration et complicité reprochés aux personnes mises en examen ont été commis hors du territoire de la République, seul leur est applicable le droit duquel elles relèvent elles-mêmes ou duquel relève le navire et qu'il appartenait à la chambre d'accusation de rechercher si de tels faits sanctionnés dans le droit applicable à leurs auteurs ; qu'en fondant la mise en accusation du chef de séquestration et complicité de séquestration sur la loi pénale française, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'il appartient à tout capitaine d'un navire de faire respecter l'ordre à bord du bâtiment dont il a le commandement et qu'il peut faire arrêter préventivement tout individu qui a commis une infraction à son bord ; qu'en l'espèce, il est constant que les 9 personnes placées en détention s'étaient embarquées clandestinement à bord du MC Ruby ; qu'en outre, nulle disposition contraignante n'obligeait le capitaine à signaler à quiconque la présence de passagers clandestins à son bord ; que, dès lors, en ordonnant de s'assurer de la personne des clandestins en les enfermant dans une cale et en exécutant cet ordre, les personnes mises en examen n'ont pas commis le crime pour lequel elles ont été mises en accusation et que la mise en accusation de ce chef est illégale ;
" alors enfin et toujours subsidiairement que le fait, qu'après la mort de ses compagnons le 3 novembre 1992, C... se soit caché jusqu'à l'arrivée au Havre le 6 novembre, exclut qu'il ait été séquestré au sens de l'article 341 du Code pénal ; que, en ce qui concerne ce passager, les faits prétendus de séquestration à les supposer constitués entre le 30 octobre 1992 où les clandestins ont été découverts et le 3 novembre 1992 où il a pris la fuite ont duré moins de 5 jours, les jours où le passager s'est lui-même caché ne pouvant être assimilés à une séquestration ; qu'il s'ensuit qu'en ce qui concerne C..., les crimes de séquestration et de complicité de séquestration reprochés aux personnes mises en examen ne sont pas constitués et que la mise en accusation de ce chef est illégale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation (subsidiaire) pris de la violation des articles 59, 60, 295, 296, 297 anciens, 121-4 à 121-7, 221-1, 221-3 nouveaux, 689 et suivants anciens du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a mis A... et Z... en accusation du chef d'assassinat et de tentative d'assassinat et X... en accusation du chef de complicité d'assassinat et de complicité de tentative d'assassinat ;
" alors que, dans la mesure où les faits d'assassinats, de tentative d'assassinat, de complicité d'assassinats et de complicité de tentative d'assassinat, reprochés aux personnes mises en examen ont été commis hors du territoire de la République, seul leur est applicable le droit de l'Etat dont ces personnes ont la nationalité ou celui duquel relève le navire sur lequel les crimes ont été commis ; qu'il appartenait ainsi à la chambre d'accusation de rechercher si de tels faits étaient sanctionnés dans l'un des droits applicables à leurs natures ; qu'en fondant la mise en accusation des chefs d'assassinats, de tentative d'assassinat, de complicité d'assassinats et de complicité de tentative d'assassinat sur la loi pénale française qui ne peut être applicable aux faits reprochés aux personnes mises en examen, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que c'est à bon droit que les juges ont appliqué la loi pénale française aux mis en examen, dès lors que selon notamment l'article 689 du Code de procédure pénale en vigueur depuis le 1er mars 1994 mais dont les dispositions ne font que reprendre l'état du droit antérieur ; la loi française est applicable chaque fois que les tribunaux français sont compétents ;
Attendu que pour renvoyer Vladimir X..., Sergeï Z... et Valery B... devant la cour d'assises sous l'accusation de séquestrations, assassinats, tentative d'assassinat et complicité desdits crimes, la chambre d'accusation après avoir constaté la présence à bord du MC Ruby de 9 passagers clandestins, leur emprisonnement dans des conditions dégradantes, l'exécution en série de 8 d'entre eux, et les recherches dans un but homicide pour retrouver le neuvième, a relevé en ce qui concerne la part qu'y avait prise Vladimir X..., son désintérêt pour les conditions d'incarcération des passagers clandestins, sa décision de ne pas tenir informé de leur découverte, ses autorités de tutelle contrairement aux instructions reçues, alors même que se trouvait à bord du bâtiment un représentant de la compagnie, enfin son absence de réaction lorsqu'il a été avisé par son second de la mort de 8 d'entre eux, tous éléments dont les juges ont déduit qu'il n'avait pu que donner à ce dernier des instructions même brèves et sibyllines de procéder à l'élimination des passagers indésirables ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le renvoi des mis en cause devant la cour d'assises est justifié ;
Qu'en effet les chambres d'accusation, en statuant sur les charges de culpabilité, apprécient souverainement au point du vue des faits tous les éléments constitutifs des infractions, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si la qualification qu'elles leur ont donnée justifie le renvoi des intéressés devant la juridiction de jugement ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Sur le pourvoi du MRAP, partie civile ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 295 et 296 de l'ancien Code pénal, 2-1 du Code de procédure pénale, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile du MRAP ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne le MRAP, si l'article 2-1 du Code de procédure pénale permet aux associations de lutte contre le racisme de se constituer partie civile, encore faut-il que les atteintes à la vie ou à l'intégrité des personnes aient été commises en raison de l'origine nationale de ces personnes, de leur appartenance ou de leur non appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une race ou une religion déterminée ; tel n'est pas le cas en l'espèce, en dépit de propos méprisants tenus par certains mis en examen, seule leur " qualité " de clandestins a été la cause des infractions dont les passagers africains ont été victimes, la question raciale étant absente du processus qui a conduit aux actes criminels ;
" alors qu'au stade de l'information, la constitution de partie civile doit être accueillie, dès lors, qu'est vraisemblable l'existence d'un préjudice prenant sa source dans l'infraction poursuivie, dont l'appréciation est indépendante des mobiles qui l'ont inspirée, lesquels ne peuvent en tout l'état de cause avoir d'incidence que sur le prononcé de la peine par les juges du fond ;
" que la circonstance qu'une atteinte à l'intégrité physique des personnes ait été inspirée par des considérations racistes étant, aux termes des dispositions légales, un mobile et non une circonstance aggravante des infractions visées à l'article 2-1 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation qui tout en relevant d'ailleurs certaines déclarations à connotations racistes des mis en examen, a prétendu ainsi se fonder sur l'absence de mobile raciste ayant animé les accusés pour écarter la constitution de partie civile du MRAP, a privé sa décision de toute base légale, la cour d'assises restant souveraine pour apprécier la réalité de ce mobile et en tirer les conséquences qui s'imposent sur la recevabilité de constitution de partie civile du demandeur " ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du MRAP, l'arrêt attaqué énonce : " qu'en dépit de propos méprisants tenus par certains mis en cause, seule la qualité de clandestins a été la cause des infractions dont les passagers clandestins ont été victimes, la question raciale étant absente du processus qui a conduit aux actes criminels " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine, la chambre d'accusation, qui avait l'obligation de statuer sur les conclusions d'irrecevabilité dont elle était saisie par le ministère public et Vladimir X..., a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les accusés ont été renvoyés, que le procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-80725
Date de la décision : 03/05/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Procédure - Débats - Audition des parties - Ordre - Application des articles 513 et 460 du Code de procédure pénale (non).

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Procédure - Débats - Audition des parties - Article 199 du Code de procédure pénale - Absence d'ordre.

1° Les articles 513 et 460 du Code de procédure pénale relatifs à l'ordre d'intervention des parties ne sont pas applicables aux débats devant la chambre d'accusation.

2° COMPETENCE - Compétence territoriale - Infraction commise à bord d'un navire étranger - Avis du Conseil d'Etat du 20 novembre 1806 - Application - Conditions.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de New York du 10 décembre 1984 - Torture et autres peines ou traitements cruels - inhumains ou dégradants - Infraction commise à bord d'un navire étranger - Compétence de la juridiction française.

2° L'avis du Conseil d'Etat du 20 novembre 1806 ayant valeur législative donne compétence à la juridiction française pour connaître des infractions commises à bord d'un navire battant pavillon étranger, dès lors qu'elles l'ont été dans les eaux territoriales, par ou contre une personne ne faisant pas partie de l'équipage(1). Si les faits commis dans les eaux territoriales sont indivisibles avec d'autres perpétrés en haute mer, ces derniers relèvent aussi de la compétence de la juridiction française(2). Les tribunaux français sont également compétents si les faits commis hors des eaux territoriales entrent dans les prévisions de l'article 1er de la Convention de New York du 10 décembre 1984, contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3° LOIS ET REGLEMENTS - Conflit de lois - Compétence territoriale des juridictions françaises - Effet - Solidarité des compétences judiciaire et législative.

3° La loi pénale française est applicable chaque fois que les tribunaux français sont compétents.

4° ACTION CIVILE - Recevabilité - Association - Association se proposant de combattre le racisme - Conditions.

4° ASSOCIATION - Action civile - Association se proposant de combattre le racisme - Recevabilité - Conditions.

4° La constitution de partie civile d'associations se proposant de lutter contre le racisme n'est recevable que si les infractions énumérées à l'article 2-1 du Code de procédure pénale ont été commises à raison de considérations raciales.


Références :

1° :
2° :
3° :
4° :
Code de procédure pénale 199, 460, 513
Code de procédure pénale 2-1
Code de procédure pénale 689
Code de procédure pénale 689-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 15 décembre 1994

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1952-06-12, Bulletin criminel 1952, n° 152, p. 256 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1876-08-24, Bulletin criminel 1876, n° 193, p. 382 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1882-08-11, Bulletin criminel 1882, n° 204, p. 347 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1920-08-05, Bulletin criminel 1920, n° 355, p. 575 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1933-12-09, Bulletin criminel 1933, n° 237, p. 455 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1981-04-23, Bulletin criminel 1981, n° 116, p. 321 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 mai. 1995, pourvoi n°95-80725, Bull. crim. criminel 1995 N° 161 p. 446
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1995 N° 161 p. 446

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Pibouleau.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Delaporte et Briard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:95.80725
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