Vu la connexité, joint les pourvois n°s 92-11.086 et 91-21.137 ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'aux termes d'un accord général en date du 12 décembre 1975, relatif à l'utilisation des phonogrammes du commerce, le Syndicat national des artistes musiciens (SNAM) et le Syndicat des artistes musiciens de la région parisienne (SAMUP) ont donné mandat au Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) de conclure avec les établissements publics et les sociétés nationales ou privées des contrats généraux portant sur l'utilisation de ces phonogrammes aux fins de radiodiffusion et de télévision ; que, le 12 décembre 1975 également, un accord spécial concernant les " bandes d'accompagnement " a été conclu entre le SNAM et le SAMUP d'une part, le SNEP d'autre part, limitant au 31 décembre 1976 l'usage de ces bandes ; qu'enfin, une convention collective a été conclue le 16 mai 1977 entre le SNAM, représentant les artistes exécutants et les artistes chanteurs d'une part, et les sociétés de télévision TF 1 et Antenne 2 d'autre part, convention collective indiquant que les organisations syndicales désiraient qu'il soit mis un terme à l'usage abusif de l'interprétation simulée dite " play-back ", mais précisant que celui-ci serait toléré lorsque les circonstances techniques l'exigeraient ; qu'après le 31 décembre 1976, l'utilisation des bandes d'accompagnement et l'usage du " play-back " se sont poursuivis ; que c'est dans ces conditions que, les 20 et 21 juin 1984, le SNAM, le SAMUP et l'Association de défense de la musique vivante (ADMV) ont assigné les sociétés de télévision TF 1 et Antenne 2, ainsi que le SNEP, en réparation du préjudice résultant, pour les professions qu'ils représentaient, de la pratique des émissions télévisées dites en " play-back ", intégral ou non, selon que les chanteurs miment leur prestation en suivant la diffusion concomitante d'un phonogramme du commerce, ou chantent avec accompagnement d'une musique pré enregistrée sur une bande dite " d'accompagnement " ; que, par arrêt du 1er mars 1988, la cour d'appel de Paris a débouté les deux syndicats et l'association de leurs demandes ; que cette décision a été cassée le 27 mars 1990 ; que, statuant sur renvoi après cassation, l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 1991) a condamné les sociétés TF 1 et Antenne 2, ainsi que le SNEP, à verser respectivement au SNAM, au SAMUP et à l'ADMV une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, et a dit que le SNEP devrait garantir les sociétés TF 1 et Antenne 2 des condamnations prononcées à leur encontre ; qu'Antenne 2 et le SNEP ont formé chacun pourvoi principal, tandis que TF 1 relevait de son côté pourvoi incident ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches du pourvoi incident de TF 1, ainsi que sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches du pourvoi principal d'Antenne 2, réunis : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche du pourvoi incident de TF 1 et sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches du pourvoi principal d'Antenne 2, réunis : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen pris en sa troisième branche du pourvoi incident de TF 1 et sur le second moyen, pris en ses deux branches du pourvoi principal d'Antenne 2, réunis : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du SNEP, pris en ses cinq branches :
Attendu, sur la première branche, que constitue une faute le fait, de la part du mandataire, de donner au tiers, avec lequel il a conclu un contrat au nom de son mandant, une interprétation erronée de la volonté de ce dernier, et contraire à ses intérêts ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a d'abord relevé que, dans sa lettre du 3 avril 1981 adressée à Antenne 2, le SNEP avait indiqué que le recours au " play-back " était permis, alors que la convention collective du 16 mai 1977 précisait au contraire que les organisations syndicales désiraient qu'il soit mis un terme à son usage abusif ; qu'il a ensuite retenu que le SNEP ne s'était pas opposé davantage à l'utilisation des bandes d'accompagnement, alors que la convention collective n'autorisait l'emploi de ces bandes que lorsque les circonstances techniques l'exigeaient ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé à l'encontre du SNEP l'existence d'une double faute contractuelle ;
Attendu, sur la deuxième branche, que, dans ses conclusions d'appel, le SNEP n'a jamais soutenu que son interprétation des accords de 1975 et de la convention collective de 1977, relative aux modalités d'utilisation du " play-back ", ne concernaient que la société Antenne 2, à l'exclusion de la société TF 1 ; que ce syndicat n'est donc pas recevable à reprocher à l'arrêt attaqué de ne pas avoir opéré entre les deux sociétés de télévision une ventilation, que lui-même n'a pas effectuée ;
Attendu, sur la troisième branche, que le SNEP n'a pas davantage soutenu devant les juges du fond que son éventuelle responsabilité devait être limitée à la période 1981-1986 de telle sorte que, pris en sa troisième branche, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, par suite, irrecevable ;
Attendu, sur la quatrième branche, que si le mandataire n'est pas responsable de la violation par le tiers, du contrat qu'il a passé avec ce dernier au nom de son mandant, il lui appartient cependant d'attirer l'attention de ce tiers sur les irrégularités qu'il a commises ou qu'il s'apprête à commettre ; qu'ayant relevé en l'espèce que le SNEP avait omis de mettre en garde les sociétés de télévision, avec lesquelles il se tenait en contact constant, contre la poursuite irrégulière de l'utilisation du " play-back " et des bandes d'accompagnement, alors qu'il était mandaté par l'accord du 12 décembre 1975 pour exercer, dans le cadre des contrats d'application de cet accord, tous les droits des artistes interprètes et exécutants, la juridiction du second degré a pu en déduire que le SNEP avait agi avec une légèreté blâmable et commis une faute de négligence dans l'exercice de son mandat ;
Attendu, enfin, et sur la cinquième branche, qu'ayant constaté que le mandat du SNEP ne comportait aucune limitation de durée, de telle sorte que l'arrivée du terme du 31 décembre 1976, date prévue par l'accord spécial du 12 décembre 1975 pour la fin de l'utilisation des bandes d'accompagnement, n'avait pu avoir pour effet de mettre fin à ce mandat, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ; qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli en aucune de ses cinq branches ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du SNEP, pris en ses deux branches :
Attendu que le SNEP fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné in solidum avec les sociétés de télévision TF 1 et Antenne 2 à verser 50 000 francs de dommages-intérêts à l'ADMV, alors, selon le moyen, d'une part, que la cassation à intervenir sur le premier moyen privera de support la condamnation prononcée au profit de cette association, et alors, d'autre part, qu'à supposer que le SNEP ait commis une faute dans l'exercice de son mandat, cette faute ne pouvait engager sa responsabilité envers un tiers, à l'égard duquel le mandataire n'avait contracté aucune obligation, que si elle constituait un comportement illicite envisagé en lui-même et en dehors de tout point de vue contractuel ; qu'en s'abstenant de toute analyse susceptible de caractériser une telle faute en dehors de cette perspective contractuelle, l'arrêt attaqué a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend inopérante la première branche du second ;
Attendu, ensuite, que le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa mission, la faute délictuelle ou quasi délictuelle pouvant consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif ; qu'ayant relevé en l'espèce que le SNEP, par son interprétation erronée des accords de 1975 et de la convention collective de 1977, avait incité les sociétés de télévision à les transgresser, et qu'il ne s'était pas non plus opposé à l'utilisation illicite des bandes d'accompagnement, l'arrêt attaqué a ainsi caractérisé à la charge du SNEP l'existence de fautes quasi délictuelles envers l'ADMV, détachables des obligations du contrat de mandat l'unissant au SNAM et au SAMVP ; d'où il suit que le deuxième moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du SNEP, pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident de TF 1, ainsi que les pourvois principaux d'Antenne 2 et du SNEP.